CROWLEY Cath - Grafitti Moon

Grafitti Moon
Cath Crowley

Sortie le 3 Janvier 2013

L’Ombre et le Poète, deux mystérieux garçons, peignent la nuit des graffs sur les murs de la ville. Lucy, 17 ans, est si fascinée par l’Ombre qu’elle s’en croit amoureuse. Un soir, elle décide de partir à sa recherche. Ed se propose de l’accompagner dans sa balade nocturne. Lucy accepte à contrecœur car au cours de leur seul et unique rendez-vous, elle lui avait accidentellement cassé le nez, et depuis, elle l’évite comme la peste. Entre disputes, éclats de rire, discussions passionnées, bagarres et fuite à vélo, Lucy va vivre une nuit mouvementée…Un savoureux jeu du chat et de la souris où telle est prise qui croyait prendre…

Cath Crowley est d'origine australienne. Auteur de nombreux romans de littérature adulte, elle écrit aussi pour les adolescents. Graffiti Moon a remplorté trois prix prestigieux de littérature ado.

Ce roman est une tuerie, un véritable coup de cœur pour moi. Je l’ai lu d’une traite et n’ai pas pu le lâcher avant de l’avoir fini (ce qui est arrivé au milieu de la nuit, vu que je l’avais pris à la base pour lire quelques pages avant de dormir…). Sérieusement, j’ai vraiment adoré. C’est une sublime histoire, d’une grande sensibilité, très émouvante et magnifiquement écrite. En tout cas, elle m’a donné envie de connaître d’autres œuvres de l’auteur et j’espère vraiment qu’elles sont traduites !

Depuis quelque temps, deux graffeurs expriment ce qu’ils ont à dire en laissant leur marque partout sur les murs de la ville : L’Ombre dessine, tandis que le Poète écrit. Lucy, 17 ans, est fascinée par les œuvres remarquables de l’Ombre et surtout par ce qu’elles expriment. Elle est persuadée de parvenir à voir le message sous-jacent derrière chaque dessin. Et surtout elle considère que celui qui en est l’auteur ne peut être que remarquable, tout l’inverse de ses camarades de lycée donc, et qu’elle pourrait en tomber amoureuse. Encore faudrait-il le rencontrer.
Un soir, Lucy et sa meilleure amie Jazz rencontre Daisy qui leur affirme que son copain connaît très bien les deux graffeurs. Elles lui demandent donc de les mener vers son ami Dylan, mais comble de malchance celui-ci se trouve en compagnie de celui-là même que Lucy cherche à éviter, Ed avec qui elle est sortie un soir alors qu’ils avaient 15 ans et à qui elle a cassé le nez quand il lui a mis une main aux fesses. Mais Ed est présent avec son meilleur ami Léo et Jazz entend bien séduire ce garçon qui la fait craquer. Elles leur dévoilent donc leur volonté de découvrir qui sont l’Ombre et le Poète. D’abord abasourdis, les deux garçons jouent le jeu et c’est partie pour une nuit complètement délirante où Lucy et Jazz partent en quête de ceux-là mêmes qui les accompagnent. Car Ed et Léo sont l’Ombre et le Poète…
Les lecteurs le savent d’entrée de jeu et ce mystère ne marque en rien l’intrigue du roman. Ce qui importe c’est que nos héros vont passer toute la nuit à discuter, à échanger, à débattre, à faire vraiment connaissance, ce qui est bien mieux au final qu’une rencontre fortuite au détour d’un mur…

Le roman nous offre les points de vue alternés des trois personnages principaux : Lucy et Ed avec un récit classique à la première personne et Léo avec des poèmes. Il nous offre par la même occasion trois sensibilités artistiques complètement différentes mais en même temps complémentaires. Lucy est en effet souffleuse de verre et ses deux parents sont artistes. Elle n’a donc pas peur de s’exprimer, de lancer des conversations ou de proposer son opinion. Ed est un virtuose en dessin, mais il n’a pas conscience de sa valeur. Depuis toujours, il souffre d’un horrible blocage avec les lettres qui l’empêchent de lire et d’écrire correctement. Il est donc persuadé d’être idiot et inculte et a d’ailleurs abandonné le lycée en seconde. La seule manière pour lui de s’exprimer, de mettre en mot ce qu’il ressent, c’est par le dessin. Mais personne n’arrivait vraiment à lire ce qu’il voulait dire, jusqu’à Lucy… Quant à Léo, c’est un poète. Contrairement à Ed, son meilleur ami depuis toujours, il jongle avec les mots avec facilité et la poésie coule de lui à chaque instant. Ce sont ces trois univers qu’on découvre et qui vont s’entremêler avec une rare intensité, sans oublier les autres personnages, aussi charismatiques, qui gravitent autour d’eux.

Tout le langage tourne autour de l’art, des descriptions sublimes de ce que les personnages ressentent à travers les mots et l’image (même si ce ne sont que des transcriptions d’images par des mots). On se laisse porter à chaque instant par la magie qui en découle. C’est juste sublime. On ressent avec acuité l’alchimie entre les personnages, leurs passions, leurs peurs, leurs doutes et leurs désirs. Chaque mot, chaque phrase, sont à leur juste place et on vient presque à les oublier pour se concentrer sur les images et les sensations qu’ils font naître. Presque, parce qu’ils sont tellement beaux que ce serait trop dommage de ne pas y prêter vraiment attention.
La grande force de l’auteur est de ne pas avoir fait oublier pour autant que ce sont des adolescents qui s’expriment. On est donc très loin de discours artistiques pédants. Bien au contraire, le style est résolument jeune et dynamique.
On est loin également des histoires d’amour cousu de fil blanc. C’est honnête, brutal et d’un grand réalisme, parfois même déchirant. Tous les personnages ont leurs qualités et leurs défauts, ce qui ancre encore davantage l’histoire dans la réalité.
Le récit est cours – n’oubliez pas qu’il ne dure qu’une nuit - mais tellement intense et bien pensé et écrit qu’on ne ressent nul besoin d’en avoir davantage. Il est très difficile en général de captiver autant le lecteur avec un récit aussi court (en général je n’en suis pas friande) mais là c’est réussi avec brio.

Graffiti Moon est, vous l’aurez compris, une magnifique histoire d’amour et d’amitié, d’espoir et de rédemption, un récit admirablement écrit et d’une telle profondeur que personne ne peut en rester indifférent, une œuvre artistique en soi. Un véritable coup de cœur pour moi.