Avant toute chose, si vous cherchez dans ce roman une histoire d'amour passionnée M/M, vous le ne trouverez pas dans ce nouveau récit de TJ Klune. Ici il s'agit d'une dystopie post apocalyptique qui rapproche deux hommes que tout, ou presque, oppose. C'est aussi un premier tome de présentation, l'auteur prend le temps de bien mettre en place un univers très sombre, violent et étrange. Il nous offre des personnages atypiques, bien loin de ceux auxquels nous sommes habitués avec cet auteur.
Un siècle après que le monde ait été ravagé par un raz-de-marée de flammes, Cavalo tente de survivre sur les terres dévastées qui avaient été autrefois l'Amérique. Depuis la perte tragique de sa femme et de son fils lors d'un raid des Dead Rabbits - un groupe d'hommes et de femmes qui ont perdu toute humanité qui mange les humains et déverse des torrents de violence partout où ils passent - Cavalo n'est plus lui-même. Il ne se rappelle plus de son vrai nom ni de ce qu'il s'est passé. Il se tient loin des gens et quand il n'erre pas sur les routes, il se terre dans son repaire : les ruines décrépites de l’Institut Correctionnel Nord de l’Idaho, en compagnie d'un robot défaillant et sarcastique et de son chien Bad Dog. Il semble peu à peu sombrer dans la folie la plus totale. Alors quand il prend pour prisonnier un des Dead Rabbits tout le monde se questionne. Que lui a-t-il pris ? Pourquoi ne l'a-t-il pas encore tué alors qu'il fait partie de ce groupe de sauvages sanguinaires ? En fait, Cavalo s'interroge beaucoup sur ce qui a bien pu arriver à ce gamin de la vingtaine. Il est si jeune comparé à lui qui a passé la quarantaine. Comment et pourquoi est-il devenu un tueur et pourquoi tant de monde semble le rechercher ? Cette énorme cicatrice au cou l'ayant rendu muet, ce regard rempli d'ombres et de noirceurs, les expressions de son visage, tout en lui intrigue Cavalo et s'il n'explique pas totalement son geste, il y aura bien des conséquences...
« Même s'il n'était pas l'homme le plus intelligent au monde et même s'il ne comprenait pas tout en ce monde, l'homme du nom de Cavalo était tout de même curieux, même s'il ne se l'avouerait jamais. Il s'interrogeait encore, au fond de son cœur mystérieux.
Sa santé mentale. Il s'interrogeait beaucoup à ce sujet.
Son isolement. Qu'il s'était auto-imposé. Pour quelle raison ? Pour laisser le monde filer à côté de lui jusqu'à ce que la Mort l'accueille à bras ouverts en un délectable soulagement ?
Il s'interrogeait à ce sujet. Constamment.
[…] Mais par dessus-tout, il s'interrogeait sur le gamin. Le Dead Rabbit. Sent Plus Pareil. Le putain de bulldog psychopathe. Sur son masque d'un noir charbon. Sur ses dents dévoilées. Sur sa fureur. Il s'interrogeait sur lui plus qu'il n'aurait dû. Il ne parvenait à trouver un moyen de s'arrêter.
Il tue, soufflèrent les abeilles. Il mange des gens. Il mange la chair autour de leur os.
Et bien, oui. C'était vrai. Mais la curiosité était un sentiment irrépressible, et Cavalo n'était qu'un simple humain. »
Vous vous posez certainement la question : Mais alors n'y a-t-il pas un soupçon de romance ? Et bien non, pas vraiment, on sent que quelque chose naît entre eux, mais c'est vraiment à la toute fin, et tout cela reste à la lisière de leur esprit. Car nos deux personnages se détestent et se méfient, c'est à celui qui portera le coup en premier, à celui qui tuera l'autre. Ces deux hommes sont en outre atteints de folie. Cavalo communique par pensée avec son chien Bad. Dog (qui est très marrant au demeurant). Lui seul en effet semble capable ''de l'entendre et de le comprendre''. Quoi qu'on en pense, Bad Dog a cette capacité d'apaiser, de guider et de ramener à la réalité Cavalo lorsqu'il divague. Quant à Psycho (c'est ainsi qu'est surnommé le Dead Rabbits), plus grand-chose ne semble l'émouvoir, est-il encore capable ne serait-ce de ressentir le moindre sentiment ? Mais il y a quelque chose de fascinant chez ce jeune homme qui a dû terriblement souffert. Aussi, Cavalo et Psycho ont - ce que l'auteur appelle - des abeilles dans leur tête, des pensées qui les parasitent en somme et qui les troublent. Ce sont également des fantômes du passé qui les assaillent. Il est alors difficile, à travers ce brouillard, d'agir normalement. En fait, ces deux personnages n'arrivent plus à savoir ce qui est réel, rationnel ou non dans leur tête. Mais avec le temps tous les deux apprennent à communiquer et à se comprendre, c'est fascinant. Cavalo ressent enfin autre chose que de la haine, il y a aussi une autre lueur dans les yeux si sombres de psycho. Pourtant, ce dernier est un tueur, alors pourquoi Cavalo se surprend-il à le fixer ? Pourquoi ses entrailles se tordent quand il est près de lui ?Et pourquoi ont-ils échangé ce baiser ? Il est bien difficile de faire le tri dans ce qu'ils ressentent tous les deux...
« C'était donc ce baiser. Ce baiser accablant et inattendu.
Cavalo ignorait alors où cela le mènerait. Si c'était le cas, c'était perdu dans un brouillard d'abeilles s'il avait tenté de l'arrêter. Mais il ne le savait pas. Il ne pouvait le savoir. En ces temps impossibles, ce futur impossible où le monde avait été détruit de fond en comble, entrevoir le futur ne se résumait qu'à un fantasme. Alors non, il ignorait où tout cela le mènerait.
Mais il le saurait un jour.»
J'hésite à définir ce roman comme un ovni littéraire, en tout cas pour moi TJ Klune est un génie des mots. La narration est très particulière, on entre totalement dans les méandres de l'esprit torturé de l'humain. En fait, le récit est empreint de folie et cela peut perturber. On alterne entre hallucinations, flashback du passé et un présent hachuré de Cavalo. Le lecteur se sent comme oppressé et envahi par cette ambiance remplie de démence. Mais aussi étrange que cela puisse paraître ce style narratif est à mon sens parfait, il est à l'image des héros et du monde dans lequel ils vivent. C'est un coup de maître !
Nous faisons face dans ce livre à une terre dévastée par la violence des hommes, sur laquelle réside encore beaucoup de radioactivité et les conséquences de celle-ci. Et si Cavalo vit loin des populations restantes, il n'en reste pas moins que le monde continue de tourner. Il semblerait même qu'un gouvernement se mette secrètement en place, et les erreurs du passé n'ont a priori pas suffi. L'homme continue de déverser sa violence et à s'imposer comme roi. Quelque chose se prépare mais impossible de savoir si c'est signe d'espoir ou de destruction. Plus perturbant encore cette fin, intrigante au plus haut point. J'ai adoré (et détesté) ''Le mot de la fin'' de l'auteur qui est juste hilarant :
« Les cliffhangers ne sont-ils pas franchement horribles ? Je sais, je sais. TJ, sale enfoiré ! TJ, comment t'as pu faire ça ! TJ, j'ai envie de cogner dans le duodénum, là tout de suite. Ne craint rien, cher lecteur violent. Contrairement à certaines histoires (*tousse* Burn. *tousse*), la deuxième partie est déjà partiellement écrite, donc elle sera entre tes mains avant même que tu en aies conscience. Mais je me méfierais, si j'étais toi, car une guerre est sur le point d'advenir. Et les guerres engendrent toujours des victimes. »
On en parle TJ de ce mot de la fin ?????!!!!! quant à la couverture j'ai juste envie de dire Bravo, elle représente parfaitement le livre et son titre !
C'est complexe par la folie des héros, c'est violent par l'univers post-apocalyptique, c'est pour moi un ovni littéraire et j'ai adoré ça ! Vivement la suite...