Ce qu’il y a de bien avec les livres
So British, c’est qu’ils sont …
So British justement !
Amateurs d’
Earl Grey ou de
Grand Yunnan, de scones, de
ginger biscuits et de marmelade,
La Dernière Conquête du Major Pettigrew est fait pour vous. Romanesque, drôle, ironique, décalé et chaleureux, on passe un très bon moment !
Tout commence par un décès : le Major Ernest Pettigrew, retraité du Royal Sussex, est sous la choc après l’annonce de la mort de son frère Bernie. Choc qui explique pourquoi il reçoit Madame Ali (Jasmine de son prénom), propriétaire de l’épicerie d’Edgecombe Saint Mary, vêtu de la robe de chambre à fleurs de sa défunte épouse… A la suite de ce décès, le Major va peu à peu remettre sa vie en question, s’interroger sur les liens familiaux et les notions d’héritage, sur ses rapports avec son fils ambitieux et carriériste mais surtout porter un regard neuf, plus acéré encore, sur ceux qui l’entourent. Tous les deux veufs et solitaires, Ernest et Jasmine vont alors prendre l’habitude de discuter littérature, poésie mais aussi de tout et de rien autour d’une tasse de thé. Mais loin de plaire aux habitants d’Edgecombe, cette ébauche de romance bouleverse les convenances et divise les dames bien pensantes du village… Loin de s’en laisser compter, nos deux héros vont relever la tête, faire face aux commérages et dépasser les préjugés pour essayer simplement d’être heureux.
Helen Simonson nous offre à la fois une romance classique et diablement originale (oui, c’est possible
). Nos héros ont la soixantaine, ne sont pas vraiment portés sur les grandes déclarations d’amour sous la pluie ou les baisers de cinéma à couper le souffle. Et pourtant, ils ont ce charme désuet, mélange de tradition, de morale et d’audace aussi, cette ironie et ce regard lucide, un brin désabusé qui les rend immédiatement sympathiques. Madame Ali est une bouffée de fraicheur, d’exotisme, de légèreté qui pétille au milieu des vestes de tweed et des jupes de laine bien sages des dames anglaises. On comprend aisément que le Major tombe sous son charme. D’autant qu’elle cache un amour des livres, des belles lettres, une intelligence fine et une ironie mordante qui trouvent un bel écho chez notre Major esseulé. L’amitié qui s’installe en eux évolue doucement, pudiquement vers une histoire d’amour et cela n’en est que plus magique. Ernest va se révéler audacieux quand il le faut et Jasmine osera aussi s’affranchir de ses obligations et du carcan familial qui voudrait bien la voir rentrer dans le moule de la parfaite, obéissante et discrète veuve pakistanaise. Vous l’avez compris nos héros sont à leur manière de vrais rebelles et cela donne lieu à des situations drolissimes, limite ubuesques ! Choc des cultures garanti : Anglais, Pakistanais, ils vont être sacrément remués par notre couple improbable.
Helen Simonson a une plume d’une rare élégance, tout coule, avec facilité et l’on se laisse complètement embarquer dans sa belle histoire. Elle mêle émotion et humour grinçant, avec une touche de cette fantaisie
so british qui nous donne envie de sourire du début à la fin, sans pouvoir lâcher le livre. Elle croque, tour à tour avec indulgence ou sévérité une société anglaise parfois tellement engluée dans ses principes qu’elle n’en voit plus ses incohérences. Lâches ou courageux, cancaniers ou discrets, moralisateurs ou audacieux, chacun de ses personnages se révèlent bien plus complexes qu’il n’y parait et tous vont devoir à un moment ou un autre faire des choix, s’impliquer et prendre partie.
La Dernière Conquête du Major Pettigrew est un roman qui mérite vraiment que l'on s'y attarde. Il s’en dégage un tel charme qu’il ne peut que vous toucher et si à la fin du livre vous avez envie d’une tasse de thé/d’embarquer clandestinement dans un ferry pour Douvres/de visionner un épisode de
Barnaby (ça marche aussi avec
Miss Marple)/de louer un cottage dans le Sussex, c’est normal, c’est l’effet Pettigrew !