Mon avis :
Comme pour tous les fans de Jane Austen, la lecture d’une « austennerie » (une suite ou une adaptation de l’un de ses romans) est toujours l’occasion de me replonger avec délice dans l’une de ses histoires… Avec délice, oui, mais aussi avec raison : les romans de Jane Austen étant des chefs-d’œuvre, aucune de ces austenneries, aussi réussies qu’elles soient, ne sont jamais en mesure de rivaliser avec les originaux. Cela étant, elles permettent de retrouver avec plaisir les personnages et d’imaginer leur évolution, ce qui n’est déjà pas si mal.
La Quête de Mary Bennet se situe donc à la suite d’Orgueil et Préjugés et nous permet de suivre la destinée de la troisième fille Bennet, Mary. Dans le roman original, Mary est dépourvue de charmes, plutôt sotte et vaniteuse. Pamela Mingle situe son histoire quelques années après, et la jeune fille a évolué de manière positive, tirant notamment parti des lectures recommandées par son père. La voici donc devenue une héroïne acceptable, et l’histoire nous entraîne dans sa quête du grand amour. Celui-ci est incarné par Henry Walsh, un gentleman anglais cachant of course un passé trouble.
L’histoire d’amour entre ces deux personnages n’est pas sans (trop ?) rappeler celle de Lizzie et de Mr Darcy. Comme dans Orgueil et préjugés, les conventions sociales de l’Angleterre du XIXè s., les scandales causés par Lydia, la plus jeune des sœurs Bennet, et les ressorts psychologiques compliqués des héros sont autant d’obstacles qui se mettent en travers de leur chemin, mais dont ils finissent par triompher. Sans être exaltant, leur amour est touchant.
Le personnage de Mary est à mon sens particulièrement bien réussi. Avec finesse, l’auteure puise dans la matière d’Orgueil et préjugés pour expliquer ses qualités et ses défauts actuels, et notamment le peu d’estime qu’elle a pour elle-même. L’intrigue secondaire, où Mary se voit contrainte de s’occuper de Felicity, l’enfant de sa sœur Lydia, lui donne beaucoup d’épaisseur et de complexité. Cette intrigue, tournant autour de la maternité et des sentiments complexes qui peuvent en résulter, m’a d’ailleurs beaucoup plus émue que l’histoire d’amour principale. On regrettera par contre qu’il n’en soit pas de même pour le héros, Henry Walsh, dont le caractère est à peine esquissé. Si Pamela Mingle le flanque d’un secret sensé donner une certaine profondeur au personnage, celui-ci n’est à mon avis pas assez exploité et rend le procédé un peu artificiel.
Pour le reste, on retrouve avec plaisir la galerie des personnages d’Orgueil et préjugés, fidèles à eux-mêmes : le flegmatique Mr Bennet et son insupportable femme, les couples amoureux que forment Jane et Mr Bingley et Lizzie et Mr Darcy, l' inconstante Kitty et enfin Lydia, toujours aussi frivole et superficielle, à qui j’accorde une mention spéciale. En effet, dans la façon qu’a Pamela Mingle de l’aborder, j’ai cru déceler, derrière son attitude scandaleuse et immorale (pour l’époque !) et son déni de maternité, une impuissance, un refus des conventions sociales, une volonté de révolte, un désir de vivre libre qui se concrétise par sa fuite en Amérique, où personne ne se soucie ni de votre rang ni de votre identité. Une touche de modernité et de féminisme que ne possède évidemment pas le personnage dans le roman initial mais que j’ai fortement appréciée, la société anglaise du début du XIXè s. n’étant pas vraiment un modèle pour la condition féminine !
Enfin, et malgré quelques écarts de langage contemporain, l’ambiance générale colle bien à celle des romans de Jane Austen. L’oisiveté des femmes de la bonne société anglaise, qui partagent leur temps entre bals, promenades dans la campagne et questionnements existentiels sur le mariage, est bien retranscrite. Sans égaler le style vif et léger, et la subtile férocité avec lesquels Jane Austen dépeint les travers de ses contemporains, on retrouve chez Pamela Mingle un peu de son ironie mordante et de son humour so british, à travers quelques piques qui font mouche.
En conclusion, je dirai donc que cette austennerie plutôt bien réussie ne déshonore pas son modèle et permet de retrouver avec plaisir les personnages d’Orgueil et préjugés !