Cette trilogie est juste un bijou livresque, le genre de romans uniques et originaux qui offrent à son lecteur non seulement une histoire pleine de rythme mais aussi et surtout une ambiance particulière que l’auteur illustre superbement de photographies anciennes en noir et blanc. Et ce troisième opus ne déroge pas à la règle, mieux, il offre une atmosphère terriblement sombre et ténébreuse, un univers noir et glauque où la misère et la violence se côtoient à chaque pas et chaque page, un univers particulier peuplé d’âme esseulée, abandonnée, maltraitée, abusée, on scotche à l’intrigue dès les premières lignes qui viennent nous happer dans une peur sordide, à suivre ces jeunes personnages dans « l’Arpent du diable ».
Jacob, Emma et Addison se retrouvent séparés de leurs amis après avoir été attaqués par les Estres dans une rame de métro londonienne. Blessés et traqués par un creux étrange, ils se lancent à la recherche des autres particuliers. Grâce à son flair, Addison retrouve les traces des enfants qui les mène à la Tamise. Là, ils rencontrent Sharon, un étrange géant masqué à l’odeur épouvantable, qui officie en faisant traverser le fleuve à ses clients pour leur faire visiter ou les mener au terrible Arpent du diable. Cet endroit semble aussi lugubre que les Estres, Jacob, Emma et Addison sont persuadés que c’est là qu’ils ont emmené les autres et qu’il faut s’y rendre pour les sauver. Les difficultés ne font que commencer et dans leur aventure, ils ne sont pas à l’abri des connivences et des tromperies pour tenter d’arrêter Caul, assoiffé de pouvoirs qui souhaite profaner la bibliothèque des âmes.
Dans ce dernier opus, les personnages évoluent, plus particulièrement Jacob qui prend enfin conscience de ses pouvoirs, de ses capacités de particulier. Il est aussi plus adulte, plus courageux et déterminé à sauver ceux qu’il considère maintenant comme les siens. Il y a de nouveaux personnages qui entrent en course tel que Sharon ou encore Bentham et son oursage, des personnages mystérieux qui viennent agrémenter l’étrangeté de cet univers. On y retrouve les thèmes chers à l’auteur ; l’amitié, l’amour, le courage, la solidarité, la ténacité, la survie, la tolérance parmi tant d’autre, des sujets vivement traités à travers sa galerie de personnages, bon ou mauvais.
Les menaces sont nombreuses et nettement plus sombres que dans les tomes précédents, l’Arpent du Diable est, à elle seule, menaçante, cette ville malfamée où demeurent les pires enflures, où des particuliers exclus ont trouvé refuge dans la misère, où les gibets sont construits aux quatre coin des rues, où le fleuve est pollué d’excréments et d’autres choses aussi peu ragoûtantes, il ne fait pas bon de s’y balader sous peine de craindre le courroux des êtres de l’ombre et plus particulièrement des Estres barricadés au cœur de leur forteresse.
Visuellement, le roman est magnifique, on ne cessera jamais de le dire mais la grande force de cette trilogie, c’est aussi d’avoir eu l’idée d’agrémenter son histoire de photographies anciennes toutes plus magnifiques les unes que les autres, et toutes astucieusement insérées dans le récit, elles collent parfaitement à l’histoire, sont nombreuses, originales, souvent bizarres mais surtout belles et emplies d’âme. Ces photos sont intrigantes, déroutantes et très étranges, parfaitement à l’image de ces particuliers si attachants et mystérieux. Et en soit, l’objet est lourd, mais vraiment très soigné, il y a là une prouesse esthétique tant sur la couverture qu’à l’intérieur du roman.
La dernière page tournée, l’auteur nous laisse seuls et tristes de ne plus avoir l’occasion de plonger avec ses personnages géniaux dans une intrigue et un univers aussi riche, pour j’espère mieux nous retrouver dans une prochaine histoire tout aussi sombre et originale. L’auteur est assez génial, a une imagination incroyable, et a le talent de créer ce sentiment étrange qui s’échappe de ses livres, de cet univers unique, soigneusement bien écrit et fouillé. On pourra peut-être reprocher une fin légèrement alambiquée ou du moins un peu facile mais honnêtement, on s’en affranchit, tellement le roman nous aura subjugué autant visuellement que littéralement.
En bref, si vous n’avez pas encore eu l’occasion de découvrir cette trilogie, je ne peux que vous inviter à le faire, franchement elle vaut le coup. C’est intelligent et très rythmé, le genre d’histoire aussi divertissante qu’addictive, et qui ne vous laissera pas indifférent vous promettant de vous balader dans un monde atypique et foisonnant d’imagination. Ce troisième opus clôt magistralement la série. Qu’attendez – vous ?