BRENNERT Alan - MOLOKA'I : La prisonnière du paradis

MOLOKA'I : La prisonnière du paradis
Alan Brennert

Sortie le 10 juin 2014

Quatrième de couverture :

Hawai, 1892. Rachel Kalama, petite Hawaïenne de sept ans à l'esprit vif et malicieux, rêve de visiter des contrées lointaines à l'image de son père, qui officie dans la marine marchande. Jusqu'au jour où une tâche rosâtre apparaît sur sa peau, et où ses rêves d'ailleurs s'envolent aussi sec. Arrachée à son foyer et à sa famille, Rachel est envoyée à Kalaupapa, campement de quarantaine installé sur l'île de Moloka'i. C'est là que sa vie doit se terminer - mais elle s'aperçoit qu'en réalité, elle ne fait que commencer.
Débordant de chaleur, d'humour, de compassion, et fort d'une galerie de personnages campés à merveille, ce chef-d'oeuvre de narration nous parle d'un peuple qui, face à la terrible réalité de la mort, a choisi la vie.

     Mon avis :       

Parler de Moloka’i, c’est parler d’un immense coup de cœur mais aussi d’un immense coup au cœur. Rarement livre ne m’aura autant fait pleurer… et sourire… et m’attendrir… et me révolter en même temps. Moloka’i, c’est un grand livre, une vraie saga américaine et exotique à la fois. Plus qu’un simple roman, c’est un voyage, un instant rare qui mérite vraiment que l’on s’y attarde.  Allez hop, on embarque, direction Hawaï dans les années 1890 !

Du haut de ses sept ans, Rachel Kalama est une petite fille plutôt heureuse. Certes, elle n’est pas née au sein d’une famille riche et puissante mais encore mieux, au coeur d’un foyer aimant et plein de vie. Elle vit avec ses frères et sœurs à Honolulu, un cadre magnifique, exotique, propice à mille aventures. Même si elle ne le voit pas aussi souvent qu’elle le souhaiterait, elle a surtout la chance d’avoir un père formidable. Marin au long cours, il est très proche de ses enfants, surtout Rachel, à qui il rapporte une poupée en souvenir de ses beaux voyages. Et voilà Rachel qui rêve d’évasion, de plus qu’Honolulu, Hawaï et l’Amérique, elle rêve de découvrir le vaste monde et ses secrets. Mais une tâche rose sur sa cuisse va changer le cours de sa vie et celle de sa famille. Cette tâche, c’est le premier signe de la lèpre, une maladie de Blancs qui fait des ravages sur la petite île. Pour Rachel, il ne reste plus qu’une solution : l’exil sur l’île de Moloka’i. Arrachée à son foyer, à sa vie, elle se retrouve déracinée du jour au lendemain, loin de tout, loin de tous. Mais à Moloka’i, Rachel découvrira une communauté soudée, aimante, des personnages hauts en couleurs, elle aimera aussi de tout son cœur, de toutes ses forces… Elle vivra tout simplement.    

Moloka’i, c’est une histoire tragique, douloureuse qui nous révolte et nous laisse le cœur en miettes. Et en même temps, c’est un livre qui nous parle d’espoir, d’amour, d’amitié, de la vie qui continue malgré tout. Alan Brennert aurait pu se contenter de nous offrir un beau livre, bien larmoyant, plein de rebondissements et autres situations rocambolesques, il a choisir d’aller à l’essentiel : la vérité. Tout est simple et réaliste dans son histoire et c’est bien pour cela que cela nous touche autant. Nous sommes avec Rachel, nous vivons sa vie d’exilée à Moloka’i, trente ans durant. Ses espoirs sont les nôtres et ses craintes nous anéantissent. Ses peines, nous les pleurons aussi mais nous rions aussi de ses bonheurs. Car bonheur il y a à la léproserie. Rachel va découvrir l’amitié vraie et sincère, la main tendue qui n’attend rien en retour, elle va aussi voir son coeur s’emballer pour un homme, comprendre enfin ce qu’aimer de tout son corps et son âme veut dire. Loin d’une vie triste et misérable, elle va vivre une vie presque normale tout simplement. Moloka’i, c’est aussi un monde à part, âpre, difficile à conquérir. On y vit en vase clos où repères et habitudes sont différents, bien éloignés du monde « réel ». Rien ne vient perturber la vie sur la petite île. Les années passent et tout semble immuable à Moloka’i. C’est un peu comme si le temps était figé et que l’on restait à jamais dans les années 1890. Mais tout n’est pas rose sur l’île, loin de là. Alan Brennert n’épargne pas son lecteur : la lèpre fait des ravages et il nous donne à le voir sans concession. Certaines descriptions nous soulèvent le coeur, certaines situations nous arrachent des sanglots d’impuissance, de rage. On souffre avec Rachel et comme elle, on sait que l’on ne peut rien y faire, que c’est ainsi que cela doit être. Moloka’i, c’est une histoire où la mort rode en permanence, où elle vient arracher ceux que l’on aime et pourtant, c’est surtout une ode à la vie, au bonheur malgré tout, c’est drôle et touchant, cela déborde aussi d’amour, d’un amour vrai, sincère, lumineux.

Laissez-vous happer par Moloka’i et les mots d’Alan Brennert, vous ne le regretterez pas un seul instant. Un livre comme celui-ci, c’est tellement rare, beau et précieux !