MONFILS Nadine - Elvis Cadillac, King from Charleroi

Nadine Monfils

Sortie le 3 mars 2016

Fleuve éditions - collection Littérature Générale

Avec sa chienne Priscilla affublée d'une banane rose, Elvis sillonne les routes au volant de sa Cadillac ornée de cornes de vache pour aller donner des concerts. Abandonné à l'âge de 5 ans près des toilettes d'un restoroute, il a été recueilli par un couple d'épiciers fans de Georgette Plana, et est devenu Ze sosie officiel du King ! Invité à chanter pour l'anniversaire d'une vieille châtelaine, sur l'air de «Blue Moon», il va se retrouver au coeur d'un crime bien étrange, avec en prime une panoplie de pétés du couvercle, dont le chat Houellebecq qui a des mycoses aux pattes. Yeah !


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Mon avis :

Nadine Monfils est une écrivaine belge un peu touche-à-tout, à la fois connue pour ses livres érotiques,  ses pièces de théâtres, ses recueils de conte ou ses romans policiers. Après la série des « Mémé Cornemuse », elle nous présente dans ce polar complètement déjanté son nouveau personnage, Elvis Cadillac. Ce sosie de seconde zone d’Elvis Presley, un peu benêt, petit et bedonnant, vit à Bruxelles avec sa chienne Priscilla. Au volant de sa Cadillac rose, il écume foires, mariages et autres cérémonies où il reprend de sa voix de fausset les plus grands succès du King. Et comme tout héros qui se respecte, il cache quelques blessures secrètes (sa môman l’a abandonné à l’âge de 5 ans dans les toilettes d’un restoroute) et des atouts… inattendus !

Vous l’aurez compris, avec un héros pareil, ce n’est pas un polar au sens classique du terme que nous propose l’auteur, mais plutôt une bonne grosse farce haute en couleur. Avec un langage, comment dire, fleuri et truculent (quelques phrases prises au hasard pour vous situer l’ambiance : « Philomène était caca d’oie. Elle puait l’alcool et le dégueuli » ou encore les très poétiques « Raymonde squattait les toilettes : la tronche dans le pot du cabinet, elle dégueulait ses tripes » et « Mimile sommeillait au fond de son falzar et là, bizarrement, il semblait se réveiller en face des gros nichons de la bonne ») et un humour acide et décapant, elle nous décrit un univers complètement barré, dénué de toute morale, et une galerie de personnages tous plus dégénérés les uns que les autres.

En elle-même, l’histoire est bien construite, mais pas très originale : Elvis vient d’être engagé pour chanter à l’anniversaire d’une vieille aristocrate, Olivia de Montibul von Pipperzeel. À 80 ans, la vieille est encore vaillante, au grand désespoir de ses enfants qui voudraient bien toucher l’héritage. Mais alors que les membres de la famille se retrouvent autour de l’aïeule et qu’Elvis assure le show, la fête ne tarde pas à virer au cauchemar… Une famille qui se déchire, des amours secrets, des bijoux volés et des morts suspectes, les ressorts sont classiques. Les événements s’enchaînent rapidement, et le suspens n’est pas insoutenable. En revanche, les personnages sont irrésistibles, et c’est cette série de portraits au vitriol qui fait tout l’intérêt du roman. Entre Philomène, « conne comme une bite », dotée d’un pois chiche à la place du cerveau, son mari Fifi, directeur d’une usine de spéculoos qui arbore avec fierté son gros bide, son fils Aurélien, ce « gros glandeur déguisé en dandy » à la sexualité plus que douteuse, ou encore sa belle-sœur Colette, la poétesse de mes deux autoproclamée qui déclame à tout bout de champ « des rimes sucrées pour coincés du fion », les aristos forment une belle brochette d’abrutis. Ce n’est pas mieux du côté de la populace, les Micheline, Pépita et autre Raymonde, perchés sur leurs talons léopards et boudinés dans leurs mini-jupes et leurs robes de mariées, valant également le détour. Ajoutez à cela un super-héros supernaze, Houellebecq et la fée Tide, mélangez le tout et marrez-vous un bon coup.

Reste que derrière la farce, très réussie, on rit parfois un peu jaune, et à certains moments plus du tout, devant ces personnages décadents qui nous jettent à la figure toute la bêtise et la méchanceté humaine. Et on apprécie d’autant plus la lecture des passages, soudain empreints de poésie, qui nous décrivent les rêves envolés de ceux qu’il serait encore possible de sauver. Mais ne cherchez pas de morale, il n’y en a pas, et la farce s’achèvera comme elle a commencé !

Ce livre, qui se lit facilement et rapidement, a donc constitué pour moi une incursion plutôt réussie dans l’univers déjanté de Nadine Monfils, une expérience originale qui m’a sorti de mes lectures habituelles. Il m’a de plus permis, et je l’en remercie, d’enrichir mon vocabulaire de quelques mots d’argot belge. Après cette rencontre inattendue mais enrichissante, c’est donc avec plaisir que je retrouverai Elvis Cadillac dans la suite de ses aventures !