Reconnue avec son premier roman,
Avis de tempête, Susan Fletcher signe ici un récit à la fois sombre et porté par un message d’espoir fort. Un superbe conte historique !
Corrag est à la fois personnage central et narratrice de cette épopée entre l’Angleterre et l’Ecosse, commençant peu avant l’arrivée de Guillaume III d’Orange en 1688. Il débarque d’Hollande pour rétablir l’économie du royaume en réponse à l’appel d’Angleterre, dénigrant le catholicisme et l’absolutisme de James II.
Notre premier narrateur est pourtant le révérend Charles Leslie, homme bon, croyant et juste qui, au contact de la frêle et atypique Corrag, va peu à peu voir sa vision du mal se fissurer.
Le roman est ainsi construit : d’une part les lettres de Charles à son épouse, restée dans leur maison d’Irlande avec leur deux fils, et de l’autre l’histoire de Corrag, de sa jeunesse dans son village anglais à sa fuite désespéré derrière la frontière, rattrapé par les soulèvements politiques et religieux.
C’est en parcourant les Highlands de l’ouest écossais, que l’homme d’église fait halte à Inverlochy, bloqué par de faibles ressources et un froid mordant qui s’est installé dans le glen, avec un cheval déferré et plus vraiment endurant. Il s’installe donc à la première auberge trouvée et va y séjourner plus longtemps que prévu… entre cette sorcière enchainée depuis peu dans une geôle décrépie et les bruits qui courent sur un récent massacre, Charles a de qui remonter dans le temps pour plusieurs jours. Et c’est Corrag, avec son flot de paroles incessant et sa carrure de moineau, ses manières de "sorcière", de "gueuse", qui se charge de nous emmener avec lui dans un voyage étonnant, terriblement poignant, mais passionnant.
La jeune anglaise a toujours connu une vie solitaire, mais jamais en recluse. C’est avec sa mère, modèle libre d’elle-même, indépendante et peu préoccupée des qu’en-dira-t-on, que Corrag développe son goût pour les éléments de la vie, de la nature et une bonté sans pareille pour ce qui l’entoure. Elle a appris que la vie n’est pas clémente, que les hommes et les femmes sont remplis d’une rancœur, d’une foi et d’une hargne qu’elle ne saisit pas complètement. C’est ce qui en fait aussi un personnage fascinant, pour sa candeur, sa vivacité d’esprit et sa bienveillance. Elle connaît toutes les propriétés des plantes, sait se cacher dans les plus recoins les plus improbables et coudre aussi bien une mante dépareillée qu’une peau meurtrie. Son lien avec les animaux et la jument sur laquelle elle s’enfuit est rare et superbe, tout comme son intelligence et sa vie auprès des clans écossais.
La narration fluide, derrière laquelle se cache un aspect un brin rêveur pour Corrag, ou mélancolique et plein de curiosité pour Leslie, nous emporte dès les premières pages.
Qu’il soit question de la malheureuse histoire d’amour de Corrag ou du contexte politique gravé dans l’histoire de l’Ecosse, on s’y croirait ! Susan Fletcher dessine avec ses mots un récit plein de richesses et d’images qui ne peuvent que nous faire voyager.
Conteuse talentueuse, Susan Fletcher nous fait passer ainsi un excellent moment,
Un bûcher sous la neige est à lire et à recommander !
Retrouvez
ici notre rencontre avec Susan Fletcher.