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| DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune | |
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Karen Admin
Messages : 12159 Date d'inscription : 10/07/2011 Age : 45 Localisation : Paris
| Sujet: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Mer 14 Sep - 11:11 | |
| Rayon de LuneFrédérique de Keyser La Bourdonnaye - collection Liaisons Dangereuses - mars 2013 Quatrième de couverture: Le petit accident dont Sélène est victime alors qu’elle sillonne la région du Morvan pour son travail aurait pu s’avérer sans aucune conséquence. Ce contretemps va pourtant la conduire à faire la connaissance de Tristan, loup-garou, lié par un pacte ancestral avec un démon. Pour valider cette alliance qui fait de lui un Meneur de Loup, ce dernier a dû consentir un sacrifice, la vie de son frère aîné. Hanté par cette perte et persuadé que tous les malheurs qui ont frappé sa famille trouvent leur racine dans ce sentiment honni qu’est l’amour, Tristan a formulé le vœu de ne jamais y succomber. Pourtant sa meute a désespérément besoin de nouvelles naissances. Aucune des femelles n'étant en mesure de fournir ce sang neuf, c’est à Sélène que Tristan impose ce rôle. Au risque de tomber dans son propre piège. acheter sur le site de l'éditeur : 4,99€ | |
| | | Frederique de Keyser
Messages : 103 Date d'inscription : 12/09/2011 Age : 56
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Mer 14 Sep - 14:27 | |
| Pour que vous puissiez vous faire une petite idée, je vous propose de vous livrer ici les deux premiers chapitres de Rayon de Lune (je les mets en spoiler histoire de ne pas surcharger la page :) - Spoiler:
Chapitre 1
Comme toutes les nuits depuis maintenant presque deux cents ans, Tristan se réveilla en sursaut. Couvert de sueur, les jambes empêtrées dans ses draps tirebouchonnés, il poussa un rugissement sauvage qui se mua en un hurlement si chargé de détresse que quiconque l’eut entendu en aurait eu le cœur brisé. Ce cauchemar revenait chaque nuit, toujours le même, systématiquement identique à celui de la nuit précédente, et à celle d’avant, comme si une malédiction l’obligeait à revivre le sacrifice de son frère Gaïlen, pour l’éternité. Pourtant Tristan ne croyait pas aux malédictions. Sans doute aurait-il dû.
Des humains au courant de sa nature profonde l’auraient immanquablement traité de monstre, prompts comme ils l’étaient à juger ce qu’ils ne connaissaient - ou ne comprenaient - pas. Tristan n’avait jamais pris le temps de réfléchir à sa situation, ni souhaiter être autre chose. Quand bien même cela aurait été le cas, l’eut-il désiré de toute son âme, que cela n’aurait eu aucune conséquence. À dire vrai, il était fier de n’être pas totalement humain. Plus exactement, d’être plus qu’un simple homme, sans pour autant se permettre de juger cette race pourtant imbue d’elle-même qui ne manquait jamais de décider qui avait le droit de vivre sur cette terre… ou pas. Lui savait pourquoi il était ce qu’il était, de même que tous les membres de sa famille – ce qu’il en restait – et s’accommodait fort bien de la situation qui n’avait toutefois pas été toujours facile.
Tristan passa une main sur son visage, essuyant la sueur qui refroidissait sur son front puis d’un geste las, écarta les boucles brunes collées à son front. Ce rêve récurrent avait au moins un avantage, celui de l’aider à ne pas renier le vœu qu’il avait formulé comme une promesse faite à son frère disparu. Par loyauté envers Gaïlen, il avait purement et simplement renoncé à aimer une femme, quelle qu’elle fût. En effet, tous leurs malheurs - presque tous, pour être parfaitement honnête - avaient été causés par une petite créature humaine qui avait pratiquement détruit Gaïlen, qui l’avait rendu fou. Tristan s’était donc juré, en mémoire de son frère, et pour se protéger lui-même, de ne jamais se laisser affaiblir par une femelle. Pour lui, l’amour n’était ni plus ni moins qu’une perte de temps, mais plus encore un poison sournois qui peu à peu aliénait la personne qui en était victime, l’enchaînait et l’obligeait à endurer d’atroces souffrances inutiles dont souvent l’entourage du malheureux pâtissait également. Pire, c’était un sentiment tyrannique qui réduisait en esclavage quiconque en était affligé.
Le sacrifice de Tristan lui avait certainement été beaucoup plus aisé à consentir que pour n’importe lequel membre de sa race en raison du pacte qu’il avait conclu, même s’il n’avait pas obtenu exactement ce qu’il avait sollicité. Lorsqu’il avait accepté le marché le liant au démon qui ne cessait d’intervenir dans la vie de sa famille depuis des temps très anciens, Tristan avait sollicité la faculté de ne jamais être victime de ce sentiment méprisable. S’il n’avait pas obtenu ce don du ciel, en revanche la possibilité de ne pas reconnaître celle qui lui était destinée dans cette vie - quand bien même celle-ci fut-elle assise sur ses genoux - lui avait été accordée. C’était une chance considérable qui ne le mettait toutefois pas à l’abri de tous dangers. Mais il avait tenu bon, jusqu’ici, réduisant les risques en prenant soin d’éviter la fréquentation de personnes autres que celles qui composaient sa famille.
Pourtant, ces derniers temps, il se sentait d’une humeur mélancolique, comme si son âme réclamait son dû. À mesure que le temps passait, il sentait son cœur se durcir, il devenait de plus en plus exigeant, irascible avec les siens. Il en souffrait et il n’était que trop conscient qu’eux aussi, même s’ils n’osaient pas le lui faire remarquer.
Mis à part Rogan qui, lui, ne le craignait pas le moins du monde et passait son temps à le pousser à bout, le provoquer en lui rappelant qu’il devait songer à la survie de sa famille justement, et se sacrifier à son tour. Cette idée le fit frémir. Tristan ne pouvait compter ni sur Emma, ni sur Mathilde, malheureusement stériles, pour apporter le sang neuf dont ils avaient tous désespérément besoin. Rogan lui avait conseillé de trouver une femelle humaine. Tristan s’était insurgé contre cette idée, sachant pourtant que c’était la seule solution. Comme toujours Rogan avait raison, seule une femme humaine serait à même de renouveler le sang fatigué de son clan. Et seul lui pouvait se charger de cette corvée qui l’écœurait presque. Non pas qu’il soit impuissant, bien au contraire. Il était doté de solides appétits charnels que Mathilde se faisait un plaisir de satisfaire, même sans être sa compagne officielle. Être sa maîtresse ne lui procurait aucun avantage particulier au sein du clan, elle le faisait volontiers, mais eut-elle haï Tristan qu’elle n’aurait eu d’autre choix que d’obéir.
– Trouve-la toi, cette fille, puisque tu es si malin ! avait hurlé Tristan lors de sa dernière conversation avec Rogan, se laissant une fois de plus dominer par son caractère emporté et sa colère, rajoutant en serrant les dents, qu’il le maudissait. Le petit sourire narquois que lui avait alors décoché son familier ne cessait de le tourmenter. Tristan était persuadé que Rogan allait lui dégoter la femelle la plus horrible, la moins attirante, et ce, uniquement dans le but de l’agacer. Tel était le sens de l’humour tout à fait particulier de Rogan. Cet individu horripilant lui avait été imposé lorsqu’il avait contracté son pacte libérateur. Rogan se disait lui-même être un familier, à l’instar de Méphisto pour le Docteur Faust. Sa mission, outre celle de conseiller et d’assister Tristan, était également de lui rappeler en permanence le contrat qui le liait et qu’il devait se tenir à disposition de son associé. Lorsque Tristan avait voulu s’enquérir de la nature réelle de Rogan, ce dernier lui avait répondu qu’il était, en quelque sorte, une création originale tenant à la fois du démon et de lui. Tristan n’avait pas cherché à en savoir plus, mais leur longue cohabitation leur avait permis de tisser des liens que lui qualifiait volontiers d’amicaux sans savoir toutefois si ce sentiment était réciproque. Toujours est-il que Tristan oubliait parfois la nature en partie démoniaque de son ami. Mais celui-ci prenait un malin plaisir à le lui rappeler. Si le familier arborait, la plupart du temps, l’apparence d’un splendide jeune homme aux surprenants yeux violets, il n’était pas rare de croiser dans les couloirs de la demeure, de parfaits inconnus. Rogan aimait la beauté et ne se privait pas de se faire plaisir, se transformant en créatures de rêve, hommes ou femmes. Cependant, la métamorphose n’était pas le seul pouvoir à la disposition de cet être surnaturel. Rogan était extrêmement intelligent, d’une finesse rare, qualités auxquelles s’ajoutaient également une perversité totalement assumée et une propension à taquiner qui portait prodigieusement sur les nerfs de son ami. C’était un peu comme si Rogan connaissait Tristan bien mieux que lui-même ou comme s’il avait été créé à partir de la parcelle que Tristan avait sciemment abandonnée. C’était peut-être bien cela après tout.
Tristan jeta un coup d’œil à son réveil. Trois heures du matin. Poussant un profond soupir, il décida de tenter de se rendormir. Après avoir remis un peu d’ordre dans son lit dévasté, il s’installa à plat ventre, le visage tourné vers la fenêtre de sa chambre, et leva les yeux vers le croissant de lune qui s’élevait juste au-dessus de la cime des arbres entourant la propriété. – Tu ne me fais pas peur, grogna-t-il à l’attention de l’astre nocturne. Je suis plus fort que toi. Comme si la lune répondait à cette provocation, elle fut cachée un instant par un nuage, pour réapparaître, Tristan en aurait juré, deux fois plus lumineuse et brillante, presque menaçante. Tristan ferma les paupières et sombra dans un profond sommeil qu’il espéra sans rêve.
Sélène s’installa au volant de sa voiture et boucla sa ceinture. – En route pour l’aventure ! s’exclama-t-elle joyeusement. La jeune femme n’aimait rien tant que cet aspect de son travail : les recherches sur le terrain. Si elle supportait facilement les mois où elle devait rester enfermée dans un bureau, toute à la rédaction de ses textes, les périodes où elle parcourait la France la ravissaient. La maison d’édition pour laquelle elle travaillait actuellement les avait chargés, elle et ses collègues, de répertorier les légendes des régions du pays. La Bourgogne, plus particulièrement le Morvan, lui avait été attribuée. Elle avait remercié le ciel pour cela. Non seulement elle connaissait un peu la contrée pour y avoir séjourné en vacances chez ses grands-parents, mais elle avait de plus échappé à des départements où le travail serait plus important en raison du nombre effarant de croyances ou de traditions toujours dans les mémoires, comme la Bretagne, ou encore dans certains secteurs où ses collègues aurait des difficultés à trouver autre chose que ce pourquoi il était connu, comme la Lozère, anciennement connue comme le Gévaudan. Sélène gloussa sans honte à l’idée des ennuis que Marc et Nathalie, qui avaient respectivement hérité de la Lozère et du Finistère, n’allaient pas manquer de rencontrer. Nathalie, paresseuse comme elle l’était, allait vite se sentir dépassée. Sélène quant à elle n’aurait « que » quelques histoires de pierres levées et de diables, de fantômes, de bêtes chimériques ou encore de loup à se mettre sous la dent, ce qui était déjà pas mal.
Sélène n’était pas méchante, bien au contraire, mais elle avait beaucoup de mal à supporter ces deux-là qui adoptaient avec elle, un comportement hautain, voire humiliant. La jeune femme avait fait sienne cette ligne de conduite : laisser glisser sur elle les jugements d’autrui, rire de ce qui n’était pas grave et rester elle-même. Sa nature enjouée la faisait souvent passer pour une fille un peu simplette, chose dont elle s’accommodait volontiers, car elle avait ainsi une paix royale. À tel point d’ailleurs que même sa vie sociale et sentimentale était un désert absolu. Elle riait intérieurement lorsqu’il lui arrivait de surprendre des conversations la concernant. Ses collègues féminines la prenaient presque pour une nonne au prétexte qu’elle n’avait jamais été vue « en galante compagnie ». – Si vous cherchiez à me connaître, vous sauriez à quel point vous êtes loin du compte, pensait-elle alors. Et ce n’est pas parce que je ne suis pas belle, que je n’ai pas le physique qu’il faut, que ma vie sexuelle est inexistante. À trente ans, Sélène était une jeune femme particulièrement équilibrée et saine. Elle savait ce qu’elle voulait, c’est à dire vivre comme elle l’entendait, savait se montrer sérieuse lorsqu’il le fallait et traversait son existence paisiblement en vivant au jour le jour. Elle ne cherchait pas à trouver l’amour à tout prix, persuadée que c’était lui qui la trouverait si tel était son destin. Si elle n’imposait jamais ses états d’âme aux autres, cela ne l’empêchait pas de souffrir malgré tout de sa solitude. Il lui arrivait de désespérer, mais son optimisme reprenait rapidement le dessus. Vérifiant mentalement qu’elle n’avait rien oublié, Sélène examina machinalement son maquillage dans le rétroviseur, rencontrant son doux regard vert évoquant une forêt, sans doute la seule chose qu’elle appréciait chez elle, jugeant le reste de ses « appâts » on ne peut plus communs. Encore que ses yeux expressifs s’avérant incapables de dissimuler ce qu’elle ressentait lorsqu’elle regardait quelqu’un, elle aurait parfois souhaité qu’ils fussent différents. Balayant cette idée d’un haussement d’épaules désinvolte, elle démarra. Sélène avait décidé de débuter ses investigations par le Morvan et pour se faire avait loué une ravissante chambre d’hôte en pleine campagne, non loin du site archéologique de Bibracte qu’elle espérait avoir le temps de visiter à nouveau. Elle pourrait alors se rendre compte de l’avancement des fouilles, s’offrir une longue balade en forêt, prendre quelques photos de ces Hêtres dont les racines noueuses créaient des sculptures végétales tout à fait étonnantes et conférait au paysage une atmosphère magique. Les « Queules » comme on les appelait là-bas. Puis, arrivée en haut de la colline, elle se laisserait séduire par le panorama de la vallée, se recueillerait sans doute sur la période historique liée à ce lieu presque mythique, rendant ainsi hommage aux valeureux guerriers qui avaient tenté de lutter contre l’invasion romaine. Lorsqu’elle arriverait à Autun, il lui faudrait d’abord résister à la tentation de s’y arrêter pour, une fois encore, prendre des clichés de la cathédrale, d’y entrer et de réfléchir quant à l’authenticité de la relique qu’elle abritait. Elle prendrait sur elle également de ne pas dévier de sa route pour aller voir ce qu’il restait des ruines du Temple de Janus - sans doute l’un des dieux qu’elle préférait dans la mythologie romaine. Sélène n’était pas croyante, n’avait foi en aucune religion particulière, mais se sentait proche de ceux que l’on appelait païens parce qu’ils révéraient la nature, plus sûrement que les monothéistes, selon elle. Son manque de foi ne l’empêchait pourtant pas de considérer la nature comme une magicienne qui ne cessait de l’étonner et Sélène aimait être étonnée, apprendre, comprendre. C’était sans doute pourquoi elle acceptait facilement toutes ces choses prétendues étranges dont on entendait parfois parler. C’était sans doute aussi grâce à cela qu’elle excellait dans son travail, toute légende ayant, selon elle, son fond de vérité. Sélène n’eut à s’arrêter qu’une fois en route, contrainte de soulager sa vessie, pause dont elle profita pour boire un café serré. La nuit arrivait tôt et ce début de février était glacial. Elle avait hâte d’arriver, le café ne l’ayant que réchauffée momentanément et peu aidée à ne pas succomber à une torpeur passagère. La jeune femme avait allumé ses phares depuis une heure environ et ralentit sa vitesse tant la nuit était totale sur cette portion de route qui traversait une forêt dense. Elle bailla à s’en décrocher la mâchoire, sentit ses paupières papillonner et sa tête basculer en avant. Elle se reprit aussitôt, consciente de s’être endormie une micro seconde. Mais il était déjà trop tard, elle ne put empêcher sa voiture de se diriger droit vers le petit fossé qui bordait la route, ce qui la stoppa net. Le choc ne fut pas violent, mais Sélène mit du temps à réaliser ce qu’il venait de se passer. Sa ceinture de sécurité avait fait son office en la protégeant. Son véhicule, assez ancien, n’était pas équipé d’airbag ; elle se félicita tout de même d’avoir ralenti son allure en pénétrant sur cette route sombre. N’ayant aucune blessure ni contusion, elle détacha sa ceinture de sécurité, alluma les feux de détresse avant de sortir du véhicule. C’est alors qu’elle constata que sa voiture penchait curieusement sur la droite. S’en extrayant avec précaution, elle fit le tour de son auto pour s’apercevoir qu’effectivement ses deux roues, du côté droit, étaient dans le vide. Reprenant sa place derrière le volant elle passa la marche arrière. Rien. Elle réitéra l’opération plusieurs fois, sans succès. La voiture ne bougeait pas. – Merde ! lâcha-t-elle. Après s’être munie d’une lampe torche, Sélène attrapa son gros blouson sur le siège arrière puis l’enfila rapidement avant de sortir une fois de plus. Elle frissonnait, sans doute autant à cause du froid piquant de la nuit qu’en raison du choc. Marchant jusqu’à l’arrière de sa voiture, elle en éclaira les roues tout en se demandant comme elle allait se sortir de ce mauvais pas. Elle n’était pas assez forte pour la faire bouger toute seule. – Merde, merde, merde, soupira-t-elle encore. Ne sachant trop que faire, elle récupéra son sac à main à l’intérieur de l'habitacle et y repêcha son mobile. Elle n’avait plus qu’à contacter un garage des environs en espérant qu’il y eut encore quelqu’un dans les locaux et demander une dépanneuse. Optimiste, comme toujours, elle scruta l’obscurité avec l’espoir d’apercevoir les phares d’une voiture, avant d’ouvrir le clapet de son téléphone. Rien à droite. Rien à gauche. Elle était seule, dans l’obscurité presque totale, à côté d’un bois qui lui parut soudain hostile, menaçant. S’adossant avec précaution à sa voiture, Sélène ouvrit son portable pour se connecter au Net et chercher le numéro de téléphone d’un garage. Elle écarquilla ses yeux avant même que son doigt n’ait effleuré la moindre touche du clavier. – Non ! s’exclama-t-elle. Il n’y avait pas de réseau, son téléphone ne captait rien. Rien du tout. Sélène se sentit désespérée durant quelques secondes, pendant que son cerveau fonctionnait à toute allure. Elle n’avait que deux solutions : passer la nuit dans sa voiture, au risque d’être percutée par un autre véhicule ne l’ayant pas vue et/ou de finir gelée, soit, partir chercher de l’aide. Optant pour la seconde solution, elle ferma sa voiture à clé. Répugnant à laisser toutes affaires dans le coffre, elle ne pouvait cependant pas marcher avec tous ses sacs, d’autant qu’elle n’avait aucune idée de la distance à parcourir avant de rencontrer une âme qui vive. Ses bagages contenaient la presque totalité de ses vêtements, mais aussi son ordinateur portable, ses livres, ses notes… Finalement, elle s’empara d’un des sacs dans lequel elle rajouta son portable avant de refermer le coffre, à clé également, puis se mit en route. Prenant la direction qu’elle aurait normalement suivie sans son petit accident, et s’éclairant de sa lampe, Sélène marcha doucement pour ménager ses forces pour le cas où elle aurait plusieurs kilomètres à parcourir. Braquant régulièrement le faisceau de sa lampe au cœur de la forêt, elle n’avait pas marché plus de cinq cents mètres, qu’elle aperçut un chemin de terre s’ouvrir sur sa droite. S’arrêtant à l’entrée de la voie, elle l’éclaira et entrevit un portail bloquant la route, à une vingtaine de mètres d’elle. – Super, s’exclama-t-elle tout haut. Qui dit portail, dit propriété, donc maison. A priori. S’engageant lentement sur le chemin qui s’enfonçait dans les bois, Sélène s’arrêta devant la grille en fer forgé qu’elle essaya d’ouvrir. – Fermé à clé. Normal. Levant les yeux pour en évaluer la hauteur, elle se jugea incapable de l’escalader pour passer de l’autre côté. Enfin si, elle aurait peut-être pu grimper, mais aurait risqué de se casser une jambe en voulant redescendre. Promenant le faisceau de sa lampe de part et d’autre de la grille, elle constata que la propriété n’était ceinte que d’un grillage, plus symbolique que réellement dissuasif. La jeune femme longea le grillage qui parcourait la forêt, sans le lâcher à la recherche d’une éventuelle ouverture. Au bout d’une vingtaine de mètres elle décida d’éprouver la résistance du grillage, n’ayant aucune intention de s’enfoncer plus avant dans la végétation. Un vigoureux coup de pied parvint à tordre le fin mur de fer, quelques coups supplémentaires en eurent raison. Elle espérait que le propriétaire des lieux ne lui en voudrait pas trop pour les dommages causés. Au pire, elle proposerait de le remettre en état elle-même. Sélène se félicita d’avoir préféré des chaussures de marche, chaudes et confortables, à ses bottes de ville pour voyager. Enjambant maintenant sans problème la clôture, la jeune femme revint sur ses pas pour retrouver le chemin de terre et se remit en route. À environ une dizaine de mètres du portail, le chemin tournait à quatre-vingt-dix degrés sur la droite pour faire de même sur la gauche environ vingt mètres plus loin. Se représentant mentalement le schéma du trajet parcouru, la jeune femme se rendit compte que, s’il y avait une maison au bout du chemin, celle-ci serait totalement invisible depuis la route. Elle se demanda vaguement si cela était voulu ou pas. Sélène n’était pas peureuse, mais ne put s’empêcher d’accélérer son allure, prise d’une angoisse aussi infondée que soudaine. Infondée ? – Peut-être pas tant que cela, songea-t-elle. Cette forêt à des yeux, j’en jurerais. La jeune femme ne percevait aucun bruit et se sentait soudain oppressée. C’est presque au pas de course qu’elle déboucha devant un grand porche arrondi percé dans un haut mur de pierres. L’ouverture donnait sur la cour intérieure d’une demeure, pour ce qu’elle pouvait en voir. Rassurée par cette preuve de présence humaine, elle s’avança calmement et poussa un grand soupir de soulagement, se rendant compte alors qu’elle avait dû retenir sa respiration. L’air glacial lui fit mal aux poumons, mais cela n’était pas important. Elle était sauvée. Aucune des fenêtres de la maison qui se dressait devant elle n’était éclairée, mais elle vit tout au fond de la cour sur sa droite, brillant comme un phare dans la nuit, un rectangle de lumière se découper dans l’obscurité. Attirée comme un papillon, elle se dirigea vers la porte ouverte, lorsqu’un homme, très grand, s’y encadra. Elle aperçut le bout rougeoyant de sa cigarette lorsqu’il en aspira une bouffée.
Chapitre 2
Rogan n’en croyait pas ses yeux. Appuyé à l’encadrement de la porte, il fumait tranquillement tout en observant l’adorable créature qui avançait vers lui. Il la voyait comme en plein jour, si bien qu'il se laissa aller à la détailler le temps qu’elle arrive devant lui. Le froid avait rosi ses joues et fait monter quelques larmes dans ses jolis yeux dont la couleur, tout à fait singulière, le séduisit immédiatement. – Regardez ce qui nous arrive ! s’exclama-t-il en pensée. Que viens-tu faire par ici ma jolie ? se demanda-t-il en la fixant désormais presque avec gourmandise. La jeune femme qui venait de s’arrêter juste en face de lui, lui apporta des effluves de son parfum, léger et raffiné, mêlés des senteurs de la forêt et… Mais oui, un soupçon de l’odeur caractéristique de la peur. Rogan éjecta son mégot d’une pichenette. Celui-ci alla s’écraser quelques mètres plus loin dans une gerbe d’étincelles orangées. – Bonsoir. Puis-je vous aider ? demanda-t-il d’une voix caressante, affichant un sourire enjôleur. Habitué à l’effet que son apparence et ses manières faisaient d’ordinaire aux femmes, il ne se formalisa pas, cette fois non plus, de la voir écarquiller les yeux et le dévisager. Mieux, il la laissa le dévorer littéralement des yeux et attendit patiemment sa réponse. Il vit Sélène avaler sa salive et rougir en se rendant compte avec quel manque de discrétion elle venait de le reluquer. Parvenant à se reprendre, elle lui répondit enfin. – Oui, s’il vous plait. Je viens d’avoir un petit accident et ma voiture est dans le fossé… – Vous n’avez rien ? s’inquiéta-t-il en s’approchant si près de la jeune femme que cette fois-ci ce fut elle qui perçut son parfum, légèrement épicé. Passé maître dans l’art de la séduction, Rogan couva la jeune femme de son étrange regard lui faisant penser qu’il la désirait elle et nulle autre, qu’elle était la plus belle femme du monde. Il adorait par-dessus tout qu’une femme soit troublée par ses yeux, sa convoitise et son désir. Il voyait presque les images de leurs corps nus enlacés qui se formaient dans l’esprit de Sélène et cela l’excita terriblement. Il la désirait, mais songeant qu’elle était désormais destinée à son ami – depuis qu’il en venait d’en décider ainsi – il se reprit. – Non, je n’ai rien, le rassura la jeune femme avec un petit sourire las, d’une jolie voix, un peu grave, mais tout à fait charmante. – Entrez, je vous en prie, l’invita Rogan en s’emparant du sac de voyage qu’elle avait déposé à ses pieds. La faisant pénétrer dans la demeure par la porte à laquelle il était apparu, ils débouchèrent dans un hall sobrement décoré, mais avec un goût exquis. Une splendide statue grecque nichée dans une alcôve ainsi qu’un sofa recouvert de velours crème constituaient l’unique décor de cette entrée peinte en blanc dont le sol était recouvert de dalles de marbre blanc et gris clair disposées en damier. Des trois issues que comportait l’antichambre, Rogan choisit celle située sur leur droite après avoir déposé le sac de Sélène sur le sofa, puis conduisit la jeune femme dans la cuisine. Il l’invita à s’asseoir à l’énorme table de ferme qui en occupait le centre. La vaste pièce en pierres taillées nues embaumait le feu de bois. Sélène regarda avec convoitise la cheminée où une flambée avait été allumée. – Réchauffez-vous, je reviens de suite, articula-t-il en sortant, abandonnant Sélène pour se diriger rapidement vers la grande salle où il savait trouver Gaël et Liam en train de siroter leur hydromel comme tous les soirs. Gaël leva un sourcil interrogateur en voyant Rogan arriver, un franc sourire aux lèvres. – Qu’est-ce que tu as ? Tu as encore inventé une farce pour faire tourner Tristan en bourrique ? interrogea l’aîné de la famille, hésitant entre exaspération et jubilation. – Oh, ce n’est vraiment pas mon style, s’offusqua Rogan. Non, j’ai trouvé beaucoup mieux que ça, mais je vous en parlerais plus tard. Va voir sur la route si tu trouves une voiture dans le fossé et ramène-la ici, si tu peux. Gaël, que l’idée de sortir ne réjouissait pas particulièrement, grogna dans sa barbe et jeta un coup d’œil à Liam qui se félicitait de n’avoir pas été sollicité, avant de répondre : – Tu sais que Tristan n’aime pas que l’on s’occupe des affaires des humains. – Je sais parfaitement ce que Tristan aime ou n’aime pas. Je te demande juste de t’occuper du véhicule dans le fossé. Il n’y a personne à l’intérieur. – Ne me dis pas qu’en plus tu as introduit un humain ici ? intervint Liam en se levant d’un bond en songeant à la réaction de Tristan s’il venait à découvrir un intrus chez lui. – Je n’ai introduit personne, répondit Rogan dont la lubricité n’était jamais en veille. Mais oui, elle est humaine. – Elle ? s’exclamèrent Gaël et Liam en chœur. Ravi de son petit effet, Rogan sourit de plus belle. – Oui. Pendant que vous allez chercher sa voiture, je me charge d’elle. Je dois savoir à qui j’ai affaire avant son retour. – Tu crois qu’elle sait où elle est tombée ? demanda Liam qui n’y croyait pas lui-même. – J’en doute, mais sait-on jamais. Cependant, je ne pense pas qu’Abel nous envoie des espions humains. En revanche, si nous manœuvrons habilement, il se pourrait bien que cette jeune femme reste avec nous un certain temps. Gaël et Liam qui savaient très exactement à quoi Rogan faisait référence se contentèrent de hocher la tête gravement, puis partirent ensemble. Le familier sortit à leur suite et s’empressa de rejoindre la jeune femme qu’il trouva debout, penchée en avant et mains tendues vers les flammes. Il se laissa aller un moment à contempler son joli postérieur, moulé dans un jean, et regretta qu’elle ne se soit pas débarrassée de son gros blouson. Lorsqu’elle se retourna, consciente de sa présence, Rogan eut le plaisir de la voir lui adresser un sourire. – J’ai demandé à ce que l’on ramène votre voiture ici, l’informa-t-il – Je ne sais pas comment vous remercier. Rogan avait bien une idée sur la question, mais répondit : – Ne vous inquiétez pas pour ça. Café, Thé ? – Café. Rogan se dirigea vers le percolateur professionnel placé sur un plan de travail très moderne qui jurait terriblement avec l’aspect rustique de la pièce et notamment avec un énorme bahut en bois magnifiquement sculpté de motifs végétaux. Il leur prépara deux expressos puis, une fois assis en face de la jeune fille, commença son petit interrogatoire se concentrant sur elle pour découvrir qui elle était. – Je me rends compte que je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Rogan. – Enchantée. Mon prénom est Sélène. – Très joli, répondit-il simplement alors qu’il pensait qu’une telle coïncidence ressemblait fort à un clin d’œil du destin, voire à une petite provocation de la Déesse grecque. Sélène but une gorgée du breuvage, délicieusement chaud et fort, pour se donner une contenance, perturbée par le regard perçant du jeune homme assis en face d’elle. – Et que faites-vous dans la vie Sélène ? reprit-il sur le ton de la conversation. – Eh bien, je travaille pour « Les Éditions de la Pierre Levée », j’effectue des recherches pour eux. – À quel sujet ? sembla s’intéresser Rogan. – Les légendes de France, je dois répertorier celles de la région. – Long et fastidieux travail… – Long oui, sans aucun doute, répondit Sélène. Mais cela me plait et me permet de ne pas passer ma vie derrière un bureau. – Vous venez de… – Paris. J’y habite. – Seule ? se permit alors de demander Rogan – Oui, répondit Sélène en jetant un coup d’œil un peu surpris au super canon qui lui faisait face, ce qui n’excusait en rien l’indiscrétion dont il faisait montre. Sélène décida qu’il était trop beau pour lui en vouloir et ne fit donc aucun commentaire. – Cette solitude ne vous pèse pas ? demanda-t-il encore. – Vivre seule n’implique pas que je sois seule dans la vie. – Vous ne l’êtes pas ? – Si, mais… – Pardonnez-moi, je suis trop curieux, mais je le suis toujours en présence d’une jolie jeune femme. Sélène apprécia le compliment, mais consciente d’être tout à fait banale n’en tint pas réellement compte. – Ce n’est rien. Et vous, que faites-vous ? – Je m’occupe des affaires de mon… de mon ami. Rogan sourit intérieurement de voir Sélène hocher gravement la tête sans répondre. Il lisait en elle si facilement. Elle avait interprété ses paroles à sa manière, à savoir qu’elle avait remplacé « ami » par « petit ami » étant donné l’air déçu qu’elle affichait. Rogan l’avait bien entendu fait exprès, pour la taquiner un peu. – La propriété lui appartient alors ? demanda Sélène pour meubler le silence. Il n’est pas là ? – Oui la maison est à lui, enfin à sa famille, mais c’est lui qui… règne sur la maisonnée. Il ne devrait plus tarder maintenant. – Je suis désolée de vous déranger, s’excusa encore la jeune femme. – Tss, tss, tss. Vous ne me dérangez en aucune façon, la rassura Rogan. Il est rare que nous ayons une aussi charmante visite, ajouta-t-il juste pour le plaisir de voir les joues de Sélène se colorer une fois de plus. – Soit c’est une pucelle, soit elle n’a pas conscience de ce qu’elle dégage, pensa Rogan en la voyant réagir comme prévu à son compliment. – Oui, votre maison est très isolée, fit-elle remarquer. – Effectivement. Un autre café ? Avez-vous faim ? s’enquit le familier qui n’avait pas envie de devoir justifier les raisons de cet isolement, pas dans l’immédiat, toujours. – Non, rien, merci, mentit Sélène qui sentait son estomac gargouiller. Ne vous dérangez pas pour m… La fin de sa phrase fut engloutie dans un rugissement qui fit sursauter la jeune femme. – Rooooooooooooogaaaaaaaaaaaaaan ? C’est quoi ce bordel dans la cour ? L’interpellé leva les yeux au ciel et adressa un sourire rassurant à Sélène qui le regardait d’un air effaré. – Ah, je crois que votre voiture est arrivée. Excusez-moi un instant. Abandonnée une nouvelle fois, Sélène se demanda qui était capable de hurler si puissamment et pourquoi le propriétaire de cette voix grave était si en colère. Elle espérait vivement que ce n’était pas à cause d’elle. Résistant à sa curiosité naturelle elle ne suivit pas Rogan.
Le familier trouva Tristan planté au milieu du hall, bras croisés sur sa large poitrine et arborant son air le plus impatient et le plus sombre. – Ah te voilà Tristan, je… – À qui est ce tas de boue dehors ? le coupa Tristan, effectivement furieux. – À une personne qui vient d’avoir un accident et qui est venue cherche de l’aide. – Tiens donc ! s’exclama le maître de maison, incrédule. Et par quel miracle cet individu s’est-il cru autorisé à pénétrer sur ma propriété ? – Elle est juste… – Elle ? – Oui, il s’agit d’une charmante jeune femme, répondit Rogan avec un sourire qui exaspéra Tristan. – Charmante ou pas, elle dégage d’ici, tonna Tristan. – Je ne crois pas non. Elle est celle qu'il nous… qu’il te faut. Et en plus, nous n’avons même pas eu à bouger le petit doigt. Tristan fixa Rogan intensément, se demandant s’il n’était pas une fois de plus victime de l’une de ses blagues. Il savait très bien où se trouvait son devoir, mais avait espéré disposer d’encore un peu de temps avant d’être contraint de se charger de cette corvée. Et puis, il avait l’intuition que Rogan avait tout manigancé pour le mettre au pied du mur. Et cela le mettait hors de lui. – Je te jure que je n’y suis pour rien ! se défendit d’ailleurs Rogan avant même que Tristan eut le temps de formuler ses accusations. Je n’ai pas comploté pour te forcer la main. Tristan qui fulminait littéralement parvint néanmoins à s’exprimer relativement calmement. – Je te crois, mais je n’ai pas le temps de m’occuper de cela maintenant. Je la verrai plus tard. J’ai besoin d’une douche. Arrange-toi pour qu’elle reste ici cette nuit et installe-la dans une des chambres. – À côté de la tienne ? proposa Rogan. – Certainement pas ! La plus éloignée possible, grogna Tristan. Rogan acquiesça tout en réfléchissant à un prétexte à même de persuader Sélène de rester sans éveiller ses soupçons. Il eut un peu pitié de cette adorable jeune femme qui ne savait pas ce qui l’attendait. Ce sentiment par trop humain ne dura pas longtemps. Il n’avait pas à se soucier d’elle, même s’il la trouvait attirante. Seul Tristan et son clan importaient.
Tristan qui, malgré ses paroles, était dévoré de curiosité ne monta pas immédiatement dans sa chambre. Éteignant le plafonnier du hall d’entrée, il parvint à dissimuler sa haute et imposante silhouette dans l’ombre puis se tint parfaitement immobile. Rogan et la femelle seraient obligés de passer près de lui pour emprunter l’escalier. Il aurait alors tout loisir d’observer celle qui allait probablement devenir sa…. Aucun mot approprié sur le statut qu’elle aurait ne lui venant à l’esprit, Tristan renonça à qualifier la relation particulière qu’il s’apprêtait à imposer à cette humaine. Il retint sa respiration en entendant la voix de son familier se rapprocher. Ce dernier expliquait à la jeune femme que sa voiture était hors d’usage pour l’instant, qu’il était trop tard pour s’en occuper ce soir et qu’il lui offrait donc l’hospitalité pour la nuit. Tristan sentit son cœur bondir dans sa poitrine en entendant une douce voix d’alto s’excuser du dérangement qu’elle causait et remercier Rogan de sa gentillesse. Ni le familier, ni même Tristan n’auraient songé à qualifier leur acte de « gentillesse » et Tristan se demanda vaguement de quel droit ils allaient se livrer à ce rapt. Il haussa les épaules puis s’immobilisa à nouveau lorsque Rogan, qui précédait la femelle, passa devant lui en lui adressant un clin d’œil. Tristan se retint de justesse de lui grogner dessus. Mais, lorsque la jeune femme passa à son tour, tout près de lui, il dut se faire violence pour ne pas pousser un gémissement. Le déplacement d’air qu’elle provoqua en passant devant lui apporta son odeur, qui le troubla bien plus qu’il ne l’aurait souhaité. Derrière son eau de toilette, légère, il perçut très nettement son arôme à elle et c’est celui-ci qui le bouleversa, une douce senteur de fruit des bois, point trop sucrée, juste… parfaite. Serrant les poings et fermant les yeux pour se contrôler, il ne put voir le visage de Sélène, ni sa silhouette, ni son léger déhanchement lorsqu’elle monta les escaliers. Il se prit à se demander si ses lèvres et sa peau avaient le même goût avant de se morigéner et de se promettre de ne jamais tenter de le découvrir. Il n’avait aucune intention de laisser une quelconque intimité, ni aucune complicité s’installer entre eux. S’il avait besoin d’un ersatz de tendresse, Mathilde le lui procurerait et cela lui suffirait. Il s’en accommodait déjà depuis tant d’années sans éprouver de manque. Ayant obtenu selon lui, un précieux renseignement sur celle qu’il considérait d’ores et déjà comme son ennemie, il mit au point son plan de défense tout en montant à son tour les marches pour rejoindre ses appartements. Il ferma sa porte d’un vigoureux coup de pied, puis se déshabilla tout en se dirigeant vers sa luxueuse salle de bain, laissant ses vêtements là où ils tombaient. Nullement gêné par le froid qui régnait dans la pièce, Tristan prit cependant une douche très chaude qui détendit les muscles noués de sa nuque et de ses épaules. Sa fatigue n’était pas due à ses activités de la journée, mais plutôt à la lassitude à laquelle sa longue existence le vouait, comme chacun des membres de sa famille. Une serviette nouée autour de la taille, Tristan se laissa aller à s’observer après avoir essuyé la buée qui troublait son reflet sur le miroir de sa salle de bain. Satisfait de l’image peu avenante qu’il offrait, ses lèvres s’étirèrent en un sourire sardonique, impression de férocité renforcée par ses deux canines, plus longues que la normale et dont les pointes blanches dépassaient de ses lèvres lorsqu’il souriait, ce qu’il évitait de se permettre en présence d’humains. Cela étant, sourire n’était pas non plus une habitude chez lui et ce depuis longtemps. Depuis…
Lorsque Rogan pénétra dans la chambre, sans y avoir été invité (ce qui valut au familier une remarque acerbe dont il ne tint aucun compte), Tristan était occupé à attacher ses lourdes bottes. Tristan s’habillait tous les jours de manière identique. Invariablement vêtu de noir, il affectionnait les pantalons en cuir, qu’il portait à même la peau, les pulls en hiver, remplacés par de simples t-shirts le reste de l’année, et avait une belle collection de bottes de moto. – Tu aurais pu faire un effort ! le gourmanda Rogan ce qui lui valut un regard noir. Ce n’est pas ainsi que tu la séduiras. Si elle te voit comme ça elle va s’enfuir à toutes jambes ! – Si seulement, chuchota Tristan pour lui-même. Mais je n’ai aucune intention de la séduire, s’esclaffa-t-il. Je suis comme je suis, un point c’est tout. – Tu aurais tout de même pu te raser ! Tu ressembles à… à un ours ! Tristan leva un sourcil et observa son ami qui lui s’était mis sur son trente-et-un. Vêtu également d’un pantalon en cuir, quoique beaucoup plus moulant que le sien, il avait attaché ses longs cheveux noirs et arborait une splendide chemise en soie d’un bleu/violet qui rappelait étrangement la couleur de son regard. Le chatoiement irisé du tissu avait de plus le même curieux reflet rouge que les iris de Rogan prenaient parfois. La pensée que la femelle qui allait probablement devenir sienne pour quelque temps puisse tomber amoureuse de Rogan effleura son esprit. Cette idée, tout à fait séduisante sur le moment, lui déplut la seconde suivante, sans qu’il puisse déterminer pourquoi. – Toi, en revanche tu t’es mis en frais, rétorqua Tristan d’un ton recelant une pointe de dégoût. – Je veux juste paraître à mon avantage, d’autant qu’elle n’a pas été insensible à mon charme tout à l’heure, insinua Rogan en guettant la réaction de son ami du coin de l’œil. Il n’en eut aucune. – Ah oui ? répondit-il d’un ton neutre. – Oui, mais cela ne veut rien dire. Peut-être va-t-elle craquer sur toi quand même. Enfin, il faudrait qu’elle te voie nu parce que là elle ne verra pas grand-chose. Elle ne pourra pas apprécier ce que tes vêtements dissimulent. – Arrête ça immédiatement, gronda Tristan en tournant le dos à son ami pour se soustraire à son regard soudain gourmand. Je ne suis pas… Je ne suis pas comme toi. – Oh je sais, et j’en arrive à le regretter parfois, soupira Rogan dont le regard appréciateur glissait sur le grand corps de Tristan qui tentait de discipliner ses cheveux avec ses mains. Rogan se rapprocha silencieusement de Tristan. – Veux-tu que je t’aide ? chuchota-t-il d’un ton enjôleur directement dans son oreille. – Non, répondit simplement Tristan en se retenant de frapper son ami qu’il trouvait beaucoup trop proche de lui. – Tu devrais les attacher… – Fous-moi la paix ! – OK céda Rogan en s’écartant. Il se dirigea vers le lit au bout duquel il s’assit. Son regard fit le tour de la pièce et il ne put retenir une grimace que Tristan surprit. – Quoi ? – Tu comptes l’installer ici ? – Qui donc ? – Sélène. – Qui ? – Ah oui, c’est vrai, tu n’es pas au courant. C’est son prénom. – C’est une plaisanterie ? s’écria Tristan qui n’en croyait pas ses oreilles. – Absolument pas. C’est sympa comme prénom, tu ne trouves pas ? le provoqua Rogan, tout sourire. Tristan ne répondit pas et arbora un air renfrogné. – C’est une coïncidence, pensa-t-il. Un prénom, c’est juste un prénom, une ironie du sort, rien de plus. – Alors ? s’impatienta son ami. Tu n’as pas répondu. – Elle gardera sa chambre. Ce n’est pas comme si elle était ma… – Compagne ? Il est incapable de prononcer ce simple mot, se lamenta Rogan. Comment vas-tu t’y prendre pour l’obliger à rester parmi nous ? – J’avais pensé lui montrer ce que nous sommes dans un premier temps, puis lui dire ce que nous attendons d’elle, en précisant que si sa réponse est négative, elle deviendra l’une des nôtres. – Un chantage donc. – Exactement. – Il y aurait une solution moins cruelle, commença Rogan. – N’y pense même pas, répondit Tristan qui savait ce que son familier avait derrière la tête. S’il n’avait pas été lui, il aurait peut-être tenté de séduire la jeune femme, mais estimait cette manœuvre trop longue et dangereuse, et certainement beaucoup plus cruelle que celle qu’il avait imaginée. Rogan n’insista pas. – Tu pourrais déjà la rencontrer pour te faire une idée et décider ensuite. Tristan émit un grognement avant de répondre. - Dans mon bureau, d’ici cinq minutes, soupira-t-il. [justify] Quelques mots sur l'univers de Rayon de Lune
Dernière édition par Frederique de Keyser le Mar 9 Juil - 20:23, édité 1 fois | |
| | | Frederique de Keyser
Messages : 103 Date d'inscription : 12/09/2011 Age : 56
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Mer 14 Sep - 16:17 | |
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| | | Frederique de Keyser
Messages : 103 Date d'inscription : 12/09/2011 Age : 56
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Lun 24 Oct - 10:05 | |
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| | | Karen Admin
Messages : 12159 Date d'inscription : 10/07/2011 Age : 45 Localisation : Paris
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Lun 24 Oct - 10:53 | |
| Qu'est-ce que je suis pressée de finir mes SP (plus que 4 je vois le bout) pour le commencer!!!! | |
| | | Frederique de Keyser
Messages : 103 Date d'inscription : 12/09/2011 Age : 56
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Lun 24 Oct - 11:36 | |
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| | | Pallas athéna
Messages : 100 Date d'inscription : 12/11/2011 Age : 53 Localisation : Mégalithes de Ban Drochaid, Librairie Barrons§Bibelots, grotte de l'Ohio
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Dim 13 Nov - 14:15 | |
| Pour que les choses soient claires , on m'a reproché sur un autre forum de ne pas être objective car je connaissais l'auteure...Alors Oui je connais F. De Keyser et je ne vais pas m'en défendre car j'en suis très heureuse Son premier roman édité est une tuerie pour celles ( et ceux?) qui aiment cette catégorie. Comme tout premier roman on peut bien évidemment y trouver quelques maladresses mais l'ensemble est si bien écrit qu'il serait dommage de s'attarder sur ces quelques ( minimes) défauts. Mon avis: Une histoire "magique" belle et envoûtante...
Rayon de lune fait partie de ces livres qui se lisent d'une traite. Il vous sera, en effet,difficile de laisser de côté le mystérieux ( beau et sexy) Tristan ( "loup-garou" serait réducteur...) et la délicieuse, douce et rayonnante Sélène
L'histoire est un pur délice, ponctuée de scènes torrides qui vous laisseront haletantes. L'atmosphère captivante qui règne dans ce roman vous tiendra éveillé jusqu'au bout de la nuit...Rogan un démon terriblement sexy et non dénué d'humour apporte un côté rafraîchissant à l'histoire. On est intrigué par tous les personnages ....Gaïlen Tous les ingrédients chers à la Bit-Lit sont ici réunis: magie-sacrifice-amour contrarié- personnages "surnaturels" conférant à l'ensemble une belle harmonie. De plus, la fin nous laisse ( peut-être) envisager une suite...Qui sait? ( J'ose l'espérer) En toute objectivité, en tant que grande amatrice de littérature Bit-lit/Fantasy je recommande vivement la lecture de ce livre qui sans nul doute ouvre les portes d'un bel avenir littéraire pour notre auteure.
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| | | Frederique de Keyser
Messages : 103 Date d'inscription : 12/09/2011 Age : 56
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Dim 27 Mai - 19:45 | |
| Un commentaire sur Amazon qui m'a profondément émue C'est le 3° livre que j'enchaine (après les 2 Luxuria)tant la plume de l'auteure me captive, je suis totalement conquise par son style et ses intrigues, ainsi que par la manière qu'elle a de malmener ma sensibilité tout en la caressant langoureusement. A plusieurs reprises je me suis demandée si la douceur qu'elle dégage au travers des mots ne cachait pas une forme de sadisme émotionnel, si elle ne voulait pas révéler le petit côté sombre de notre personnalité, une petite tendance au masochisme qui sommeille en chacun de nous. Si elle ne voulait pas construire ses trames autour d'un thème inspiré par ces vers de Musset "les plus désespérés sont les chants les plus beaux, et j'en connais d'immortels qui sont de purs sanglots"! Ou encore, plus concrètement et plus terre à terre, si elle n'avait pas un contrat avec une agence de produits anti-cernes, car à chacun de ses livres, mes nuits ont été trèssingulièrement écourtées! Alors oui, il s'agit d'une romance paranormale et si l'on connait un tant soit peu les caractéristiques des loups-garous face à leur compagne, celle qui leur est destinée, on comprend l'attirance irrésistible qui les pousse l'un vers l'autre, on ne se pose donc aucune question! Pourquoi chercher le plausible dans une situation qui tend vers la magie de cette espèce? Si l'on veut du réel, autant lire une romance contemporaine! Or ici, ce n'est pas le cas, la présentation de l'éditeur est pourtant très explicite, nous connaissons d'emblée l'univers de ce livre, il nous suffit juste de nous y glisser de bonne grâce en acceptant le côté fantastique de l'histoire. Sélène, jeune femme apparemment banale, se rend dans le Morvan pour y répertorier toutes les légendes locales dans le cadre de son travail, mais son véhicule quitte la route l'obligeant à chercher de l'aide auprès de la seule habitation des alentours. Elle ne se doute pas de ce que le destin lui a réservé, faisant d'elle l'espoir de toute une race, au grand damn de Tristan, mâle alpha et Meneur de loups qui a volontairement banni l'amour de son langage et mode de vie. Sélène immédiatement sous le charme de cet homme séduisant mais bougon, va accepter de l'aider tout en sachant qu'elle ne doit rien attendre de lui. Il ne se gênera pas de lui rappeler sans cesse qu'il ne la considère que comme une pouliche reproductrice, et l'on peut dire que la pauvre humaine va en baver, encaissant coups bas sur méchancetés, oscillant entre espoirs désirs et désillusions, testant pour nous toute la gamme des sentiments les plus exacerbés d'un amour passionné, soutenue il est vrai par l'adorable Rogan, familier démoniaque de Tristan.Ce dernier d'ailleurs a beau se montrer cruel voire ignoble, on ne peut s'empêcher de comprendre ses motivations et espérer qu'il ne se laisse fléchir grâce au désir irrépressible qui le pousse malgré lui vers sa belle. Il ne faut pas s'attendre à beaucoup d'action ici puisque tout se déroule quasiment dans la demeure de Tristan, et pourtant que de rebondissements! Combien de fois ai-je eu mal pour Sélène, combien de fois me suis-je demandée si mon coeur allait finir par cesser de jouer sur les rails d'un Grand 8! A chaque fois qu'une lumière se profilait au bout du tunnel, ce n'était que pour mieux replonger dans les tourments subtilement concoctés par l'auteure qui là aussi n'est jamais en manque d'imagination, comme pour nous prouver que rien n'est acquis, que tout se mérite rien n'est gratuit, que tout ce qui ne tue pas rend plus fort, que si le chemin vers l'enfer est pavé de bonnes intentions, celui qui mène au paradis est couvert de roses aux épines toxiques et vénéneuses! Au début, je me suis demandée s'il s'agissait d'un roman Young adulte, le rythme étant léger, le langage simple et clair, les scènes sensuelles à peine abordées succintement! Mais au fur et à mesure, je me suis retrouvée happée par une angoisse soudaine, chavirée par l'intensité des émotions, troublée par l'intimité que partageaient Sélène et Tristan puisque ces fameuses scènes sensuelles, même si j'ai connu bien plus torride au niveau des description, sont empreintes de chaleur et de beauté, de pureté machiavélique plus leur relation s'intensifie! J'ai alors compris que cette histoire pouvait plaire à tout un panel de personnalité tant la conception de cette intrigue était magique, tant le talent de Madame de Keyser touche à différents dégré de notre émotivité, de nos rêves ou de notre vécu, de notre interprétation propre à ce qu'elle nous livre si généreusement! Encore un des ses romans qui m'a retourné les tripes, et dont certaines phrases ou situations viennent encore me titiller les sens bien après avoir achevé la dernière page. Pour moi, laplus belle et enrichissante découverte de l'année, un magnifique coup de coeur qui se confirme à chaque lecture! http://www.amazon.fr/review/R2H0WTN2Y0IB08/ref=cm_cr_pr_cmt?ie=UTF8&ASIN=B005POP3YY&nodeID=&tag=&linkCode=#wasThisHelpful | |
| | | filoute Modérateurs
Messages : 3469 Date d'inscription : 26/04/2012 Age : 49
| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune Dim 27 Mai - 20:42 | |
| tout a été dit précédemment mais je n'ai qu'une chose à rajouter, si jamais vous n'avez pas ce petit bijou: il est vraiment à ne pas passer à côté!! | |
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| Sujet: Re: DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune | |
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| | | | DE KEYSER Frédérique - Rayon de Lune | |
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