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 DHENNIN Matthieu - Migne Mystique

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Cheshire Cat

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MessageSujet: DHENNIN Matthieu - Migne Mystique   DHENNIN Matthieu - Migne Mystique Icon_minitime1Lun 24 Mar - 20:57

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Migne mystique
Matthieu Dennin
Quatrième de couverture: « ... Juste avant que Grimonie ne refermât la porte du muret, Mechthilde jeta un dernier coup d’œil derrière elle. Cette atmosphère de sérénité était tout bonnement incroyable, et elle se réjouissait d’y passer les prochaines années de sa vie. Elle observa une dernière fois le jardin lorsqu’elle croisa le regard d’une femme qui, visiblement, l’épiait, en tentant de se cacher derrière un arbre. Cette béguine ne ressemblait pas aux autres : sa tignasse rousse était ébouriffée, ses ongles étaient sales. Et elle fixait Mechthilde de ses yeux écarquillés. Puis, très lentement, son visage se mit à se transformer... ses traits se tirèrent, se dilatèrent comme si elle voyait une scène horrible... »

Été 1409 ; dans un béguinage de la Flandre bourguignonne, une communauté de femmes vit dans le secret et à l’écart de la société. Elle rejette toute autorité civile ou religieuse. C’est dans ce contexte d’isolement et de crise théologique entre Avignon et Rome qu’une jeune novice, Mechthilde, découvre à ses dépens les règles strictes, autoritaires et sombres de la vie du béguinage. Non sans peur, elle enquête, malgré les menaces, au sein de sa nouvelle communauté pour comprendre ce qui s’y déroule et décrypter la migne mystique, entre crimes et châtiments.

Un thriller médiéval palpitant, qui nous emmène dans le huis clos mystérieux de ce béguinage flamand. La Migne mystique révèle des pistes à décoder mais, au fur et à mesure que le lecteur s’enfonce avec les béguines, la part de mystère s’accentue pour devenir angoisse...

Né à Lille en 1974, Matthieu Dhennin y a fait des études d’ingénieur. Il s’occupe depuis 1997 du site Internet d’Emir Kusturica. En 2006, il publie un essai sur ce réalisateur serbe : Le lexique subjectif d’Emir Kusturica, aux Éditions L’Âge d’Homme. En 2009, il sort un roman historique dont l’action se déroule à Paris au XIVe siècle : Saltarello, publié aux Éditions Actes Sud.
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Messages : 127
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MessageSujet: Re: DHENNIN Matthieu - Migne Mystique   DHENNIN Matthieu - Migne Mystique Icon_minitime1Sam 31 Mai - 20:05

Mon avis:

Malgré ses qualités, ce roman ne m'a pas plu. J'ai eu énormément de mal à le terminer, et s'il ne s'était pas agit d'en faire la chronique pour le Boudoir, j'aurais probablement abandonné.

Pourtant, à priori, tous les ingrédients pour me plaire étaient réunis. La quatrième de couverture promettait "un thriller médiéval" dans "un huis clos mystérieux": on pense tout de suite au "Nom de la Rose" ou encore pour ma part aux romans d'Andrea Japp, qui développent pour le plus grand bonheur des amateurs du genre des intrigues "policières" au sein d'un groupe de personnages (et donc de suspects) limités du fait des règles du monastère ou du couvent. Ce mécanisme n'est ni plus ni moins que le même que celui qu'utilise Agatha Christie : le meurtrier ou le criminel se trouve nécessairement parmi les personnages que l'on côtoie tout au long du roman. Le fait que les possibilités soient ainsi limitées aiguise l'intérêt, en restreignant le champ d'investigation.
Qui plus est, dans nos époques profanes, le fait religieux nous est peu familier. Cet arrière plan est donc propice à l'installation d'un climat mystérieux, et l'auteur peut sans mal jongler entre traditions véritables et superstitions pour le renforcer. C'est d'autant plus le cas ici, puisque l'auteur a choisi un béguinage pour y dérouler son intrigue. Les béguinages étaient des sortes de couvent typiques de la région des Flandres, peu connus et flirtant avec des tendances hérétiques. Je n'en dirai pas trop sur ce point, car on en apprend beaucoup au fil des pages, et notre ignorance participe aussi à l'ambiance étrange qu'a souhaité faire régner l'auteur.

De plus, et c'est pour moi le principal attrait du livre, il est extrêmement bien documenté. D'un strict point de vue pédagogique, c'est une source de connaissances aussi diverses que le contexte politique français de l'époque, l'épisode des trois papes coexistants qui faillit mener au schisme de l’Église, la politique et la personnalité de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, la construction de grands monuments, les traditions campagnardes, la façon de voyager, ou encore bien sûr la vie et les principes fondateurs du mouvement des béguines.

Autre bon point, même s'il s'agit d'un procédé archi-classique, nous allons découvrir le béguinage de Douai à travers les yeux de Mechthilde, une jeune femme indépendante qui va fuir les coups de son père comme les contraintes de la vie séculière en y entrant en noviciat. Elle va alors découvrir un univers étrange, où il est interdit de parler sauf via une langue des signes que seules maîtrisent les initiées et sur lequel règne une Grande Dame tyrannique. Ce monde est régi par une liste de règles, dont la septième est inexplicablement illisible et ne sera révélée à Mechthilde qu'au terme de son apprentissage.
Bien sûr, très vite des événements tragiques se produisent, et d'abord la mort de Wivine, l'idiote de la communauté, que l'on retrouve au fond du puits avec les mains atrocement brûlées. Si l'on conclut rapidement à un accident, Mechthilde sent bien qu'on ne lui révèle pas tout, d'autant qu'elle surprend de curieuses conversations nocturnes.

Bref, si bien sûr rien dans tout cela ne vient révolutionner le genre, on se dit que c'est plutôt bien parti. Hélas! Avec tous ces bons ingrédients, une plume pas désagréable, et une connaissance approfondie du contexte historique, l'auteur rate franchement son coup à mon avis.

D'abord, les personnages sont à peine esquissés et restent donc à l'état d'archétypes: la jeune novice intrépide et curieuse, la méchante et abusive mère supérieure, le vieux prêtre fatigué... Bien sûr, on peut recourir à ce type de figures, mais pour impliquer davantage le lecteur il peut être judicieux d'étoffer et de nuancer leur personnalité. Certes, cela reste un avis personnel, il se trouve aussi des lecteurs pour préférer une intrigue complexe et tortueuse à des personnages très développés. Ce qui m'a également gênée, c'est que l'héroïne qui nous est d'abord présentée est tellement insipide qu'elle se fait voler la vedette par une autre béguine, Bloemke. C'est pour moi le personnage le plus intéressant, puisque c'est le seul qui connaît une évolution: de novice un peu naïve, elle va grâce aux péripéties surmontées durant son voyage gagner ses galons de béguine et s'affirmer, faisant le choix de renoncer à son promis qui l'attend toujours pour se consacrer totalement à sa foi.

En terme d'intrigue également, je suis restée sur ma faim. Comme s'il n'avait pas suffisamment confiance en son histoire principale (que se passe-t-il réellement au béguinage?), l'auteur est allé la diluer dans une accumulation de "quêtes secondaires". Deux béguines sont donc envoyées en mission auprès du Duc de Bourgogne, et on suit leur périple sans grand intérêt tant on a l'impression qu'il s'agit surtout de caser des anecdotes voire de petites leçons (tiens, nos béguines croisent des Bohémiens, rédigeons donc un petit paragraphe explicatif sur ces gens et la façon dont ils étaient perçus à cette époque). Par ailleurs, bien qu'il ne joue quasiment aucun rôle dans l'histoire et n'a presque aucun impact sur le béguinage, l'auteur nous fait partager l'intimité de Jean de Bourgogne. Certes, on peut concevoir que Matthieu Dhennin se soit passionné pour un tel personnage au cours de ses recherches et qu'il ait voulu nous faire partager sa découverte, car en effet il y a sans doute matière à un roman à part entière. Toutefois, ces différents choix viennent rompre irrémédiablement le huis clos promis, et gâchent tout à fait la bonne idée du départ.

Pour finir de me convaincre que rien décidément ne trouverait grâce à mes yeux, la chute m'a paru d'une platitude totale. Non pas, à nouveau, que la matière en elle même soit mauvaise, puisque la menace de l'Inquisition venant mettre à mal l'ensemble des valeurs et des croyances des béguines reste très efficace, même s'il s'agit à nouveau d'un motif récurrent de ce type de roman. Si nous nous étions davantage attachés à ces femmes et à leur mode de vie, sans doute la fin et ses révélations seraient-elles plus percutantes, en particulier si l'intrigue avait été resserrée autour de cette communauté féminine exclusivement, sans nouvelles du monde extérieur. Avec le recul, je pense qu'il aurait peut être été plus palpitant de connaître dès les premières pages cette chute, pour chercher à savoir comment on a pu en arriver là et assister avec impuissance aux événements qui vont inexorablement entraîner le résultat que l'on sait.

Un mot encore sur le positionnement de l'auteur quant aux croyances et aux pratiques des béguines. Le titre en lui même est une création de l'auteur pour traduire au mieux le terme de minnemystiek employé dans les écrits de certaines grandes figures de ce mouvement et qui désigne "l'affection nuptiale extatique" sensée lier les béguines à Jésus Christ. Sans trop en dire à nouveau, cette relation particulière était mal comprise des autres ordres religieux et de l’Église elle même. Tout au long du roman, on ne sait trop si l'auteur cherche à nous présenter les béguines comme d'innocentes catholiques injustement persécutées ou s'il faut au contraire y voir une secte dégénérée dont l’Église ne pouvait tolérer les pratiques.
Ce n'est pas tant la vérité historique qui m'importe lorsque je soulève ce point; toutefois là encore, si l'un ou l'autre de ces points de vue avait été choisi et assumé pleinement, j'aurais sans doute été davantage impliquée émotionnellement : révoltée par le destin de ces femmes dont l'indépendance dérangeait ou bien ravie que leurs crimes reçoivent un châtiment.

Cela aurait en tout état de cause toujours mieux valu que la totale indifférence avec laquelle j'ai accueilli les dernières pages de ce roman, dont je ne recommande la lecture qu'aux plus grands férus d'Histoire du moyen âge. Amateurs de thrillers historiques, vous pouvez passez votre chemin, et c'est bien dommage.
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