DAHL Victoria - LA FAMILLE YORK - Tome 1 : Coeur Rebelle

Coeur Rebelle
Victoria Dahl

Sortie le 18 mai 2012
Réédition le 30 octobre 2015

Dans l'Angleterre du XIXe siècle, Marissa York est une jeune fille de bonne famille, qui par son caractère un peu trop rebelle se retrouve compromise, après une embarrassante fin de soirée. Son frère, Aidan, lui trouve un prétendant de secours en la personne de Jude Bertrand qui, séduit par le côté impétueux de la demoiselle, se propose de l'épouser afin de sauver sa réputation. Cette idée n'est cependant pas du goût de l'intéressée, qui estime que Jude n'est pas l'homme idéal. Certes, ce n'est pas un gentleman : sa carrure imposante et ses traits grossiers peuvent effrayer de prime abord. Cependant, les opinions et les sentiments peuvent changer.

Mon p'tit avis

Avec la collection Pemberley, Milady souhaite revisiter la romance historique, dépoussiérer les histoires inspirées de Jane Austen, Emile Brontë and co.

C’est donc avec beaucoup d’impatience que l’on attendait cette première publication, Cœur Rebelle de Victoria Dahl. Autant le dire tout de suite, j’ai passé un bon moment mais sans réel coup de cœur non plus.

Marissa est une jeune femme de 22 ans, surprenante, audacieuse et plutôt dévergondée. En effet, dès la première ligne, on la retrouve allongée sur un canapé perdant sa virginité par simple curiosité et désir de connaitre le plaisir, avec un jeune homme qu’elle connait à peine.Compromise et surprise par son frère Edward, elle est contrainte de trouver rapidement un mari pour éviter tout scandale. A l’étonnement général, c’est Jude Bertand, le meilleur ami de son frère Aidan qui accepte de l’épouser. Fils naturel et reconnu d’un Duc, il a un physique atypique pour un héros de romance: il n’est pas beau, plutôt massif, ressemblant plus à un forgeron qu’à un jeune Lord. C’est un homme intelligent, fin observateur, tout en subtilité et contradictions. Il a d’abord été élevé par sa mère, une courtisane française avant de rejoindre le foyer de son père, sans heurt ni ressentiment. C’est un enfant qui a été aimé et choyé loin de l’image du «bâtard » rejeté que l’on rencontre souvent dans les romances. S’il effraie et rebute les jeunes débutantes, il séduit les femmes mûres que son côté animal et son magnétisme sexuel intriguent et attirent. Il est franc, honnête en toutes circonstances y compris lorsqu’il parle de plaisir, de désir, de besoin. Il ne se cache pas derrière une façade lisse et polie de courtisan, c’est un homme sûr de lui qui va au bout de ses envies quitte à choquer.
Entre les deux, une drôle de relation va s’installer, entre attirance et répulsion, inconvenance et moralité.


Tout était réuni pour faire un livre fabuleux et pourtant, ce n’est malheureusement pas le cas.
La faute, à mon avis, à une héroïne qui nous est antipathique dès la première page. Marissa a tout d'une écervelée qui se focalise sur le physique et passe pratiquement pour une nymphomane pendant tout le livre. Elle est frivole, agaçante et ne brille pas vraiment par sa fulgurante intelligence. Elle court après les hommes, passant son temps à reluquer leurs cuisses musclées et puissantes pour satisfaire et aiguiser son grand désir sexuel. Jude est bien plus intéressant et attachant, c’est un héros troublant, captivant. Il parle crûment et ouvertement de ses désirs sans vulgarité pour autant. On sent beaucoup de profondeur en lui et une grande soif d’être aimé et d’aimer en retour. Au fur et à mesure de la lecture, plus on le connait, plus il devient beau à nos yeux et à ceux de Marissa, il porte en lui une vraie noblesse du cœur. Autour du couple principal gravite toute une galerie de personnages prometteurs, à commencer par les frères de Marissa, le rigide Edward et le colérique Aidan dont le grand amour est mort quelques temps auparavant. Celui-ci a su capter toute mon attention !

Victoria Dahl a une écriture fine et agréable, elle manie très bien les mots, sans faux semblants ou métaphores fleuries, loin des romances guimauves et des récits à l’eau de rose. La rencontre entre une jeune femme qui veut librement assouvir ses désirs et un homme sans réelle beauté mais qui dégage un tel attrait sexuel qu’il en devient attirant, le tout dans une société rigide qui accorde une grande importance à l’aspect physique et à la préservation des convenances compose une trame de départ novatrice et intelligente. C’est encore plus rageant alors que l’on ne vibre pas plus, il y avait un tel potentiel dans ce récit !

Je suivrai avec intérêt la suite des aventures de la famille York, en priant simplement pour avoir une héroïne plus attachante et moins crispante…

Voilà un livre qui prouve qu’il ne faut jamais se fier à ses premiers impressions qui, disons le franchement, étaient plus que négatives ! Heureusement la première scène passée, l’histoire gagne en profondeur et les personnages en sympathie et on finit par apprécier cette romance historique peu conventionnelle.

Cette première scène d’anthologie la voici : en plein milieu d’un bal donné par sa famille, Marissa est allongée dans un salon privé tandis que M. White, l’homme qu’elle a choisi pour lui prendre sa virginité, la besogne furieusement en grognant et ahanant à son oreille. Elle qui s’attendait à découvrir enfin les plaisirs sexuels n’a ressenti que de la déception, de l’ennui et du dégoût face à cette impression de zone « spongieuse » là où leurs deux corps sont imbriqués. Jusque-là cette franchise et ce réalisme pourraient paraître délicieusement amusants et rafraîchissants si cela n’évoluait aussitôt en mauvais vaudeville. Son frère aîné, Edward, entre dans la pièce et les surprend, suivi de près par son cousin, son autre frère accompagné d’un ami, puis de sa mère qui ne trouve rien de mieux à faire que de s’évanouir en gémissant et portant la main à son cœur. C’est beaucoup trop caricatural et on se demande si on doit en rire ou être consterné. Mais fort heureusement ça évolue par la suite et si le roman ne pourra jamais être qualifié d’excellent, il en devient assez plaisant à lire.

Marissa est donc fortement compromise mais refuse d’épouser M. White vu qu’il n’a même pas été capable de lui donner du plaisir. Mais il se peut que la jeune femme soit enceinte. Pour éviter tout scandale il lui faut donc absolument trouver un fiancé au plus tôt. Mais qui pourrait accepter une telle chose en toute connaissance de cause ? Et pourtant un tel homme existe, et disponible dans l’immédiat en plus : c’est Jude Bertrand, l’ami de son frère, présent lui aussi lors du désastre. Fils naturel d’un duc, il a beau avoir été présenté par deux fois à Marissa, celle-ci ne s’en souvient pas du tout. Il faut dire qu’il est laid alors que Marissa ne s’intéresse qu’aux beaux garçons. D’ailleurs Jude ne lui en tient pas ombrage. A force de l’observer, il en est venu à cerner sa vraie personnalité. Marissa a développé un goût immodéré pour les beaux dandys et passe son temps à reluquer leurs cuisses moulées dans leurs pantalons. Et il est fascinée par cette nature passionnée et ses désirs inavoués comme il le lui dira d’ailleurs : « Je vous aime bien, miss York, parce que vous êtes inconvenante, et il ne peut y avoir de bénédiction plus grande que d’avoir une épouse parfaitement inconvenante » (Tu m’étonnes !). Mais Marissa est aussi égoïste, puérile, et surtout très superficielle. Reste à savoir si elle réussira à s’attacher à Jude malgré son physique peu engageant (et oui on en est là…)…

Le roman gagne donc à être lu au final et c’est pour beaucoup grâce à la personnalité fascinante du héros. Mais Victoria Dahl a eu aussi le mérite de ne pas choisir une héroïne conventionnelle et de ne pas la rendre parfaite au profit de la romance. Jusqu’au bout Marisa reste insupportable mais bizarrement on en vient à la trouver sympathique. Elle est franche, même dans ses défauts, et c’est assez rafraîchissant au final. Le style de l’auteure, un peu lourd et vieillot dans les premières pages, gagne aussi en simplicité et en fluidité au fil du roman. Comme pour son héroïne, il n’y pas de faux semblants, même dans le vocabulaire. Tout est direct et cru. On est loin de la romance à l’eau de rose à l’ancienne dégoulinante de bons sentiments. Et fort heureusement !

Cœur Rebelle ravira sans doute ceux et celles qui découvrent la Roman Historique, tandis que les habitués du genre le trouvera sans doute plaisant mais pas transcendant.