Daniel Espinosa (
Easy Money,
Protection Rapprochée) signe ici un thriller historique glaçant, prenant place dans l’URSS Stalinienne. Il est entouré d’un casting fabuleux, portant la production avec une présence remarquable.
Suite à la dékoulakisation entre 1932 et 1933, le jeune Leo Demidov (Tom Hardy) grandi en orphelinat et s’engage peu après à la guerre, pendant laquelle il devient un héros lors de la bataille de Berlin. On le retrouve au MGB de Moscou, Ministère de la Sécurité d’Etat, avec son ami Alexei (Fares Fares) et sous la direction du Général Kuzmin (Vincent Cassel). Le militaire d’honneur et homme intègre est poussé dans ses retranchements quand il doit dénoncer sa femme Raisa (Noomi Rapace), soupçonnée de traitrise envers le parti communiste. Il est aussi forcé au mensonge par les autorités, quand un enfant est retrouvé mort, dans des faits qui ne laissent aucune place au doute. Si tout le monde sait qu’il s’agit d’un assassinat, le MGB le contraint à cacher la vérité, car « le meurtre n’existe pas dans le paradis soviétique ».
Nous sommes placés dans un contexte déroutant, de par la surveillance constante de la milice, l’ambiance tendue et l’ultimatum qui se rapproche de Leo. Les forces hiérarchiques seront ainsi ses premiers ennemis, ceux desquels il devra dissimuler ses intentions sur l’affaire du meurtrier d’enfants. Prouver qu’un criminel sévi sera un véritable défi, tout autant dangereux pour ses concitoyens que pour lui-même.
Le rythme soutenu en fait, malgré sa longueur, un film dans lequel il est facile de se plonger. Pour la peine que l’on suit les indications du début et chaque intervenant, c’est une belle production, dans laquelle on est en accord avec les protagonistes. Nous sommes directement engagés dans cette course pour la justice avec eux.
Joel Kinnaman incarne avec brio le rival fourbe Vasili, dans toute sa froideur et sa fierté d’être passé dans les bonnes grâces de Kuzmin. Un Général que l’on voit trop peu pour être convaincu par son autorité, bien que ses directives fassent foi dans cette atmosphère où paranoïa et totalitarisme vont de pair.
Le personnage mystérieux de Raisa parait parfois bien complexe pour le seul film. Elle intrigue et déstabilise tout du long, et ses motivations ne sont pour moi que survolées. On retrouve avec plaisir Gary Oldman dans la peau du Général posté à Rostov, l’un des seuls à faire preuve de bienveillance et de diplomatie là où les affres de la guerre transforment certains en monstres. On voit enfin apparaitre Charles Dance, toujours porté par sa prestance unique à l’écran.
Tom Hardy est enfin d’une efficacité redoutable et porte sacrément bien la barre dans cette mission qui ébranlera à jamais Leo…
Pour la petite histoire, le cas du tueur d'enfants s'inspire dans le roman de l'affaire Andreï Tchikatilo, surnommé "l'ogre de Rostov".
Enfant 44 a mis huit ans pour sortir en salles depuis la rencontre entre Tom Rob Smith et Ridley Scott, le producteur et initiateur du projet. Cela a permis de réunir l’équipe idéale autour de cette adaptation au réalisme saisissant et au final haletant. C’est avec un signe d’espoir qu’est conclu ce premier volet, qui peut se suffire à lui-même, ou introduire la suite de la trilogie Leo Demidov.
Une belle réussite à voir au plus vite !
L’auteur scénarise d’ailleurs en ce moment-même son dernier roman,
La ferme. On espère qu’il trouvera maître à bord