NEUSER MARIE, Prendre Lily

Prendre Lily
Marie Neuser

sortie le 15 mai 2015

Après le meurtre de Lily Hewitt, retrouvée dans sa baignoire avec les seins tranchés et deux mèches de cheveux de couleurs différentes entre les doigts, l'équipe du policier Gordon enquête sur Damiano Solivo, un immigré italien voisin de la victime. Persuadé de la culpabilité de cet homme, dont l'alibi semble artificiel, Gordon collecte les indices de son implication sans rien pouvoir prouver.

Mon avis :

Je ne suis pas une fan. Je n’imagine pas attendre qui que ce soit où que ce soit pour le bonheur d’un échange particulier ou d’un autographe. En fait, eussé-je l’occasion de rencontrer Georges RR Martin en personne qu’il n’aurait probablement droit qu’à un hochement de tête approbateur mais discret depuis l’autre côté de la pièce, qu’il apercevrait peut être par-dessus la masse d’admirateurs qui le cernerait inévitablement.

Il y a pourtant des fois où l’envie me prend de dire à un auteur : « Bon boulot ! Merci. ». Après mon enthousiaste lecture de ce roman, je suis même allée sur la page Facebook de Marie Neuser, comme ça, pour voir. Mais je n’ai pas laissé de message, je vais faire mieux que ça. Je vais vous dire pourquoi ce bouquin est génial et pourquoi vous allez l’acheter et même l’offrir à vos proches.

Ingrédients classiques du bon thriller qui se respecte : un crime horrible, un serial killer bien tordus, des enquêteurs sympathiques. Sauf qu’au-delà de la simple poursuite du meurtrier, l’auteure a voulu coller à la réalité des affaires criminelles, qui ne se règlent pas en quelques mois mais trainent au contraire dans le temps, continuant de laminer famille des victimes et équipes policières durant des années.

On n’est pas tout à fait dans le documentaire parce que l’écriture reste très agréable, mais il y a une dimension pédagogique dans le suivi des différentes procédures. L’enquête ne suit pas un cours linéaire mais rencontre de longues périodes de néant dévastateur. Les analyses scientifiques ne reviennent pas du labo en 3 minutes 24, affichant le visage du tueur barré d’un gros « positive match » vert sur l’écran géant du QG high tech de la police. Le procureur ne trouve pas d’arrangements bien pratiques avec la loi pour permettre au détective de suivre une intuition géniale hors des sentiers balisés. Bref, un réalisme convainquant, sans pour autant que le suspense ne soit dilué.

Au contraire, tout le brio de Marie Neuser consiste à alterner entre un piétinement frustrant au possible et l’exaltation d’avancées potentiellement décisives, ce qui rend le tout vraiment très prenant.

Enfin, j’ai beaucoup aimé le personnage principal, à la personnalité complexe et nuancée. Il est facile de s’identifier à ce détective totalement impliqué dans cette enquête, la première de ce genre dans sa carrière, qui flirte avec l’obsession. J’ai apprécié le fait qu’il y ait toujours des pulsions de vie dans les moments les plus désespérés, et que malgré l’horreur du crime on ne tombe jamais dans la désolation complète. La dernière année d’enquête m’a même fait franchement sourire par moment, comme si au fil du roman on avait atteint un degré d’intimité avec les personnages qui permettait l’arrivée de l’humour. Le style aussi s’encanaille sur la fin, en restant cohérent malgré tout.

En somme, l’auteure réussit à maintenir l’intérêt pour une enquête policière sans mystère initial, dans laquelle on connaît le criminel presque dès le départ. En revisitant le genre, en renouvelant les leviers du suspense, Marie Neuser signe un excellent policier, que vous allez donc acheter dès sa sortie en mai prochain ;) CQFD.