Rencontre avec Carina Rozenfeld et Glenn Tavennec
Samedi 16 juin, la
Librairie Labyrinthes à
Rambouillet organisait une rencontre avec
Glenn Tavennec et Carina Rozenfeld. Cette librairie indépendante est spécialisée en Littérature, Jeunesse, Science-Fiction, Policier, Livres d'art. C’est un lieu magique pour les fous de lecture, on trouve toutes les dernières sorties en
YA, Bit-Lit, SF, Fantasy … et surtout, il y a toujours une oreille attentive pour un conseil, un avis franc et honnête sur un livre. C’est une Librairie, une vraie avec un grand L ! Un grand merci à toute l’équipe pour cette superbe rencontre.
Glenn Tavennec est le directeur de la
Collection R chez
Robert Laffont consacrée à l’imaginaire dans le segment
Young Adult. Il avait travaillé auparavant 7 ans chez Pocket Jeunesse, ce qui représente tout de même 800 livres publiés dont la fameuse trilogie
Hunger Games ! Il a participé aussi au virage à 360° pris par la maison d’édition jusque là spécialisée en format poche vers des inédits en grand format. C’était un pari des plus risqués.
C’est à peu près à ce moment-là qu’est née l’idée de ce qui allait devenir la
Collection R. Il a présenté un projet « clefs en main » au PDG de Robert Laffont avec une volonté affichée de travailler avec cet éditeur.
Au bout d’une heure, il est ressorti avec un grand OUI et c’était le début d’une immense et rapide aventure. En effet, les premiers titres sont sortis en janvier 2012 soit un an après le début du travail sur la collection ! En France, contrairement aux pays anglo-saxons et à la majorité des pays européens, le secteur
Young Adult n’est pas encore considéré comme de la « vraie », « grande » littérature et en écrire ou en éditer, cela ne fait pas sérieux (on est d’accord, c’est stupide quand on voit la qualité de certaines publications en YA, mais cela change petit à petit).
La
Collection R est différente de ce que l’on trouve à l’heure actuelle : pas de vampire, de loup-garou ou de zombie. Elle se veut une passerelle entre les générations pouvant plaire aussi bien aux adolescents qu'à leurs parents. A travers la lecture, elle incite à un dialogue transgénérationnel, à créer un véritable lien familial. Elle brise aussi les codes de l’édition française avec notamment des couvertures différentes de ce que l’on voir un peu partout. Sur 800 manuscrits reçus et 600 lus, seuls les coups de cœur des coups cœur ont été retenus.
Comme le souligne le libraire qui nous accueille, la
Young Adult est un type de littérature qui ne se camoufle pas derrière des ambitions philosophiques, qui ne veut pas changer le monde mais c’est une vraie lecture-plaisir, on passe un bon moment, on est ailleurs, on s’évade un temps et c’est comme une drogue, on a besoin de notre dose chaque semaine.
Ce qui est fou, c’est qu’aux États-Unis, les rayons YA sont installés bien en vue, ils sont un vrai pont entre les différents rayons plus adultes (littérature générale, fantasy, bit-lit,…) et surtout, ils intéressent autant un public féminin que masculin, jeune ou plus âgé. D’ailleurs, le secteur
Young Adult est passé devant la littérature générale en terme de ventes aux États-Unis et il explose aussi en Italie, en Espagne…
Ce qui plait vraiment à Glenn, c’est d’offrir des livres qui traitent de l’étape cruciale de la vie qu’est le passage à l’âge adulte, sur comment devient-on adulte et comment parvient-on à pleinement s’accepter. C’est pour cela aussi que la littérature YA plait à tout le monde. Les adultes on l’impression de rajeunir lorsqu’ils en lisent et les ados ont la sensation qu’on ne les traite pas en jeunes mais en adultes.
La problématique en France, c’est donc de parvenir à capter le lectorat masculin et de dépasser la barrière de l’âge. C’est l’intérêt aussi pour la Collection R d’un titre comme
Kaleb. Si par erreur ce livre se retrouvait dans un rayon adulte, ni la couverture, ni le résumé ne seraient un frein, il n’y aurait en fait aucun problème à l’acheter. C’est un vrai livre différent car on se trouve face à un personnage qui prend plaisir à faire le mal, sans regret, un vrai méchant. Kaleb est un beau gosse de 19 ans, un brin bad boy qui a perdu sa mère à la naissance et qui a été trimballé de pays en pays. Un jour, suite à l’irruption d’un volcan en Islande, il se retrouve avec un don : l’empathie. Et il manipule les émotions pour se servir des gens. C’est une manière totalement nouvelle de traiter l’empathie en basculant du côté obscur du don. On est bien loin de la vision classique du héros ou du super héros avec des supers pouvoirs qui veut sauver le monde. A noter que si l’on veut en apprendre plus sur l’auteur francophone et sur qui se cache derrière le pseudonyme de
Myra Eljundir, il nous faudra jouer les Sherlock Holmes du net …
Les livres de la Collection R ne sont pas moralisateurs, ils n’offrent pas la vision habituel du prince charmant et des contes de fée, ils sont bien plus féministes. Glenn trouve notamment la vision de la femme véhiculée par Bella dans Twilight assez terrifiante : pas de sexe avant le mariage, toute sa vie qui tourne autour d’un homme et un bébé dès la nuit de noce...
Avec
La Sélection de Kiera Cass, on a une histoire de princesse charmante, une jeune fille forte qui se retrouve dans une situation qu’elle n’a pas voulu et qui va devoir lutter. On est dans un esprit très télévisuel. La série est d’ailleurs adaptée par CW (qui produit aussi The Vampire Diaries et Gossip Girl) et le tome 2 sortira en même temps que le série, soit en avril 2013.
Les lecteurs ont besoin de se réinventer un imaginaire, ils ont envie de livres plus visuels, plus dynamiques dans lesquels ils peuvent plus facilement entrer. C’est une nouvelle façon d’appréhender la littérature. Il faut que le livre parle à l’inconscient, qu’il s’inscrive dans un imaginaire durable, à l’image de
La Nuit des Temps de Barjavel.
Cela a été ensuite au tour de
Carina Rozenfeld de nous parler du tome 1 de
Phaenix,
Les Cendres de l’oubli qui sort le
6 septembre.
Tout d’abord, une question que tout le monde se pose : qu’est-ce que cela fait d’être publiée chez un grand éditeur comme Robert Laffont ?
"C’est exaltant et stressant à la fois !
J’ai déjà été publiée mais dans des maisons qui n’avaient pas la même capacité de visibilité que Robert Laffont. J’ai eu de nombreux prix pour mes livres, notamment le Prix des Incorruptibles deux années de suite pour la même catégorie (une première dans l’histoire du prix !) ou celui des Imaginales des collégiens. Mais être chez Robert Laffont, cela ouvre de nouvelles portes. Mais en même temps, on est super exposé, attendu et c’est angoissant. Mais heureusement, j'ai un éditeur qui me porte et me soutient."Carina a eu l’idée de
Phaenix il y a un moment, à l’époque où elle écrivait
La Quête des Livres-monde. Glenn a eu le courage de lui dire oui et de lui faire confiance alors qu’elle avait une idée et un ou deux chapitres seulement. Elle voulait écrire une histoire d’amour avec une héroïne à l’opposé de Bella dans Twilight qu’elle a envie de gifler tant elle l’énerve en laissant tout son univers tourner autour d’Edward, en étant juste bonne à aimer Edward. Elle voulait une héroïne forte avec des passions, des amis, une vie sociale.
Anaïa vient de déménager dans le Sud de la France avec ses parents. Elle a une passion pour la musique et le violoncelle. Carina a d’ailleurs pris des cours de violoncelle pour mieux appréhender les émotions et les ressentis de son personnage. Elle adore aussi le théâtre et rentre en licence de lettres modernes à la fac. C’est une jeune fille qui a plein d’amis, qui sort, qui téléphone, qui va sur facebook, chaque chapitre commence d’ailleurs par un statut facebook. En somme, c’est une jeune fille normale sauf qu’elle a oublié qui elle est vraiment. Car elle est quelqu'un, quelque chose d'autre... Elle fait un rêve récurant qui se complète et se précise de nuit en nuit, de mystérieux grains de beauté apparaissent dans une de ses paumes et une succession de petites choses viennent la perturber, des événements fantastiques qui s’inscrivent dans son quotidien. Deux garçons débarquent dans sa vie, ils se complètent, l’un est sombre et l’autre lumineux. Ils lui tournent autour et ils la connaissent mais ne répondent pas pour autant à ses questions. Mais attention, il n’y a pas de triangle amoureux dans
Phaenix. Pour nous faire patienter jusqu’en septembre, une
nouvelle inédite de
Phaenix, indépendante du livre, sera proposée en format numérique au mois de
juillet.
Je dois bien avouer qu’après avoir entendu Carina nous parler de son livre, j’ai encore plus envie de le découvrir et de percer les mystères d’Anaïa.
La Magnifique couverture du livre a déjà fait le buzz sur internet et l’on attend avec impatience juillet d’abord puis le 6 septembre ! Carina nous as déjà séduits avec
La Quête des Livres-monde et la trilogie
Doregon, nul doute qu’il en sera de même avec
Phaenix.
Glenn a ensuite parlé du rythme des parutions de la Collection R. Il y aura une moyenne de 1
2 livres par an et les suites sortiront dans un
intervalle de 6 mois. Le tome 1 de
Starters de Lissa Price était sorti simultanément aux USA et en France, le tome 2 fera encore mieux puisqu’il sortira en France en novembre alors qu’il sort aux USA en avril 2013. Il faudra donc patienter seulement 6 mois pour avoir les suites de Kaleb
, de NightSchool et de Starters, un an pour la suite de
La couleur de l’âme des Anges de Sophie Audouin-Mamikonian.
La
Collection R a fait le choix de privilégier la qualité et l’originalité des livres plutôt que la quantité. A l’heure où bon nombre de mauvais livres sont en rayon, on ne peut que saluer l’initiative, surtout en temps de crise ! Ils ont aussi signé avec 3 auteurs français, ce qui est un pari risqué mais qui réjouit d’avance les lecteurs. C’est certes plus difficile pour assurer la promotion car on ne peut pas dire « allez-y, ce livre a eu un énorme succès aux USA, 5 millions d’exemplaires vendus ! ». Glenn a eu cette métaphore : faire un livre, c’est comme faire une maison, si on rogne sur l’humain, on a une maison branlante. Si au contraire, on investit sur l’humain, on a une maison solide, stable. Chez Robert Laffont, les auteurs et traducteurs sont bien traités, respectés, considérés et … bien payés !
Il nous a ensuite parlé de
Confusion. Un livre de Cat Clarke qui a bouleversé l’Angleterre et qui est très attendu en France. Si ce livre peut sauver ne serait-ce qu’une vie, il sera content : Une jeune fille, Grace, se réveille dans une salle blanche, avec seulement une table, une chaise, des crayons et des feuilles blanches. Elle ne sait pas où elle est ni pourquoi, n’a plus de souvenirs, si ce n’est celui d’avoir voulu se suicider la veille dans un parc et d’y avoir rencontré un étrange garçon. Son geôlier lui dit simplement qu’elle sera libre quand elle aura écrit toute sa vie. C’est un thème fort que Glenn voulait voir aborder dans la collection. De plus en plus d’adolescents mettent fin à leurs jours et de plus en plus jeunes aussi. Qui n’a pas eu à pleurer un ami trop tôt disparu et dont le départ nous hante encore? Le livre est présenté sous forme d’un journal, jour 1, jour 2,… C’est un mix de Gayle Forman avec Skins (détonnant !). Mais c’est aussi un livre sournois : la fin est un tel retournement, un peu comme celle surprenante du film
Le Sixième Sens qu’on est pris d’une folle envie de relire le livre d’un regard neuf pour relever les indices, voir ce que l’on a loupé. C’est un livre qui prend aux tripes, qui nous fait passer par tout un tas d’émotions, haine, amour, empathie… Bref, c’est un livre qui ne laisse pas indifférent et qui en plus ouvre le dialogue entre adultes et jeunes autour d’un sujet douloureux, le suicide. Je ne sais pas vous, mais là, j’ai juste envie de le lire !!! En plus, nous avons pu voir une vignette de la future couverture qui est juste sublime, bien plus belle et poétique que la version anglaise.
Deux autres livres de Cate Clarke sortiront aussi dans la Collection R : l’un parlera d’un groupe de jeunes livrés à eux-mêmes dans une situation qui dégénère violemment. Toujours dans un esprit assez trash. Il s’agit certainement de Torn qui est aussi un énorme succès en Angleterre et dont les avis dithyrambiques donnent juste envie de le dévorer. L’autre livre traitera d’un sujet qui nous tient particulièrement à cœur au Boudoir : l’homosexualité. On n’en sait pas plus, si ce n’est que le héros est gay et que l'auteur est en train de l'écrire. Promis, on va suivre cela de très près !
La
Collection R est décidément différente des autres collections YA. Elle a fait le choix de nous offrir des livres aux thèmes forts, variés et audacieux. C’est un pari risqué mais un pari payant. C’est une collection qui ne lasse pas, qui surprend toujours, qui nous fait vibrer ou trembler, bref qui nous faire vivre les livres !
Dévorons
Kaleb, titillons notre curiosité avec la nouvelle de Carina en juillet avant de plonger et de savourer
Phaenix, Les cendres de l’oubli le 6 septembre.
Merci à
Carina et à
Glenn pour leur gentillesse, leur entrain et leur disponibilité. Nous avons passé un merveilleux moment tout en découvrant un peu mieux cette belle Collection R.