S’il est facile de parler d’un livre que l’on n’a pas aimé, c’est bien plus difficile avec un livre que l’on a adoré, qui nous a transporté, exalté… Il n’est pas évident de mettre des mots sur une émotion ou sur un ressenti.
Black-Out de Connie Willis est un grand Livre, un monument littéraire, qui nous parle d’héroïsme, de courage et de résistance, qui nous offre une autre vision de l’Histoire et de ceux qui en ont écrit les plus grandes pages… Parfois célèbres, souvent inconnus,
Blitz leur rend un vibrant hommage.
Simple et touchant, la dernière page tournée, on a la certitude d’avoir entre les mains un véritable chef d’œuvre !
En 2060, le métier d’historien n’est plus exactement celui d’aujourd’hui : terminées les recherches dans des livres poussiéreux, les fouilles en plein soleil, les traductions infernales d’incunables ou encore l’élaboration de grandes théories à partir de maigres indices. Dans le futur, les historiens sont des voyageurs du temps. Ils se rendent sur le terrain, se mêlant à la population, plongeant au cœur des événements pour mieux les appréhender. Comme toutes les précautions sont prises pour qu’ils ne prennent aucun risque, leur plus grande crainte reste celle de perturber le cours de l’Histoire. Ils doivent se contenter d’observer, à l’écart des points de divergence et des zones dangereuses grâce à des implants qui contiennent toutes les données indispensables pour la période dans laquelle ils atterrissent.
Dans
Black-Out, nous allons suivre les aventures de trois historiens d’Oxford partis explorer l’Angleterre de 1940, en pleine seconde guerre mondiale. Eileen (de son vrai nom Mérope) est à la campagne anglaise pour s’occuper des enfants évacués. Elle est aux prises avec des garnements qu’il faut rassurer, distraire et surveiller, pas vraiment la mission la plus palpitante du monde… Ce qui est loin d’être le cas de celle de Mike (Michael). Il se rend à Douvres pour observer l’évacuation de Dunkerque (
Wikipedia ), cependant, suite à un décalage temporaire et spatial, il se retrouve finalement à Saltram-on-Sea, trois jours après la date prévue. Il doit à tout prix se tenir éloigner de Dunkerque, point de divergence bien trop risqué mais comme souvent, les choses ne se passent pas vraiment comme prévues… Polly est une historienne-voyageuse chevronnée malgré son jeune âge (25 ans). Elle a obtenu l’autorisation de se rendre à Londres, en plein cœur du Blitz. Elle est curieuse de voir comment les Londoniens se sont adaptés au Black-Out, au pilonnage intensif de la Luftwaffe, l’aviation allemande, sur la capitale et surtout comment ils ont fait pour tenir bon malgré la peur, le rationnement et le chaos. Elle laisse à Oxford le jeune Colin, fou amoureux d’elle qui cherche par tous les moyens à lui plaire, l’aidant avec dévotion à préparer ses missions. Il lui fait d’ailleurs une promesse : quoi qu’il arrive, il sera toujours là, prêt à partir à son secours quitte à braver les bombes et les Allemands…
Mais nos trois historiens vont vite s’apercevoir qu’en temps de guerre, tout peut vite déraper et qu’on ne peut pas toujours se contenter d’observer, qu’à un moment, il faut aussi faire preuve de courage et s’engager, lutter… au risque d’être coincé dans une époque et même, de perturber à jamais l’Histoire.
Cette année, j’ai découvert et aimé un grand nombre de livres mais peu m’auront laissé un tel sentiment, entre admiration et fascination, en permanence au bord des larmes.
Black-Out a pris possession de moi, a accompagné ma vie pendant une semaine, me poussant à réfléchir, à m’interroger sur le rôle que tout à chacun joue dans l’Histoire de notre monde, de notre temps. J’ai éprouvé le besoin d’en parler avec tous ceux que je croisais, sans parvenir vraiment à mettre des mots sur ce que je ressentais, sur ce que je vivais. Je ne suis pas coutumière des livres de science-fiction mais familière des livres historiques et celui-ci en est un, un grand, un vrai. Et toute la force de Connie Willis repose sur le fait d’avoir raconté une histoire simple et réaliste, celle des flegmatiques et héroïques anglais qui n’ont jamais perdu courage ni espoir durant la dure période du Blitz, sans chercher à l’embellir ou la rendre plus romanesque. Elle nous livre le récit de ces héros anonymes qui ont, chacun à leur manière, joué un rôle décisif dans le conflit mondial. Avec tendresse et chaleur, Connie Willis nous offre des personnages touchants et hyper attachants qui font notre fierté et pour lesquels nous nous enthousiasmons. Il y a dans cette non-résignation, dans cette solidarité, dans ce courage des londoniens ordinaires une telle leçon de vie, de générosité qu’à l’image de nos historiens, à un moment, on ne peut plus rester passif, à l’extérieur, on plonge, on s’engage et le roman en devient alors lyrique. «
Ne pas savoir. C’est la seule chose que les historiens ne comprendraient jamais. Ils pouvaient observer les gens de la période, vivre avec eux, tenter de se mettre à leur place, mais ils ne ressentiraient jamais ce qu’ils éprouvaient. Parce que je sais ce qui va se produire. » Mais lorsque l’Histoire déraille, nos historiens expérimentent à leur tour cette peur de mourir mais ce besoin d’espérer malgré tout, d’avoir la force de se tenir debout, de lutter encore et toujours. Et nous, pauvres lecteurs, on tremble et on pleure pour eux mais surtout, on croit en eux.
Connie Willis a une écriture atypique, faite de phrases courtes, percutantes et précises, qui mêle ironie et humour nous permettant de souffler dans un récit dense et sous tension. Elle maitrise à merveille le contexte historique et si l’on n'est pas familier de la période, il pourrait être utile de consulter quelques pages sur le Blitz pour mieux savourer le récit. La fin de ce premier tome est insoutenable et en même temps celle que l’on espérait mais dieu que cela va être dur de patienter pour avoir la suite…
Vous l’aurez compris,
Black-Out est un coup de cœur, un énorme. En amoureuse de cette période de l’Histoire, j’ai été conquise et embarquée totalement dans le récit. J’en ressors bouleversée et il me faudra un moment avant que ne retombe cette vive émotion…