Mon avis : "Ce qu'il m'accordait était bien plus grand que le pardon. C'était inestimable."
Un roman érotique d'une force incroyable qui m'a fait sortir de ma zone de confort à plus d'un titre, qui m'a interpellé à chaque page et que j'ai pourtant adoré ! Christy Saubesty ose, évoque plusieurs tabous, bouscule nos idée-reçues, part loin dans les méandres d'un couple en perdition et nous offre pourtant une magnifique histoire d'amour. Car oui, c'est bien d'amour qu'il s'agit, et quel amour...
Estelle est mariée depuis plusieurs années déjà avec Luc et, ensemble, ils ont un magnifique petit garçon, Enzo. Pourtant Estelle n'est pas heureuse. Son couple s'est englué dans la routine et l'ennui, ce qu'elle ne supporte plus. Et elle a beau, discrètement certes, essayer de changer les choses, son mari ne le voit pas. Chaque soir, il rentre épuisé du boulot, lui demande comment s'est déroulée sa journée, avant de s'affaler sur le canapé devant la télé ou l'ordi. Quant à leur vie sexuelle, elle est proche du néant. Sa frustration grandit chaque jour davantage, éveillant des fantasmes refoulés, des fantasmes de plus en plus chauds et subversifs qui l'excitent comme jamais sans qu'elle n'y trouve d'exutoire.
Il n'y a guère qu'à sa jeune sœur, Marine, qu'Estelle ose s'épancher et avouer les pensées choquantes qui la traversent de plus en plus. Alors qu'elles sont attablées à une terrasse de café, elle ne peut s'empêcher par exemple d'être excitée par les regards brûlants de deux hommes. Et sur un coup de tête, elle se lève et leur demande discrètement s'ils seraient intéressés par une séance photo très privée. Malgré les avertissements de Marine, Estelle les suit dans une crique isolée où elle leur offre un strip-tease, se laisse caresser et en vient même à les sucer. A la fin elle ne peut s'empêcher de se sentir horriblement coupable, une culpabilité qui disparaît pourtant très vite quand elle se rend compte à quel point elle est transparente pour Luc. Et le premier pas a été franchi...
Remontée à bloc, Estelle décide également de se remettre à travailler. Elle est engagée en tant que réceptionniste-secrétaire dans une agence immobilière et, dès le premier jour, fait connaissance de curieuse manière avec son beau patron, M. Aubier. Un patron qui a lu en elle ses frustrations et ses désirs enfouis, et qui, dès qu'il obtient son consentement, lui impose des jeux érotiques destinés à réveiller la soumise qui sommeille en elle...
C'est donc d'adultère qu'il s'agit au début du roman, encore qu'il reste à définir le terme car si Estelle va très loin dans l'exploration de ses nouveaux désirs, elle refuse de passer le cap de la pénétration. A partir du moment où elle succombe une première fois, elle n'a plus vraiment de barrières, si ce n'est son appréhension et sa peur de l'inconnu. D'autant que Luc ne voit rien et s'enlise dans son train-train quotidien et sa normalité et que donc la culpabilité est de moins en moins présente, du moins jusqu'à ce qu'il le découvre...
Avec Gérald Aubier, Estelle explore un monde nouveau, celui du BDSM. Elle se laisse guider par étapes successives, autant par de la théorie que de la pratique, et comprend très vite que ce monde est fait pour elle tout en s'imposant des limites. Elle aime cette position de soumise. Etrangement, en confiant les rênes de son plaisir à un autre en qui elle a toute confiance, elle a une impression de toute puissance qui la grise, l'excite.
Face à Gerald, il y a Marine, sa sœur à qui elle raconte tout, mais également sa conscience. Elle est celle qui lui demande pourquoi elle ne se contente pas du bonheur qu'elle a déjà, un mari aimant et un fils génial. Celle qui renouvelle sans cesse les avertissements sur son exploration du BDSM en s'appuyant sur sa mauvaise expérience. Mais Estelle sait ce qu'elle veut et a toute confiance en celui qui la guide.
Il est difficile d'aller plus loin sans spoiler mais sachez juste que la seconde partie du roman prend un tour auquel on ne s'attendait pas forcément et qu'elle est juste sublime tout en restant sulfureuse.
Christy Saubesty n'en est pas à sa première romance érotique et on savait déjà à quel point elle est talentueuse. Mais avec
Ce qui m'attise, l'échelon supérieur a nettement été franchi. Elle écrit merveilleusement bien et on se laisse guider par les émotions et les sensations qu'elle fait naître en nous. On ressent avec acuité le trouble d'Estelle, sa frustration et ses envies. On ne peut s'empêcher malgré tout de la condamner tout en comprenant ses motivations. Mais justifient-elles vraiment un tel comportement ? Une réponse qui diffère en fonction de la personnalité de chacun...
Là où cependant Christy Saubesty nous scotche c'est la dualité présente tout au long du roman entre les passages avec Gerald et ceux avec Luc. Elles sont toujours en contraste total. Le côté froid, intellectuel, bien qu'érotique des discussions avec Gerald tranche de façon très nette avec les émotions intenses qui se dégagent des confrontations avec Luc : la culpabilité, la honte, les remords, l'incompréhension et, par-delà tout ça, l'amour. Le personnage de Luc est incroyablement fascinant, craquant. Un personnage extraordinaire, admirable, qui nous émeut tellement qu'il nous fait monter plus d'une fois les larmes aux yeux.
Les scènes de sexe sont très érotiques et dès le début, avec la scène du sperme et de la cuillère (non, je n'en dirais pas plus...), l'auteure annonce la couleur. C'est une romance érotique, une vraie, sans tabous ni condamnations qui n'ont pas lieu d'être dans l'acceptation. Et pourtant encore, plus d'une fois, notre zone de confort peut être largement dépassée (pour ma part, avec les règles et les tampons...).
Ce roman c'est donc d'abord une initiation, celle d'Estelle. En moins de deux mois, la jeune femme explore ses limites, sonde ses envies, découvre que si une vraie soumise sommeille en elle, tous les fantasmes ne sont pas faits pour être réalisés. Il s'agit aussi de reconstruction et de compréhension pour le bonheur de l'être aimé. Des thèmes qui peuvent dépasser nos propres limites, mais qui pourtant, sont exploités si habillement qu'on adhère. On s'interroge certes, mais au final on ne peux que suivre avec passion cette évolution. Et on ne peux que finir par adorer...
Des personnages restent en suspens à la fin, et on espère vraiment que l'auteure nous offrira une ou plusieurs suites dans lesquelles nous aurons le bonheur de retrouver Gerald, Marine et même William...