HARMAN Patricia : La sage-femme des Appalaches

La sage-femme des Appalaches
Patricia Harman

Sortie le 7 mai 2014

Dans le milieu hostile des Appalaches, pendant la Grande Dépression, Patience Murphy exerce avec talent son métier de sage-femme et assume la tâche parfois difficile d’assister les femmes lors de leur accouchement. Elle est prête à tout pour suivre les pas de son mentor et instaurer un climat de confiance avec ses patientes, mais elle doit également s’affranchir de son lourd passé. Confrontée à des difficultés quasi insurmontables, des périlleuses mines de la Virginie occidentale aux terrifiantes menaces du Ku Klux Klan, elle devra lutter pour apporter la vie et un peu d’espoir dans un univers pétri d’épreuves.

« Tu enfanteras dans la douleur », une sentence qui valait vérité il n’y a pas si longtemps que cela. Heureusement, des bonnes fées étaient là, bien présentes pour soulager et assister les femmes dans ces moments forts en émotion, merveilleux, tragiques aussi parfois. Ce livre leur rend un hommage vibrant.
La sage-femme des Appalaches, c’est un immense coup de coeur, un livre qui nous happe, nous étreint, nous bouleverse. Remarquable de justesse et de réalisme, il ne peut laisser indifférent !

C’est dans un coin perdu des Appalaches que Patience Murphy est sage-femme. Mais en pleine Dépression, exercer et vivre de son métier n’est pas vraiment évident. L’argent se fait rare, les commerces ferment les uns après les autres, les mines aussi, victimes de la banqueroute et du krach boursier de 1929. Aussi, à défaut de monnaie sonnante et trébuchante, Patience récolte poulets, bois, charbons et couvertures en guise de paiements. Qu’importe, elle ne fait pas cela pour s’enrichir mais bien par passion, par devoir. Aider les femmes, les secourir, les encourager, mettre au monde des enfants, espoirs de ce monde bien sombre, c’est sa vie. Mais Patience a aussi ses secrets, ses blessures. C’est une fugitive, elle a perdu deux maris, un enfant et c’est volontairement qu’elle se tient en retrait de la petite communauté. Il faut dire qu’en plus, une femme de 36 ans qui vit seule dans sa ferme, qui s’habille n’importe comment, jure parfois, invective souvent, cela se remarque et ne plaide pas toujours en sa faveur. Mais en soutien, elle peut compter sur ses patientes, sur le Docteur Hester, vétérinaire au grand coeur, sur Grace Potts, sage-femme noire âgée, pilier de la communauté, qui croit et compte sur elle, et sur Bitsy, jeune fille, noire elle aussi qui habite avec elle et qu’elle a pris sous son aile pour lui apprendre le métier d’accoucheuse, brisant ainsi sa solitude. Un monde d’hommes et de femmes, âpre, douloureux mais aussi solidaire et joyeux, un monde terriblement humain en somme !

J’ai adoré chaque phrase, chaque mot de cette histoire. J’ai laissé le livre m’habiter, j’ai épousé l’histoire de Patience, je l’ai faite mienne et j’ai tourné la dernière page en pleurs, emplie d’émotions fortes, vraies. C’est une histoire qui nous parle, qui nous rappelle qu’une naissance, c’est un bonheur mais que cela peut aussi être tragique. Loin de l’univers médicalisé (Dieu bénisse la péridurale !), l’enfantement à cette époque relevait du challenge, d’un parcours du combattant, les jeunes mères étaient des héroïnes, les sages-femmes de vrais anges-gardiens. Elles se battaient et défiaient la mort, la tenant à distance pour faire venir la Vie, la Lumière dans ce monde. C’est tellement beau, tellement touchant, magnifique ! Et surtout, il y a Patience, cette héroïne qui n’en est pas une, avec ses fêlures, ses doutes, elle nous semble si réelle, si humaine. A l’aide de flashbacks, on découvre son passé et comment elle en est venue à être sage-femme, dans ce coin paumé des Appalaches. Faisant fi des convenances, du racisme, elle est là quand on a besoin d’elle, elle répond toujours présent que ce soit pour assister une riche femme battue, pour aider une miséreuse dans une masure ou dans une tente au bord de la route, pour trouver les mots pour apaiser une jeune mère qui vient de perdre son bébé, pour consoler un homme devenu veuf trop tôt, … Elle ne s’en rend pas vraiment compte, mais elle est devenue le coeur, l’âme de la communauté. Le roman alterne moments romancés et extraits de son journal des naissances, compte-rendu fidèle de son activité. C’est passionnant et cela nous plonge dans une période plutôt méconnue et dans une région qui l’est tout autant. Tous les personnages qui gravitent autour d’elle sont aussi attachants et l’on se prend d’affection pour eux, on suit leurs aventures avec bonheur, au fil des saisons qui rythment la vie et les destins.

Patricia Harman signe un premier roman merveilleux, avec une plume touchante et sincère. Elle est sage-femme, elle a exercé dans des régions rurales et cela se ressent, elle maitrise parfaitement son sujet et du coup, tout sonne vrai. J’ai adoré ce beau voyage et cette rencontre avec ces femmes ordinaires si extraordinaires aussi !