Rencontre avec Jack WOLF - Paris 15 avril 2013

Nous avons eu le plaisir de rencontrer Jack Wolf à Paris à l’occasion de la sortie de son premier et brillant roman : Misericordia.


Transexuel, père de deux enfants, Jack Wolf est originaire de Bath en Angleterre. Après avoir abandonné l’enseignement de la littérature (Il n’aimait clairement pas ça et ne supportait plus la dégradation du comportement et du niveau des lycéens), il a décidé de se lancer dans l’écriture. C’est ainsi qu’est né Misericordia.
La première chose que nous lui avons demandé c’est bien évidemment si Tristan est fou ou si ce qu’il voit existe vraiment. Jack a ri et nous a dit qu’il refusait de répondre à cette question car c’est vraiment au lecteur de se faire sa propre opinion. D’ailleurs lui-même n’en sait encore trop rien et est donc bien incapable de le dire. On aura essayé…


Il lui a ensuite été demandé le pourquoi des lettres majuscules placées de façon arbitraire dans chaque phrase. Certes, la note du début explique que c’était une pratique courante au XVIIIe siècle mais ça reste malgré tout étrange. En fait, le récit de Tristan, sous forme de confession, est un pur produit de son esprit à la fois génial et complètement dérangé. Du coup, la gêne que les majuscules peuvent créer sur le lecteur, est là pour renforcer encore cette impression de folie et de surréalisme, ce voyage dans l’esprit confus de Tristan. Donc oui c’est complètement fait exprès ! A noter qu'il y en a bien plus de majuscules en français qu'en anglais car ce qui en anglais se résume à un ou deux mots peut en prendre trois fois plus en français.


Le titre en VO est différent – The Tale of Raw Head and Bloody Bones – pour autant le titre de Misericordia est parfaitement trouvé car la Compassion et la Miséricorde sont des notions présentes tout au long du roman, encore plus dans les derniers paragraphes, tant dans les personnages eux-mêmes que dans ce que le lecteur se doit de ressentir durant sa lecture, notamment envers Tristan.
Ce qui est sûr en tout cas c’est que c’est une lecture atypique et que l’auteur le sait. Il a bien conscience de faire naître chez le lecteur toute une foule de sentiments et sensations, parfois même contradictoires. On est parfois perdu. On ne sait que croire, que penser, on se pose des milliers de questions et c’est exactement ce qu’a voulu Jack Wolf. Le but est clairement de mettre le lecteur mal à l’aise, tout comme Tristan d’ailleurs, dans une étrange empathie.
Il est complètement fan de Tim Burton, d’où l’ambiance très sombre, gothique et décousu du roman, et imagine parfaitement Tim Burton réaliser un film avec une telle histoire.


Jack Wolf avait toujours été fasciné par le XVIIIe siècle sans connaître réellement tous les trésors que recelait cette période. Il a donc entrepris de faire une multitude de recherches sur cette période, essentiellement via internet : la naissance de la science moderne, de la médecine, les premières autopsies, le trafic de cadavres, les mutations rurales de ce siècle avec les enclosures, la présence juive en Angleterre au XVIIIe siècle… Et pourtant c’est un domaine qui ne l’intéresse pas particulièrement à la base. Il serait incapable de réaliser la moindre dissection et ça le dégoûte. N’empêche que certaines des informations qu’il a trouvées l’ont passionné. Il n’aurait jamais imaginé par exemple que les pratiques médicales étaient aussi rapides vu qu’ils ne s’embarrassaient pas de précautions. Ils mettaient ainsi seulement deux minutes pour retirer une vessie… De même, les croyances populaires et les mythes étaient encore très vivaces et il a été étonné de voir que certains croyaient vraiment que certaines femmes accouchaient de lapins !
C’est donc définitivement un siècle fascinant, un siècle de transition et vu les sujets évoqués dans le roman il ne pouvait se dérouler qu’à cette époque où le rationnel et la superstition coexistaient comme jamais.
De même toutes les références aux légendes du Folklore anglais, et notamment celle de Raw Head et Bloody Bones (née au XVIe siècle), sont réelles et ont circulé pendant très longtemps dans les campagnes.
Le personnage de Tristan est un vrai sadique qui trouve que le plaisir extrême ne peut s’obtenir que dans la douleur et en infligeant à l’autre de la douleur, sans qu’il n’y ait obligatoirement une interaction sexuelle. Jack Wolf a fait de nombreuses recherches à ce sujet, a lu toute l’œuvre de Sade et est bien conscient que ce thème est à la mode aujourd’hui. Mais pitié que personne n’ose comparer son roman, de près ou de loin, à Fifty Shades of Grey. Il est horrifié à cette idée !

Pour son prochain période, Jack Wolf change complètement de sujet. Il se déroulera au XIXe siècle et aura pour thème principal l’esclavage. Il n’y aura donc plus de grands débats philosophies ou d’interrogations sur la part de fantasme et de réalité, mais davantage de contexte politique. Il en est encore au stade où il tente de rassembler ses idées mais c'est déjà qu'il se glissera dans la tête de plusieurs personnages.

En tout cas c’est son premier séjour à Paris et il en est ravi ! Nous aussi…