JOHNSON Alaya Dawn - Le Prince d'été

Le Prince d'été
Alaya Dawn Johnson

Collection R
Sortie le 28 Mars

Il y a quatre cents ans, le monde tel que nous le connaissons a connu une fin tragique. Désormais, dans la légendaire ville-pyramide de Palmares Três, ce sont les femmes qui dirigent la société. La Reine ne cède le pouvoir à un homme qu’une fois tous les cinq ans, un Prince d’été dont l’histoire enfiévrera la cité le temps d’une année. Pour June Costa, la jeune héroïne de ce roman, la vie n’est qu’art. Ses oeuvres géniales impressionnent, voire irritent ses professeurs tout autant que ses camarades. Quand elle rencontre Enki, fraîchement élu Prince d’été, elle
reconnaît en lui un artiste total, comme elle. Ensemble, June et Enki décident de créer un chef-d’oeuvre qui restera gravé à jamais dans les annales de Palmares Três, attisant la flamme rebelle qui se lève contre les restrictions anti-technologie qu’impose le gouvernement matriarcal. Mais June va bientôt tomber profondément et tragiquement amoureuse d’Enki. Or, à l’instar de tous les Princes d’été qui l’ont précédé, Enki doit être sacrifié…

La Collection R nous avait promis un roman unique, complètement original et qui ose dépasser les tabous. Et c’est exactement ce qu’est Le Prince d’Eté. Il ne ressemble à nul autre. Au premier abord, en pense avoir en main une énième dystopie young-adult avec un triangle amoureux, ce qu’il est. Mais en même temps, c’est tellement plus que ça, si éloigné des codes habituels du genre, qu’on ne pense plus très vite ni en terme de « dystopie » ni en celui de « triangle amoureux ». On ne fait que savourer la beauté des mots, et se perdre dans les sons et les images qu’ils font naître en nous. Juste sublime !

Il y a près de quatre siècles, le monde a été en partie décimé par des cataclysmes nucléaires et naturels. Au Brésil, des survivants se sont rassemblés sur la côte, à Palmares Três, et ont reconstruit une ville pyramidale qui symbolise la société utopiste, hiérarchisée et matriarcale dont ils ont rêvée. A la base, c’est le verde du nom des algues vertes qui pullulent et qui diffusent une horrible puanteur. C’est là que vivent les plus pauvres. Au huitième niveau, les nantis forment une sorte d’aristocratie et prennent en charge les leviers du pouvoir. Et au sommet, la Reine et les Tantes dirigent la Cité d’une main de maître. En plus des distinctions par la naissance et la fortune, la ville se divise clairement entre les Wakas, les jeunes qui ont soif de libertés et d’aventures, et les Grandes, les « adultes » qui, pour certains, ont plusieurs centaines d’années, et qui représentent davantage la tradition et le conservatisme. Car si le monde de Palmarès Três ressemble par certains points à des civilisations amérindiennes, on a aussi ici l’apport non négligeable de la technologie. La pyramide repose sur des araignées métalliques, tandis que la sécurité est assurée par des Bots et que les gens possèdent des mods et des bionanobots pour augmenter leurs capacités.
Mais ce qui fait vraiment la spécificité de Palmares Três c’est l’étrange tradition du Roi d’Eté. Tous les cinq ans, un Roi d’Eté est choisi parmi les volontaires. Il règne aux côtés de la reine en tant que consort durant une année au terme de laquelle il est égorgé des mains mêmes de la reine au cours d’une cérémonie publique. Et dans son agonie, il lui incombe de désigner la future reine « par le verbe, par le geste ou par le sang », un moyen de déclarer que la reine est désignée par la grâce divine et assurer ainsi davantage sa légitimité et sa prééminence.

June Costa a 18 ans et vit au huitième niveau avec son ami de toujours Gil. June ne vit que pour et par l’Art. Elle se considère d’ailleurs comme la meilleure artiste de tout Palmarès Très. Elle passe son temps à graffer, à dessiner, à créer des holos (des images en 3D mobiles), des spectacles de sons et lumières, à danser… Faire jaillir son Art lui est devenu indispensable. C’est pour elle le seul véritable moyen de s’exprimer pleinement. Gil quant à lui est surtout un incroyable danseur. Il peut se déchaîner aux rythmes de la samba ou de la capoeira durant des heures sans se fatiguer ou perdre de sa grâce.
Cette année-là, un événement exceptionnel se prépare. Un nouveau Roi d’Eté va être élu. Et parmi les trois derniers candidats se tient Enki, un jeune homme magnifique très noir de peau et qui en plus est originaire du verde. Autant dire qu’il n’a rien à faire là et pourtant… Il obtient d’emblée le soutien des wakas et notamment de June et Gil. June voit en lui son pendant masculin, le seul être capable à exprimer autant d’Art qu’elle, à le manier et le comprendre. Mais le soir de son intronisation, June voit Enki et Gil tomber amoureux l’un de l’autre en direct. Elle est jalouse mais en même temps heureuse pour eux. D’autant qu’elle aura aussi l’occasion de fréquenter longuement Enki qui décide de l’aider dans ses projets artistiques…

Le roman se divise en quatre périodes, les quatre saisons de règne –et de vie – du Roi d’Eté. Chaque saison est écrite de façon continue, sans divisions en chapitres, pour mieux montrer la cohérence des choses et leur cheminement logique. June est la narratrice de l’histoire, mais de temps en temps, son récit est interrompu par Enki qui s’adresse à elle et lui explique ses choix et sa vision des choses. Gil est donc un peu laissé pour compte il faut l’avouer.
La grande force du roman est avant tout l’écriture d’Alaya Dawn Johnson. Tout coule de source et elle a un incroyable pouvoir évocateur. Grâce au rythme soutenu et dynamique, on ressent avec acuité l’urgence des choses, de la vie d’Enki qui s’écoule dans un compte à rebours insupportable, on entend constamment les rythmes endiablés de la Salsa et de la Bossa Nova, on imagine les danseurs, leurs rythmes et leurs acrobaties, on visualise les couleurs chatoyantes du Brésil et la population très cosmopolite qui vit dans la cité.
C’est aussi jouissif de lire un roman Young-Adult dans lequel l’héroïne n’est que le troisième élément d’un couple gay. D’autant plus qu’on ne peut s’empêcher d’avoir cette réflexion alors qu’elle ne découle en rien du roman en lui-même. Alaya Dawn Johnson nous narre une société où les questions de sexe sont évoquées librement, sans aucuns tabous, où les gens sont tout naturellement bisexuels et où personne ne se pose la moindre question sur la légitimité ou non de tel partenaire à cause de son sexe. On est attiré par l’autre et c’est tout, c’est normal. Et ce n’est qu’en tant que spectateur externe, issus de la pure tradition judéo-chrétienne, qu’on trouve ça extraordinaire… Il en est de même pour la diversité raciale et culturelle qui est tout aussi bien amenée. Quel meilleur exemple alors que le Brésil, terre de métissages par excellence.
La seule chose qui m’a un peu chagrinée, c’est la fin que j’ai trouvé un peu précipitée. J’aurais aimé en avoir plus, avoir plus de détails, plus de leurs ressentis sur les derniers événements.

C’est donc un roman complètement atypique qui nous est enfin proposé, écrit d’une main de maître, avec un univers complexe et abouti, qui ne pourra que plaire aux amateurs du genre et à ceux qui veulent sortir des sentiers battus. C’est un roman qui gagne absolument à être connu et reconnu et on ne peut que le recommander!

Le rêve ultime serait que ce roman soit adapté au cinéma pour une véritable fête des sens. On en prendrait plein les yeux et les oreilles et le rendu ne peut être que magnifique !

Un livre où il ne passe rien, pas la moindre petite scène d'action. Des personnages auxquels je n'accroche pas du tout, un univers complexe ( parfois même un peu trop complexe pour que je comprenne les choses correctement ), je pense que c'est aussi dû un amas d'informations dès le début du roman. Et surtout, un livre qui parle d'Art et de la manière dont on peu l'apprécier ...Bref, un sujet auquel je dois le dire je suis totalement hermétique. Mais ça, c'est mes goûts personnels.