Rencontre informelle avec Carina Rozenfeld
Nous avons passé un très agréable moment en compagnie de Carina Rozenfeld et de son fils Léo pour un goûter informel au Paradis du Fruit des Champs Elysées. Là, entre smoothies, milk-shakes et fruits, Carina a répondu à nos questions avec son enthousiasme et sa bonhomie habituels. C’est une jeune femme d’une grande simplicité avec qui on peut facilement bavarder et échanger. Nous avons ainsi longuement discuté de tout et de rien, des difficultés à se faire publier aujourd’hui, des vacances, de nos séries préférées… avant d’aller faire un tour sur l’avenue des Champs. Un certain jeune homme voulait absolument faire une halte à la Grande Récré.
Voilà ce qui ressort de cette rencontre…
Bonjour Carina peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore, nous parler de toi et de ton parcours ?
Bonjour !
Mon parcours a commencé en deux temps. Le premier, c’est en 2004, l’année où Lucille et les Dragons Sourds est sorti aux éditions Kryos. Un tout petit éditeur, une sortie très confidentielle, dirons-nous, mais de bons retours sur ce premier livre pour les enfants à partir de 8 ans et deux prix, quand même ! Cela m’a donné un souffle de motivation qui m’a donné à penser que je pourrais peut-être percer chez un éditeur plus important sur le marché du livre. Mon rêve : être publiée chez l’Atalante. C’est un éditeur qui me faisait vibrer à travers ses publications en SF depuis des années. J’ai donc repris Le mystère Olphite, un bouquin que j’avais commencé à écrire des années avant et je m’y suis remise sérieusement, avec, cette fois, la certitude que je pouvais y arriver. Le Mystère Olphite est sorti chez l’Atalante en mai 2008. Ça a été le véritable point de départ de mon parcours actuel. De cette parution a découlé des rencontres : Denis Guiot qui est le directeur de la collection Soon chez Syros, Constance Joly-Girard qui était avant chez Intervista, Glenn Tavennec chez Robert Laffont. Chaque rencontre a été porteuse de projets, de rêves et de livres… Une belle aventure en somme qui m’a entraînée jusqu’ici !
Certains vont te connaître avec Phaenix mais pourtant tu as déjà une longue carrière derrière toi, peux-tu nous présenter tes écrits, tes sagas…
Oui, cela fait quatre ans maintenant que je suis sérieusement dans le milieu de la littérature de l’Imaginaire, comme on l’appelle en France. J’ai écrit une dizaine de livres, qui s’adressent à des lecteurs plus ou moins jeunes, dont deux sagas : La Quête des Livres-Monde, qui est une trilogie qui va être rééditée entièrement chez l’Atalante en novembre 2012, suite à l’arrêt des éditions Intervista et Doregon, aussi chez l’Atalante.
Il y a aussi le Mystère Olphite, chez l’Atalante, Les Clefs de Babel, chez Syros collection Soon et deux mini Syros Soon qui s’adressent à un public un peu plus jeune. Et enfin Phænix, qui sortira en septembre dans la collection R.
Ce que j’aime avant tout, c’est ouvrir les portes de mondes ou d’histoires très différentes les unes des autres. J’aime le changement. L’écriture, pour moi, c’est comme la lecture, c’est la possibilité de voyages merveilleux, et j’aime partir dans des lieux différents à chaque fois. C’est passionnant, parce que c’est un renouvellement permanent, mais également un peu angoissant, parce que je me demande si mes lecteurs, qui ont aimé mes livres précédents, vont adhérer à ces nouveaux univers que je leur propose.
Mais je ne sais pas faire autrement, et je sais que les romans que j’ai envie d’écrire à l’avenir vont être encore très différents !
Pour compléter : tes goûts littéraires. Par exemple, pour mieux les situer, si tu devais n’emporter un jour pour une raison quelconque que 5 livres, ce serait lesquels ?
Argh, les questions que je déteste ! (
pardon Carina) Je lis beaucoup, autant que possible et c’est pour moi très réducteur de faire une telle liste parce que je sais qu’elle ne sera pas exhaustive et que je vais en oublier. Et après je vais regretter de ne pas avoir parlé de tel livre ou de tel auteur. Même si je ne lis pas que cela, j’avoue que ma préférence va, et cela depuis que je sais lire, vers les romans de SF, de fantasy ou de fantastique. L’imaginaire, pour faire simple. J’ai eu une grosse période Comic books, également, qui a fait naître ma passion pour les super héros, ce qui explique certainement que tous mes héros ont un pouvoir, quel qu’il soit. Avec les salons que j’ai la chance de fréquenter maintenant, j’ai la possibilité de découvrir de plus en plus d’auteurs que je lis, que j’aime… Donc, je vais rester assez vague et généraliste. Cinq livres à emporter ? Tsss, c’est passéiste comme question !
Je prendrai 5 Kindles bourrés à craquer de romans et je partirai dans un lieu où il y a du réseau pour les recharger ! Héhé…
Bien joué Carina ! Réponse parfaite et moderne Et si tu nous parlait de ton métier d’écrivain : tes méthodes de travail, tes lubies (chanson, place particulière, toujours le même mug ….) Hum, je vais décevoir, je n’ai pas vraiment de méthode, dans le sens où je n’ai pas d’habitudes précises. Mes journées se suivent et ne se ressemblent pas, donc je m’adapte. J’écris principalement chez moi, sur mon bureau (qui est dans le salon, je n’ai pas hélas pas assez de pièces pour faire autrement), mais je peux aussi travailler dans un café, ou une bibliothèque, dans le train… quand c’est nécessaire ou quand j’en ai assez d’être chez moi. Je n’aime pas la routine, et si je devais faire exactement la même chose tous les jours pour écrire, ça tuerait ma créativité, je crois. Donc, je n’ai pas de mug fétiche (je ne bois ni thé ni café, de toute façon), ni rien d’autre dans le genre… J’aime écouter de la musique pour écrire, mais plutôt des BO de films, ou du classique ou alors
Two Steps from Hell, des mélodies sans paroles, mais qui accompagnent bien les images que j’ai dans la tête. Parfois, au contraire, j’ai besoin de silence complet. Je suis également plus efficace l’après-midi ou la nuit. Je ne suis pas du tout du matin ! Par contre, je m’impose d’écrire un minimum obligatoire par jour. Même le week-end ! C’est la seule condition indispensable à mes yeux : être régulière.
L’aventure Collection R maintenant : comment en es-tu venue à travailler avec eux et à leur présenter le projet Phaenix. A ton avis pourquoi t’on-t-ils choisi ? Encore une fois, c’est une histoire de rencontre, une histoire humaine avant tout. Quand je travaillais avec Constance Joly-Girard sur la trilogie de la Quête des Livres-Monde, j’ai eu l’idée de ce roman et je lui en ai parlé, comme étant un futur projet possible pour l’après « Quête ». Elle a tout de suite été emballée par l’histoire. Sauf que Intervista s’est arrêté, et qu’il n’y a pas eu d’après « Quête »… Mais Constance était persuadée que l’idée de Phænix était bonne et a tenu à m’accompagner sur ce projet. Elle a joué le rôle « d’agent littéraire », elle a contacté divers éditeurs, avec le dossier de présentation que j’avais rédigé sur Phænix sous le bras. Elle a ainsi rencontré Glenn Tavennec, qui n’avait pas encore créé la collection R. Lui aussi a tout de suite aimé l’idée, le concept et quand il a créé sa collection pour Robert Laffont, il m’a contactée. J’ai de la chance : il avait aimé la Quête des Livres-Monde et me faisait entièrement confiance pour Phænix. J’ai commencé l’écriture du roman après un déjeuner avec Glenn et Constance, et l’aventure a vraiment commencé là. C’est un peu un rêve extraordinaire qui se réalise : à partir d’une idée, d’une conversation, arriver à être publiée chez Laffont, c’est incroyable !
Peux-tu nous présenter Phaenix ?
Comme je l’ai déjà dit, j’aime explorer des histoires très différentes les unes des autres, donc pour ceux qui m’ont déjà lue, Phænix est autre chose. Cette fois, j’ai voulu entrer dans le quotidien d’une héroïne, Anaïa, qui mène, a priori, une vie très ordinaire, bercée par ses cours à la fac, ses leçons de violoncelle, ses relations amicales. Mais dans son quotidien, de petits événements étranges s’insinuent presque à son insu. Ces événements prennent de plus en plus d’importance, pour lui révéler un destin différent de ce qu’elle imaginait au départ. C’est également une histoire d’amour, une histoire bercée de musique (vous pourrez écouter la playing list du roman tout en le lisant !), j’ai pris des cours de violoncelle pour être capable de parler de l’art d’Anaïa. C’est une histoire empreinte de symboliques, d’échos… Une histoire plus lente, plus intime. Evidemment, on y parle du Phénix, l’oiseau mythique, mais c’est avant une histoire humaine…
L’histoire se passe en France….
Oui dans le Sud, mais un Sud pas exactement défini, fictif. C’est en fait des images du Sud que je connais, des images qui m’ont marquées et que j’ai assemblées pour créer le Sud de Phaenix. C’est une région que je connais bien puisque j’ai vécu un an à Marseille, que je vais souvent chez mon oncle dans le Var, justement, et que j’y ai visité pas mal de collèges pour le prix des Incorruptibles.
Tu peux nous en dire plus sur Anaïa, ton personnage principal ?
Anaïa est une fille "normale". Elle pourrait être votre voisine ou votre meilleure amie. Et c’est quelque chose qui me tenait vraiment à cœur. J’ai lu Twilight et il y a une chose qui m’a gêné : c’est la vision de la femme que véhicule Bella. Elle n’a rien dans sa vie à part Edward et son père et ne veut rien d’autre. Elle se marie jeune et tombe aussitôt enceinte. Anaïa n’est pas du tout comme ça. C’est une fille normale qui a des copines, est très sociable, et a des passions. Elle ne se contente pas d’être amoureuse d’une personne extraordinaire. Elle est elle-même extraordinaire et c’est elle qui rend les gens autour intéressants. Elle n’est ni parfaite ni pleine de défauts, et c’est exactement comme ça que je la voulais.
Pourquoi Phaenix avec un « A » ?
Ah oui, bonne question !
Je ne vais pas tout révéler, mais disons que je voulais donner un autre sens au Phénix, et puis le æ ressemble au symbole du yin et du yang, il est double (et on va comprendre pourquoi c'est important), il comprend deux lettres (et là aussi on va comprendre pourquoi), ça donne aussi un air plus mystérieux au mot…
Une nouvelle, Âmes Soeurs, est sortie le 5 juillet comme préquel à la série. Est-ce un exercice qui t’est familier ? Quelle difficulté à écrire à la fois une nouvelle et un préquel (donner l’eau à la bouche sans en révéler trop) ?
Non je ne suis pas du tout habituée à ce genre d’exercice et pour être honnête, j’ai eu du mal ! Déjà, j’ai du mal à résumer l’histoire de ce livre sans trop en dévoiler, parce que si je veux expliquer de quoi ça parle, je suis presque obligée de raconter la fin… (et je ne vous raconte pas la difficulté que Glenn et moi avons eue pour rédiger le résumé du livre, pour les mêmes raisons !). J’espère que la nouvelle va donner l’eau à la bouche, en tout cas ! C’est un exercice périlleux, parce qu’il faut que cette petite histoire nous fasse entrer au cœur de l’histoire, tout en étant indépendante, donne envie sans en dire trop…
Et la couverture de Phaenix, comment la trouves-tu ?
Super ! Au début nous n’étions pas du tout partis sur ça. On pensait davantage à une illustration avec un oiseau, un phénix mais pas encore en flammes (avec des cendres pour faire penser au titre). Glenn a contacté un illustrateur américain mais ça n’a rien donné de concret. Puis Glenn est tombé par hasard sur une série de photos, Dust, d’Olivier Valsecchi, représentant des nus féminins et masculins qui jaillissent de la cendre. Il m’a envoyé la photo qui est sur la couverture et j’ai eu besoin d’un petit temps d’adaptation pour la relier au roman. Mais plus je la voyais et plus je me disais qu’elle était parfaite.
J’aime cette image qui donne l’impression qu’il est foudroyé en plein vol. Il est censé se consumer dans une espèce de douleur, de punition, et la maigreur apparente de l’homme sur la photo (mais elle est surtout due à sa position arquée) rend bien cette impression. Au début, on pensait couper l’image à la taille pour ne pas que le nu puisse choquer. Finalement, Glenn l’a gardée entière, ce qui est bien parce que la position de l’homme est superbe. On a juste placé le titre de façon stratégique (même si, franchement, sans lui, on ne voit déjà rien !
).
Enfin bref, je la trouve parfaite et très originale, elle casse un peu les codes des couvertures habituelles qu’on voit en YA.
Quand Glenn l’a révélée au public sur la page Facebook de la Collection R, j’étais au Imaginales. Je me souviens, nous étions jeudi, et j’ai passé la journée avec mon iPhone caché derrière ma pile de livres pour lire les différentes réactions. Même Glenn était très attentif, car choisir une telle image était vraiment un pari risqué. Et au final on a été vraiment enchantés des réactions.
Tu as écrit davantage de livres jeunesse jusque là, quelles différences fondamentales pour toi avec la YA ? Qu’est-ce que tu as apporté de nouveau à Phænix qui permettra de le « classer » davantage dans la YA que la littérature jeunesse ? Est-ce un exercice qui t’a plu ?
J’ai déjà écrit du YA avant, je crois. Pour moi, Doregon est clairement une histoire qui s’adresse à cette catégorie de lecteurs, parce que les héros ont plus de 20 ans et que l’histoire est quand même assez complexe, même si elle est peut-être plus axée sur l’aventure… Avec la Quête des Livres-Monde, je m’en rapprochais aussi… Du coup, je n’ai pas senti trop de différence quand j’ai écrit Phænix. Mon héroïne a presque 18 ans, elle porte en elle une part d’innocence et de naïveté, mais également une certaine maturité. J’ai fait appel à certains de mes souvenirs au même âge : mon entrée à l’université (à l’époque, j’ai fait un DEUG de géographie, mais le DEUG n’existe plus aujourd’hui !), mes après-midis à chanter dans un groupe de rock, j’ai fait 11 ans de musique, et j’ai injecté tout ça dans le personnage d’Anaïa et de ses amis.
En fait, je crois que je ne fais pas vraiment de différence, quand j’écris : j’ai une histoire à raconter, des personnages à construire, et de fait, tout découle de là. Une fois que j’ai défini l’âge de mes persos, leur attitude coule de source. Forcément, quand on a 10 ans, 14 ans, 17 ans ou 20 ans, les problématiques ne sont pas les mêmes, donc je n’écris pas pareil déjà, à la base. Ensuite, je vois aussi avec l’éditeur ce que je peux me permettre ou pas. J’ai beaucoup parlé avec Glenn pendant l’écriture du roman, et ça m’a aidé à fixer les limites de mon histoire (et l’avantage, c’est qu’il n’y en avait pas, de limite).
Je ne réfléchis jamais vraiment en termes de « à qui s’adresse mon livre ? », parce que j’ai des lecteurs de tous les âges, et que pour moi, un livre jeunesse ou YA s’adresse à tous, il n’y a pas de limite par rapport à la lecture « adulte », et c’est ce qui en fait tout son intérêt à mes yeux. On est là pour se faire plaisir, pour plonger dans une histoire, quel que soit l’âge que l’on a. Donc, je raconte mon histoire, dans le but d’offrir ces bons moments à la personne qui ouvrira mon livre, peut m’importe sa génération. Ma mère lit mes livres et elle en a lu plusieurs de la Collection R et elle n’est plus tout à fait dans la cible YA. Mais elle prend du plaisir à les lire. C’est dans cette optique que j’écris. La façon dont on catalogue mon livre m’importe peu, pour tout avouer.
Où en es-tu de l’écriture du second ? Une date de parution déjà ?
Hum, à l’heure actuelle, je n’ai pas commencé à écrire le tome 2 Je suis en train de terminer un autre projet. Mais cela fait partie de mon programme pour cet été ! Si tout va bien et si j’arrive à être dans les temps (et je vais tout faire pour), le second tome devrait sortir en mars 2013, ce qui fera six mois entre les deux tomes. C’est un écart raisonnable, même si je me doute que vous allez avoir envie de me tuer une fois le premier tome terminé ! Hahaha. Mais j’ai les idées, des scènes très précises en tête, mes personnages sont très « vivants », donc c’est plus facile à écrire, quand c’est comme ça. Contrairement au premier tome, je les connais déjà, ils sont là, ils sont construits et ils existent. Les mots et les situations coulent de source quand c’est comme ça…
La soirée anniversaire de la Collection R était importante puisque c’était un peu ta première apparition officielle pour Phaenix. Qu’est-ce que tu en retiens ?
J’étais super stressée mais au final j’ai passé un très bon moment ! Tous les gens que j’ai rencontrés étaient sympas. Et c’est bien que cela se soit passé dans ce cadre informel. J’ai parlé de Phænix et de bouquins mais pas que ça. À un moment, on a même fait un moment un concours de chats en nous les montrant sur nos téléphones avec quelques blogueuses. C’était super drôle et sympa.
Tes projets ?
Oh ils sont nombreux ! Je suis en train de terminer un roman de SF qui devrait sortir chez Syros, si tout va bien, en 2013, la reparution de la trilogie de la Quête des Livres-Monde avec le tome 3, qui est inédit en novembre 2012. J’ai deux idées de romans qui se construisent doucement dans mon esprit… Je ne sais pas encore ce que ça donnera, ce ne sont que des embryons d’histoires, mais je ne suis pas pressée, j’ai beaucoup de choses à faire avant de m’y attaquer. Bref, avec un peu de chance, on risque de se revoir encore…
J’espère vraiment que cette aventure va m’ouvrir quelques nouvelles portes et possibilités. Ce qui m’intéresse surtout c’est acquérir assez de notoriété pour pouvoir continuer à offrir de belles histoires et travailler un jour avec des gens que j’admire…
Un grand merci à Carina et Léo pour cette après midi super sympa !