MAYNARD Joyce : Les filles de l'ouragan

Joyce Maynard

New Hampshire, 1950. Nées le même jour, dans le même bourg, dans des familles que tout oppose, Ruth, beauté exaltée, a l'âme d'une artiste ; l'androgyne Dana, l'esprit terrien. Si dissemblables, et pourtant. Chacune lutte pour exister dans un monde auquel elle ne se sent pas appartenir, et leurs destins sans cesse se frôlent. Jusqu'au jour ou un secret inouï bouleverse leur vie.

Les filles de l’ouragan possède l’élégance et le charme désuet qui font toute la saveur des grandes sagas familiales. Au fil des pages, on se dit que l’on a là une lecture précieuse, rare, toute en pudeur et délicatesse mais riche en émotions fortes. Une réussite, mieux, un immense coup de cœur !

Le 4 juillet 1950, neuf mois après un terrible ouragan, Ruth Plank et Dana Dickerson naissent dans une petite bourgade du New Hampshire. Si Val, la mère de Dana, n’y attache que peu d’importance, Connie Plank voit en ces deux fillettes des sœurs d’anniversaire et s’efforcera de toujours maintenir un lien étrange entre ces deux familles que tout oppose. Les Plank, Edwin et Dana, ont quatre autres filles, ils vivent dans une ferme qui est dans la famille depuis le XVIIème siècle et s’appliquent à vivre simplement, honnêtement grâce à la culture des terres. Les Dickerson, Georges et Val, ont l’âme bohème (des hippies avant l’heure), le père passant de projets fumeux en rêves avortés et Val s’intéressant plus à sa peinture qu’à l’éducation de ses deux enfants. Ruth et Dana sont aussi dissemblables que leurs parents. La première est belle, passionnée par le dessin et l’art, elle étouffe à la ferme, ne rêvant que de s’échapper et d’être libre. Elle soupire après Ray, le frère séduisant mais étrange de Dana. Profondément attirée par le monde rural, moins séduisante, se sentant davantage charmée par les filles que les garçons, Dana trouve sa voie dans l’agronomie et l’agriculture. Elle étudie avec ardeur pour parvenir à son but : acheter des terres et vivre sur son exploitation.
Elles ne sont pas amies, ne s’entendent pas vraiment et pourtant ses filles de l’ouragan verront leurs vies toujours intimement emmêlées, liées par les secrets des Plank et des Dickerson.    

Joyce Maynard nous offre un récit à deux voix, celles de Dana et Ruth qui alternent pour nous parler de leurs vies pendant près d’une cinquantaine d’années. C’est un choix judicieux car il nous permet de connaitre vraiment chacune des héroïnes, de nous immerger dans leurs pensées, leurs états d’âme, de « vivre » l’instant avec elles. Elle aborde avec une finesse, une élégance rare des sujets délicats comme l’éveil à la sensualité, l’homosexualité et ce besoin fou de liberté que l’on peut éprouver, coincé dans une vie qui n’est pas celle que l’on souhaite. Elle expose aussi les liens mystérieux qui font une famille, ce fragile équilibre qui n’est pas toujours évident à maintenir. D’autant plus que nous sommes en pleine révolution sociale : la guerre du Vietnam, la drogue, la libération sexuelle, Woodstock, les Beatles, la pilule, la mort de Kennedy… Les premières grandes surfaces et leurs prix bas menacent la survie des petites exploitations comme celles des Plank. Le monde change et chacun doit s’adapter ou s’écrouler. Au milieu, nos deux héroïnes se débattent avec leurs désirs, leurs aspirations. Aussi différentes soient-elles, elles luttent avec la même volonté pour être libres et heureuses et elles n’en sont que plus attachantes. Joyce Maynard a une plume fluide, toute en finesse qui nous rappelle (avec bonheur) que tout n’a pas besoin d’être dit, qu’un récit n’a pas besoin d’être cru pour être évocateur et cela fait un bien fou. Elle exprime avec sincérité, avec pudeur les sentiments, les désirs les plus intimes de ses personnages et cela ne rend leurs amours que plus belles.

Les filles de l’ouragan est un récit profondément émouvant, qui s’attache à nous décrire des personnages forts qu’il est difficile de quitter la dernière page tournée. A découvrir très très vite, c’est un grand récit empli de ce « je-ne-sais-quoi » que l’on nomme la grâce.