BRUSSOLO Serge : l'Oiseau des tempêtes

L'Oiseau des tempêtes

Serge Brussolo

Sortie le 10 novembre 2016

Quatrième de couverture :

Bretagne, sous le règne du Roi-Soleil. L’Oiseau des tempêtes, c’est le navire rêvé d’Artus de Bregannog. Pour l’heure, le baron contemple l’épave qu’il a acquise dans l’espoir de la transformer en une embarcation mythique, et refuse d’entendre les avertissements de ses hommes. Le navire est maudit, habité par ses fantômes d’esclaves, et tout laisse à penser que le chantier ne sera qu’une accumulation de grands malheurs, si l’on n’abandonne pas.
Il a beau flirter avec la démence depuis qu’une flèche empoisonnée lui a traversé la peau en Amérique, Artus de Bregannog garde sa morgue intacte et, cumulant quelques richesses issues de ses pillages, croit sans vaciller à son projet. Le baron sans le sou est un naufrageur.
Parmi sa garde rapprochée, on trouve Alexandre, ce vétérinaire qui lui a sauvé la vie et auquel il a enjoint de prendre femme. Une femme frivole et même parfaitement folle. Désormais qu’elle partage les jours d’un vieux garçon, elle égrène les gloires passées, mélange fantasmé de fastes de cour et de respectabilité. C’est une comédienne devenue épouse. Autant dire une prostituée sauvée du ruisseau. Dans ses bagages, Marion, sa fille dont elle va faire une orpheline. Devenue l’obsession d’un familier du baron et muse à son insu, courant le danger d’une mort certaine tandis qu’on intrigue au point même de menacer le baron, cette enfant à peine devenue femme va fuir, aidée en sous-main par son beau-père.
De cette fuite naîtra une odyssée, et Marion de quitter le rôle qui lui était naturellement dévolu : celui d’une proie facile, et même d’une traînée. S’adaptant aux obstacles jetés sur son chemin, quittant parfois son genre pour se réaliser dans des rôles taillés pour les hommes, multipliant les rencontres décisives, Marion ne suivra qu’une voie, celle de la liberté.

Il ne faisait pas bon être une femme sous Louis XIV…

Loin des romances, on est ici dans la triste réalité de la vie sous le Roi Soleil, avec un peuple souffrant de la famine pendant que le monarque dépense à foison à Versailles, et surtout, avec la difficulté d’être une femme à cette époque. À travers le destin de Marion, on découvre à quel point les femmes n’avaient aucun contrôle sur leur destin. Mais malgré les difficultés, le désespoir qui souvent va l’envahir – et on peut la comprendre au vu des épreuves qu’elle traverse ! –, Marion se bat pour s’en sortir, et même pour aider les autres. Au gré de ses rencontres, elle croisera des personnages étonnants, qui eux aussi refusent de se plier aux règles, comme Annelize, la fausse monnayeuse, Doudou la Perle, Mathurin Lempereur, Gaspard de Cheveztre et ses araignées tisseuses de soie dorée, et surtout, Julien, qui bravera tout pour elle. Marion se révèle une héroïne forte et courageuse, qui n’hésite pas à braver le destin pour survivre.

L’autre force de ce roman est que Serge Brussolo n’édulcore rien ce qui se passait à cette époque, comme les relations entre les hommes privés de femmes sur l’île Ajimo, l’arbitraire et la cruauté des jugements rendus, comme ces déportations de femmes pour peupler les colonies, et de manière générale, la difficulté de la vie à cette époque.

L’écriture de l’auteur est toujours aussi addictive, fluide et efficace. Par exemple, lorsqu’il décrit la chaleur et la moiteur de l’île, vraiment, on s’y croit ! Tout juste si on ne sent pas les bestioles grouiller autour de nous ! Le seul bémol que je mettrais est le choix du prénom de l’héroïne, car j’ai cru qu’il s’agissait de la même Marion que celle de « Captive de l’hiver » et « Pèlerins des ténèbres », deux romans haletants que j’ai dévorés il y a bien longtemps et pour lesquels j’espère toujours une suite. D’ailleurs, pour celui-ci aussi j’aimerais une suite ; je ne me sens pas prête à quitter Marion, pas plus que Doudou la Perle ou Julien !