Mon avis :Si le premier tome nous faisait entrer dans le monde de
La Dernière Terre avec un réalisme surprenant, ce deuxième opus nous offre un voyage fabuleux, encore plus fascinant ! Nous retrouvons pour notre plus grand plaisir la galerie de personnages si bien dépeints qu'on avait appris à connaître et auxquels nous nous attachons de plus en plus.
Tout débute peu après le bouleversement subie par Tileh Agrevina, la capitale des Cinq Territoires. Le jeune Cahir a été chassé et répudié par l'Igilh - dirigeant de la Cité - ainsi que la majorité des Agrevins, et ceci a finalement ébranlé nombre d'entre eux.
Melgar Cerenianh - son mentor et père adoptif - et Ghent Ildorne - son ami Arpenteur - sont évidemment les plus bouleversés. Tout au long du roman, ils sont assaillis par des émotions contraignantes. Entre tristesse et culpabilité, ils en oublient le devoir et l'honneur, ainsi que la discipline, et se révèlent bien plus touchés que tout. Nous ressentons leurs remords et leurs incertitudes avec acuité. C'est beau en même temps que c'est dur.
Alors que nous sommes en pleine veille de la Grande Relève, Feor fait chemin jusqu'à la capitale en traversant le pays, pour y retrouver un ami d'enfance. C'est vraiment un excellent personnage, bon vivant et blagueur. Si on l'apercevait juste dans le premier tome, il est développé ici et on rit de son langage de campagnard, sa maladresse, et on le découvre hardi et volontaire. C'est sans aucun doute mon personnage préféré après Cahir.
Gayle, la soeur ainée de Ghent, auparavant en permanence effacée, prend davantage d'assurance. Elle devient plus impliquée dans la vie de la Cité et campe une vraie figure féminine forte auprès de son frère, ses parents et Feor.
En conséquence directe de l'effrayante attaque de Tileh Agrevina, la ville voit se mesurer les Hauts Capitaines Solgar et Melagar, l'Igilh Nolath et le marchand Nelgoth de Tilh, désespéré après la fuite de sa fille Reghia. Il y a une vraie tension entre ces hommes, un conflit de discussions qui met leurs certitudes sans dessus-dessous (et on comprend que le choix du titre est parfaitement justifié). C'est de ces joutes verbales, dans cette atmosphère chargée de mystère, que l'on fait mieux connaissance avec cet Igilh très jeune et désemparé par la situation. On découvre plus amplement les rouages du gouvernement des Cinq Territoires et c'est hautement intéressant.
Tout ceci n'aurait d'ailleurs pas lieu si la menace ne se rapprochait pas. Les créatures maléfiques des brumes guettent. Elles provoquent un mélange de peur, d'obsession, de rage, de haine, mais aussi une espèce de curiosité morbide pour les Agrevins.
Le tout est superbement raconté et nous conduit en pleine immersion auprès de nos protagonistes. On est avide d'en savoir plus autant que l'on craint le pire pour eux. Il y a un côté frustrant parce qu'on aimerait connaitre toutes les réponses, mais le meilleur reste d'avancer petit à petit dans la lecture, pour faire durer cette ambiance sombre et pourtant envoûtante le plus longtemps possible. Engloutir des pages rien que pour savoir "l'après" serait à mon avis dommage. Il faut vraiment prendre le temps d'imaginer les décors, les expressions des personnages, l'aspect des créatures...
Et n'oublions pas Cahir
Notre petit habitant des Hautes Blanches est quand même le survivant de ce second tome. Il y a une atmosphère très différente ici, car il évolue dans son propre pays en compagnie de ses frères et sœur retrouvés. On a alors une véritable vue d'ensemble des Cinq Territoires, et ça rend le tout plus réel. Les Hautes Blanches sont des territoires glacés, envahis par des neiges éternelles, à l'escarpement et la hauteur impressionnants. Cahir tente tant bien que mal de refaire sa vie auprès des siens... Ça se révèle cependant très difficile, et tout comme Ghent, il fait des rêves peuplés de souvenirs déformés. Son aîné fait son possible pour le rassurer et le protéger de ses démons, mais parfois rien n'y fait et ça déchire le cœur...
Cahir est un personnage comme on en rencontre peu. Ses proches se retrouvent démunis car ils se retrouvent face à un garçon qui a vécu plusieurs années sans eux, qui a mûrit avec de nouvelles convictions qu'on a bafouées. Il a survécu à plusieurs fois par on ne sait quel miracle et semble connecté d'une manière ou d'une autre aux sombres créatures...
Vous l'aurez compris, cette magnifique suite de
La Dernière Terre est un concentré d'émotions pur, de peines, mais aussi de courage face à une menace inconnue. Emplie de plus d'action et d'événements perturbateurs, elle est aussi synonyme de grand voyage, de quête, et de toujours plus d'inventivité. Les bêbêtes sont maintenant des personnages à part entière et nous préparent à encore plus de frayeurs et de questions...
Vivement la suite!!