Mon avis : Un roman Fantasy qui m'a enchanté du début à la fin, un gros coup de coeur, aussi bien pour l'histoire, les personnages, que l'écriture, fine, brillante et d'une grande justesse.
Après avoir déserté l'armée sudienne dirigée par le général Hast, le Vieux Dragon impitoyable qui entend conquérir toutes les terres connues, Jal se réveille gravement blessé sans savoir ce qui lui est arrivé et pourquoi il est entouré de cadavres. Il est découvert par des enfants et une étrange femme en armure qui lui apprennent qu'il se trouve dans la vallée de Thorkel, en plein territoire ennemi, celui des Skaviens. Mais Jal n'a pas le choix : en échange d'aide, il doit promettre de ne faire de mal à personne et surtout de les protéger en cas d'attaque. Un serment dont Jal entend se dédire le plus tôt possible. Pourtant, au fur et à mesure de sa guérison, Jal n'est plus certain de vouloir partir. Il est en permanence assailli de questions et de doutes : comment a-t-il fait pour tuer tous les soldats qui l'avaient poursuivi ? Dame Rikken de Thorkel prétend qu'il est un Guerrier-Mage, comment est-ce possible ? Que signifient ces cauchemars qui le perturbent chaque nuit ? Et surtout qui est ce Maître Hokoun dont la voix le poursuit sans cesse ?
Jal n'a cependant pas le temps de se poser pour y réfléchir, l'armée sudienne est en approche, à quelques jours de marche, et il lui faut organiser la défense de la vallée avec pour seuls soldats des villageois inaptes au métier des armes et des fortifications plus que branlantes…
Tout le roman se déroule donc en quelques jours autour de la défense de la vallée de Thorkel par celui qui était considéré au départ comme un ennemi. Mais derrière ces événements bellicistes, il est avant tout question de quête d'identité, celle de Jal. Il n'a que 20 ans mais traîne un lourd passé derrière lui. Il a rejoint l'armée sudienne à 18 ans mais ne se souvient de rien avant cela, même pas son nom. Il s'est donc choisi le sien, Jal, l'un des sept saint elfes, celui-qui-ose, son nouveau credo. Pourtant, depuis qu'il a pénétré dans la vallée, il fait chaque nuit des cauchemars dont il comprend très vite qu'ils sont des réminiscences de son passé. Dans un style évanescent, parfait pour ces songes-souvenirs, on découvre peu à peu qui il est vraiment : son enfance placée sous la menace de la guerre, son enlèvement, son entraînement auprès de Maître Hokoun…
Il est aussi en quête d'espoir, celle de trouver enfin le paradis sur terre, son
passàda où il pourra se poser avec Gloutonne, la petite-écureuil, sa seule amie depuis deux ans, sa petite sœur de guerre. Il est sans cesse assailli de doutes sur ses capacités et ne se fait pas confiance. Même quand ses premiers pouvoirs arrivent. Car oui, il est un puissant Guerrier-Mage même si on mettra du temps à comprendre pourquoi il ne le découvre que maintenant. Et comme tout Guerrier-Mage, il se doit de construire son cercle, de se trouver des compagnons, 6 personnes qui lui sont connectées dont il pourra tirer la force et qui lui permettront de vaincre le Vieux Dragon dans la vie réelle et maître Hokoun dans son esprit. Ce sont : Gloutonne, l'enfant-alfing ; Dame Rikken, qui l'éblouit par sa confiance en elle et son manque de conventions ; Nola, la jeune guérisseuse ; son petit frère Paol, alfings tous deux et donc doués de pouvoirs mineurs ; Grand Hulan, son frère d'arme ; Odomar, le géant au grand coeur. Et au fur et à mesure que Jal découvre à la fois son passé et son pouvoir c'est toute la dynamique du groupe qui se modifie autour de lui. Ils deviennent ses amis, sa famille, au même titre que les villageois.
Et on prend un immense plaisir à suivre cette évolution, à voir l'éveil de Jal, la manière dont il se conduit au début, dont les autres l'appréhendent, pour au final partager un respect mutuel qui force l'admiration et l'affection. Oui, on se prend d'affection pour ces paysans mal dégrossis, pour ce cercle si curieux composé de femmes, d'enfants et de guerriers blessés, pour cette vallée encore préservée.
Paul Beorn l'a dit : il s'est inspiré de
La Vallée Perdue et des
Sept Samouraïs pour construire son univers, et c'est très visible. Surtout pour ce qui est de la culture asiatique. Maître Hokoun et l'île où il a retranché les enfants qu'il tient sous sa coupe font furieusement penser à un monastère où les apprentis doivent à la fois maîtriser le maniement des armes et la force de leur esprit. Tout au long du roman, à travers l'esprit de Jal, il inculquera des préceptes philosophiques guerriers dont ce dernier devra apprendre à se défaire.
Ce qui frappe aussi surtout c'est l'effet très visuel de l'écriture de Paul Beorn. On ne lit pas seulement une histoire, on la voit évoluer sous nos yeux et on ne peut s'empêcher de nous dire à plusieurs reprises que ce serait parfait au cinéma. On voit les batailles, on entend les personnages parler, on voit les paysans construire le mur avec de plus en plus d'ardeur et de confiance, on voit Jal et son cercle traversés par la magie et on imagine parfaitement les prodiges qu'ils accomplissent. Les descriptions sont si précises et simples que les paysages et les personnages évoluent très clairement dans nos têtes. Alors surtout si vous connaissez des réalisateurs, vous savez ce qu'il vous reste à faire…
Un roman que j'ai plus qu'adoré, dégusté plusieurs jours pour ne pas le quitter trop tôt, et dont je ne saurais trop vous conseiller la lecture ! Un
must-read assurément !