Pour lire un résumé du roman et des critiques,
c'est ICINous avons eu l'immense privilège d'être conviées par les éditions Milady à rencontrer le vendredi 1er février les auteurs de
80 Notes de Jaune que nous avons adoré au Boudoir. Sous le pseudonyme de Vina Jackson, se cachent deux auteurs, un homme et une femme qui, pour plusieurs raisons, ne souhaitent pas dévoiler leur identité. L'interview a duré près d'une heure dans les locaux de Milady. Nous avons été charmées par la gentillesse des auteurs et par la qualité de leurs propos.
Par commodité, les paroles de l’auteur masculin seront retranscrites par Jackson, et celles de l’auteure féminine par Vina. C’est d’ailleurs à chaque fois la partie du pseudonyme qui leur correspond.
Toute l'interview s'est déroulée en anglais, nous nous excusons donc par avance pour toute éventuelle erreur de traduction ou d'interprétation...Pourquoi cet anonymat ? Que pouvez-vous nous révéler de vous ?Jackson : Le pseudonyme de Vina Jackson nous caractérise tous les deux. Jackson est une déformation de mon vrai nom.
Vina : C’est à cause d’un livre de Salman Rushdie,
La terre sous ses pieds, que j’ai lu quand j’avais 17 ans dans laquelle l’héroïne s’appelle Vina Aspara. Et c’est ce pseudonyme que j’utilise depuis sur internet aussi.
Vina : C’était compliqué pour l’éditeur de mettre deux auteurs, surtout lorsque l’un d’entre eux est un homme alors que la plupart des erotica qui pullulent aujourd’hui sont écrits par des femmes. Et de façon plus pragmatique parce je travaille à la City à Londres et que mes collègues et relations n’ont pas à connaître cet aspect de ma vie. Aspect dont je n’ai pas honte mais qui pourrait me desservir dans mon travail.
Jackson : Le livre vient seulement de sortir en France et beaucoup ne savent pas encore que derrière Vina Jackson se cachent deux auteurs, un homme et une femme. Mais en Angleterre, il s’agit d’un secret de polichinelle. Tout le monde le sait, comme beaucoup se doutent de mon identité.
Je suis un écrivain anglais. J’ai été éduqué en France. Ma mère était correspondante en France auprès d’un journal anglais. Je parle donc très bien français et suis vraiment bilingue. J’ai un doctorat de littérature comparée à la Sorbonne. J’ai écrit beaucoup de romans érotiques sous mon vrai nom, livres qui sont édités depuis longtemps et dont certains ont été traduits en français. En ce moment je me consacre à mon travail avec Vina. Nous avons écrit 5 livres ensemble déjà et le 6e est en cours de préparation.
D’ailleurs ce n’est pas la première fois que j’écris sous un pseudonyme. J’avais participé à un concours de nouvelles érotiques sous le nom de ma belle-fille parce que je ne voulais pas être avantagé vis-à-vis des autres candidats, d’autant que je connaissais certains membres du jury. Et ma nouvelle a gagné. A ce moment-là il m’avait fallu décliner ma vraie identité bien sûr et tout a été découvert, ce qui ne posait pas de problème puisque le concours était ouvert à tous.
Donc à vous de trouver qui je suis !
Vina : Je suis née en Nouvelle Zélande. J’ai travaillé deux ans en Australie avant de m’installer en Angleterre il y a 5 ans. J’ai un diplôme en histoire mais je travaille actuellement dans la finance à la City de Londres. Eighty Days Yellow est le premier roman que j’écris. Avant je n’avais écrit que de courtes nouvelles.
Est-ce un challenge de sortir un nouveau roman sous un nouveau nom comme si c’était le premier alors qu’à côté de ça vous êtes reconnu dans le milieu et vous vous êtes déjà fait un nom ?Jackson : Non parce que chaque nouveau livre est un challenge. Ce n’est jamais facile et à chaque parution on a des doutes. Et à chaque nouvelle suite d’Eighty Days on recevait des mails de notre éditeur nous encourageant et nous disant qu’on pouvait le faire alors que de notre côté on doutait.
Vina : Oui c’était vraiment un challenge pour moi, c’était mon premier livre ! Et c’est même de plus en plus difficile à chaque parution parce qu’il y a de plus en plus d’enjeux. C’est le troisième tome qui a été le plus difficile et angoissant, celui pour lequel j’ai senti le plus de pression.
Et Jackson de rajouter : au départ nous ne devions écrire que deux livres. Quand nous avons soumis l’idée de la série à l’agent, nous avons envoyé les 50 premières pages de Eighty Days Yellow ainsi qu’une page de Eighty Days Blue. Mais ensuite l’agent les a mis sur le marché et un éditeur nous a rappelé en nous disant qu’il proposerait beaucoup plus d’argent si nous faisions une trilogie. Merci Fifty Shades of Grey !!!
Nous avons dit d’accord, nous ferons une trilogie mais pour le volume 2, nous n’avons qu’une page et pour le volume 3 nous n’avons rien, même pas des idées à l’esprit. Et ensuite tout s’est accéléré. Nous avons écrit 5 livres en 6 mois. Vina a travaillé à la City durant ces 6 mois et pour ma part j’ai beaucoup voyagé, certaines parties du roman ont été écrites à Londres, à New York, à la Nouvelle Orléans, en Avignon, puis encore aux États Unis.
Nous avons donc écrit les 3 romans, et ensuite l’éditeur nous a regardé et nous a dit que ce serait sympa d’en sortir un 4e pour Noël, puis encore un suivant pour la Saint Valentin… Le 5e vient tout juste de sortir en fait. Mais là nous avons 4 mois pour le suivant, et donc deux mois de vacances
(Vina prend un air soulagé). Avec du recul si on nous avait demandé dès le départ d’écrire 5 livres en 6 mois nous aurions répondu : Vous êtes fous…
Vina : Je n’aurais jamais pensé qu’on aurait été aussi loin. Le 1er livre je l’ai écrit sur mon ipad…
L’aventure Eighty Days : Comment vous êtes-vous rencontrés et en êtes venus à travailler ensemble ? Comment écrit-on à quatre mains ?Vina : Nous nous sommes rencontrés dans un train en partance pour un festival littéraire en dehors de Londres et nous étions 4 personnes assises à côté alors que le wagon était quasiment vide et sans que personne ne fasse attention à l’autre ou ne bouge (
Jackson : oui nous sommes Anglais…). Puis nous avons commencé tous les deux à parler.
Jackson : Je lui ai dit que j’écrivais des romans érotiques et elle m’a répondu qu’elle avait déjà écrit aussi des nouvelles érotiques. Et j’ai les ai lu après coup et j’ai trouvé qu’elle avait vraiment un style qui me plaisait.
Et puis Fifty Shades est sorti et j’ai senti qu’un vent nouveau soufflait, de bon augure pour l’erotica. Et j’ai commencé à lire Fifty Shades, et je n’ai pas pu dépasser la 10e page (Vina lève deux doigts navrés et rajoute qu’ils ont essayé de le lire le même jour). Nous n’avons pas compris pourquoi une telle popularité et nous avons pensé que clairement nous pouvions faire mieux.
Et j’ai lu dans le journal l’histoire d’une femme à qui on avait cassé son violon et je me suis dit qu’on tient là une idée. Vina voulait faire au départ une nouvelle mais on tenait là de quoi faire un roman. Deux semaines plus tard, je suis revenue vers elle parce que tous les éditeurs à qui j’en avais parlé étaient emballés, tout simplement parce que désormais, à cause de Fifty Shades, il y a une demande (Vina relève deux doigts pour les deux pages qu’elle n’a pas pu dépasser…). Clairement je ne comprends pas parce que pour moi c’est vraiment une parodie de la réalité mais s’il y a une demande alors autant proposer quelque chose de différent, de mieux écrit, et de plus réaliste.
On s’est dit à ce moment « Ok faisons un essai, voyons si nous sommes capables de travailler ensemble ». Et l’histoire a commencé…
L’éditeur nous a juste demandé de travailler vite à cause du marché et de profiter de la vague Fifty Shades même si ce serait différent.
Nous pensions malgré tout en mois mais l’éditeur nous a demandé six semaines. On a commencé à travailler et chaque jour nous avancions davantage.
Et au final c’était vraiment fun. Nous avons dû apprendre à nous organiser pour travailler ensemble mais c’était vraiment fun à faire. Nous avons d’abord déterminé le plan général de l’histoire et ensuite chapitre par chapitre, ce qui allait arriver à Summer ou Dominik, quel serait leur psychologie… Et nous ne nous sommes quasiment jamais rencontrés. Tout s’est fait par email. C’était 20 à 30 mails par jour. A chaque fois que l’un finissait un chapitre, il l’envoyait à l’autre pour des corrections, des ajustements et des compléments. Puis il écrivait la suite, l’envoyait…
Donc vous avez écrit les passages à la 3e personne du point de vue de Dominik, et Vina les passages à la 1ère personne du point de vue de Summer ?Jackson : Oui et non. Les deux premiers livres, en partie. Mais à un certain moment, c’est devenu plus flou. Dans le second tome, j’ai écrit des passages de Summer et elle a écrit des passages de Dominik. Ça a été un challenge de bien écrire dans la tonalité de l’autre pour qu’on ne voit pas de différence.
Bluffant ! Déjà que dans le 1er tome nous n’avions pas vu de différence et si l’on ne nous avait pas dit qu’il y avait là deux auteurs différents nous ne l’aurions jamais deviné ! Pour le livre 3, nous avons arrêté complètement. Le plan de départ était beaucoup plus rigoureux et nous avons coupé chaque chapitre entre 5 à 7 sections. Et on se disait « ok tu prends le premier, je prends le suivant et ainsi de suite ». S’il s’agissait de passages qui se déroulaient aux États Unis et où il y avait des descriptions, je les faisais vu que je maîtrise l’endroit. A partir du tome 3 ça devient donc complètement un mélange de nos deux plumes.
Les gens aiment bien ranger les choses dans des cases, et pour être honnête on a eu du mal nous-mêmes à définir vraiment le genre de Eighty Days. Pouvez-vous nous aider ? Ce serait plutôt érotisme, pornographie, voire pornographie romantique ?Vina : C’est une question difficile. Quand on commence à écrire, on oublie tout ce qui n’est pas l’écriture et on ne se pose pas ce genre de questions. On se contente d’écrire l’histoire qu’on a à l’esprit sans se dire je vais écrire de l’érotique ou du pornographique. Mais je pense qu’on est davantage dans l’érotique que dans le pornographique. Il y a une vraie histoire, avec de vraies situations adressé à un public « normal ».
Jackson : La seule comparaison avec Fifty Shades (vu qu’on ne peut y échapper) qui peut nous être faite c’est qu’on est des anti-Fifty Shades vu que nous sommes réalistes, qu’on parle de personnes humaines, imparfaites, de personnes tout simplement normales, tout ce que ne sont pas les personnages de Fifty Shades. On ne les a pas lu mais on les assez dépeints autour de nous pour qu’on ait pu s’en faire une idée précise.
Le seul impératif que nous nous sommes imposés en commençant à écrire Eighty Days Yellow c’est que le personnage féminin ne soit pas une oie blanche, surtout pas, et que les descriptions du monde du BDSM que nous décrivons soient aussi réalistes que possibles. C’était vraiment important pour nous.
C’est exactement ce que nous avons aimé dans Eighty Days. Le problème c’est que le lectorat auquel est adressé Eighty Days, sous le label Milady Romance ne l’oublions pas, ce sont les lectrices lambda, celles qui ont lu et en général apprécié Fifty Shades. N’avez-vous donc pas eu peur qu’elles restent hermétiques à ce réalisme ?Jackson : Oui. Mais pas en écrivant. En écrivant on s’est juste attaché à écrire notre histoire comme on la souhaitait avec nos exigences. Lorsque le premier livre est sorti au Royaume Uni, la première semaine les réactions ont été terribles. Toutes les chroniques sur amazon lui ont mis 1, ont parlé de livre dégoûtant, écœurant, sans une once de romantisme. Mais ça c’était la première semaine. Et après ce n’était plus le cas car les gens ont compris que ce n’était en rien une imitation de Fifty Shades, que c’était avant tout réaliste et sur des gens imparfaits, avec une héroïne forte et un vrai univers BDSM. Le roman a trouvé son public.
Justement, en France aussi, dans quelques critiques qui sont tombés nous avons retrouvés ces idées, que c’était malsain, à vomir, ou que ça donnait une image dégradante de la femme. Qu’aimeriez-vous leur répondre ?Vina (avec un air choqué) : Je suis tellement surprise que les gens puissent penser ça ! Je ne comprends juste pas qu’on puisse penser ça, je ne sais pas trop quoi répondre du coup…
Jackson : C’est une histoire d’amour ! Donc oui nous sommes surpris de lire et d’entendre ça. Mais ce qui importe au final c’est que notre public a compris ce qu’on a voulu montrer et dans quelle direction on allait, c’est un public qui nous a suivi. Et si on ne capte que 5 ou 10% des lecteurs de Fifty Shades nous serons très heureux car ce sera ceux qui nous ont compris.
La romance était présente dans notre esprit dès le début. Nous savions que quoi qu’il arrive ils seront ensemble à la fin. Mais nous ne voulions pas que ça se fasse en un clin d’œil avec pleins de bons sentiments. Je pense que quand Blue et Red sortiront en France, les lecteurs verront davantage la romance et ce sont d’ailleurs des tomes bien plus romantiques qui verront l’aboutissement de la relation entre Summer et Dominik. A la fin de Red, ils seront ensemble et ce n’est pas un secret car c’est ce à quoi les gens s’attendaient. Dès la fin du premier tome, on le sent, on le sait. Dans le tome 3, il y a d’ailleurs des scènes d’un très grand romantisme que les lecteurs ont adoré. Et c’est aussi parce que leur relation a pris le temps d’éclore et de se développer. Rien n’était trop précipité, trop évident. Vina a d'ailleurs même trouvé que le troisième tome était trop romantique !
(rires)Les tomes 4 et 5 seront focalisés sur d’autres personnages.
Pourquoi d’ailleurs les couleurs dans les titres ? Jackson : Au départ, nous avions donc que deux tomes de prévus. Avant que ça ne devienne 3 puis 6… Nous n’avions pas d’idées bien définies sur les titres mais la seule chose qui était sûre c’était Jaune et Bleu, quelque chose Jaune puis quelque chose Bleue. Jaune et Bleu sont tous simplement des références à des films que j’adore, des films assez méconnus, des films suédois des années 1960 de Vilgot Sjöman,
I’m curious yellow et
I’m curious blue (Le premier film comporte ne nombreuses scènes de nudité et de mise en scène de rapports sexuels. Il comporte notamment une scène qui a été très controversée où on voit l'héroïne, Lena embrasser le pénis flasque de son amant. Il a donc été souvent censuré et qualifié de pornographique dans certains Etats). Et pour les suivants, il était ben évident qu’on allait rester dans les couleurs pour la cohérence de la série. Et évidemment CELA N’A RIEN A VOIR avec le gris (Grey) ! ;)
Inutile donc de chercher une quelconque signification du jaune dans le roman, même si Vina a rajouté que « le jaune est une couleur très sexy ».
Comment comprendre l’engouement des femmes pour des romans érotiques, et de plus en plus osés de surcroît ? Parce qu’au final ce sont les femmes qui constituent l’essentiel de votre lectorat… Vina : Pourquoi les femmes lisent de l’erotica ? Je ne sais pas… Je ne pense pas à ça, je me contente d’écrire l’histoire que j’ai en tête.
Jackson : Quand nous écrivons nous ne pensons pas du tout à notre lectorat ou à l’audience, jamais. Nous avons des personnages en tête et nous n’écrivons qu’à leur sujet. Nous sommes complètement immergés dans le monde qu’on a inventé. Ce n’est que grâce au phénomène Fifty Shades que nous avons un très large lectorat. Et même sans cela, pour un public plus restreint, nous aurions écrit exactement le même livre. Alors non nous ne pensons pas à nos lecteurs.
Et est-ce que pour Eighty Days, vous avez reçus des consignes particulières de la part de votre éditeur en ce qui concerne les scènes de sexe ? Jusqu’où vous pouviez aller par exemple, que vous deviez vous censurer, intégrer plus de romance… Notamment par rapport à vos autres romans érotiques qui n’ont peut-être pas le même public… Jackson : Non. Nous avons écrit le livre avec les quatre premiers chapitres et une page du second roman et ce n’est qu’après les avoir lu que l’éditeur a acheté la série. Rien n’a été dit sur les scènes de sexe, même après. On nous demandait de changer un mot par-ci par-là mais jamais de nous censurer sur les scènes de sexe. Nous n’avons eu aucune interférence de la part éditeur. La seule que nous avons eu en fait c’est à propos du titre. On l’a choisi après des dizaines et des dizaines d’essai.
En fait le seul éditeur avec lequel nous avons eu des problèmes c’est avec le turc. Nous avons reçu un mail il y a deux semaines à propos de la traduction d’Eighty Days Yellow et des scènes de sodomies. Si ces scènes apparaissaient dans l’édition turc, l’éditeur pourrait être arrêté. Et comme nous ne voulons pas qu’il aille en prison nous avons accepté qu’il les modifie. Mais c’est le seul changement qui a été opéré parmi toutes les éditions internationales.
Est-ce que vous-mêmes vous vous imposez des limites dans les scènes de sexe ? Vina : Pas intentionnellement. Certaines me font rougir moi-même en tout cas.
Jackson : Non encore. Si ça fait un sens, si ça permet d’avancer dans l’intrigue et le parcours des personnages et que ça s’imbrique parfaitement avec l’histoire, tout est permis. Bien évidemment nous n’écrirons jamais de scènes de zoophilie par exemple, mais tout simplement parce ça tombe sous le sens et non pas pour une question de censure personnelle.
Nous sommes heureux d’écrire tout ce qui sonne juste. Et d’ailleurs le dernier volume sera encore plus sexy, plus romantique et plus chaud.
En tant qu’écrivain mais aussi en tant que lecteur, qu’est-ce qu’une scène de sexe réussie pour vous? Vina : Si elle est réaliste et qu’elle prend naturellement part dans l’histoire. Elle doit apporter quelque chose à l’intrigue et à l’évolution des personnages, à leur destin. Et elle ne doit surtout pas être mièvre et irréaliste, fantasmée.
Doit-elle aussi émoustiller ?Vina : Non, pas nécessairement
Jackson : C’est mieux quand elle aboutit à ce résultat. Mais ça dépend trop des personnes. Tout le monde n’est pas excité par la même chose. Certaines personnes disent « Whaouah c’est trop bon » et d’autres « non, ça ne doit pas se passer comme ça, c’est dégoûtant ».
En tant qu’écrivain, on ne doit vraiment pas penser à nos lecteurs et à ce qui pourrait les exciter. Nous avons notre histoire, nos personnages et ce sont eux, et seulement eux, que nous avons à l’esprit. Aussi longtemps que tu es heureux, que tu crois en ce que tu écris, alors tu es dans la vérité. Quel que soit la manière dont c’est reçu ensuite par le public.
Juste pour profiter de vos lumières d’écrivains et de « spécialistes », quelle différence faites-vous entre érotisme et pornographie en littérature ?Vina : Je pense que la pornographie n’a pour but que d’exciter dans une visée masturbatoire. Dans les romans érotiques, il y a une intrigue, de vrais personnages qui ressentent des émotions, qui ont des états d’âme… Et tout ne tourne pas autour du sexe, il y a aussi de la sensualité, des sentiments, des sensations, la vie des personnages…
Pouvez-vous nous parler des personnages de votre roman. Comment vous est-venu l’idée de Dominik et Summer? Pourquoi une musicienne un peu paumée et un professeur d’université plus âgé ? Jackson : Dominik est une complète opposition à Fifty Shades of Grey. On ne voulait surtout pas de millionnaire avec un hélicoptère sur son toit. On voulait un homme normal. Dans mes autres livres, beaucoup de mes personnages principaux sont des écrivains ou des détectives (j’aime les thrillers) et on voulait rester dans ce milieu du livre. On a donc imaginé un professeur d’université. Ça sonnait juste. Et puis je pouvais me baser sur la réalité, ce qui encore une fois, nous importait avant tout. La maison de Dominik est en fait la mienne avec ces quatorze pièces
(oui vous avez bien lu 14 !!! le fantasme absolu !) emplies de livres (sauf que dans la mienne il y a aussi ma femme et mes enfants, ce que n’a pas Dominik). Nous voulions donc un intellectuel, quelqu’un qui aime les livres, quelqu’un d’intelligent. Il a aussi ma voiture. Il est aussi dans le même milieu que moi. Il vit dans le milieu universitaire et moi dans celui de l’édition, mais c’est la même chose. Et je voulais absolument quelqu’un que je puisse comprendre et donc faire évoluer de la façon la plus juste possible.
Toujours dans ce même souci de réalisme, nous connaissons personnellement tous les endroits qui sont décrits. Nous ne mentons jamais dans les descriptions du cadre dans lequel évoluent nos personnages. Tout simplement parce que si nous-mêmes n’y croyons pas comment rendre tout ça crédible auprès des lecteurs…
Vina : Pour Summer. Je n’ai jamais écrit de livre avant et je tenais avant tout à créer un personnage qui paraisse réel. Et donc Summer tient beaucoup de moi. Pas tout bien évidemment
(petit sourire…). J’ai utilisé la musique pour exprimer sa passion, la même que je ressens pour l’écriture. Elle est née en Nouvelle Zélande et est venue tenter sa chance à Londres, tout comme moi. Elle a ressenti ce que j’ai ressenti au départ, celle d’être étrangère, d’être perdue dans les rues de Londres. Et donc quand j’écrivais, j’ai d’abord pensé à ça, puis après j’ai simplement écris et une personnalité à part entière a pris vie, née complètement de mon imagination.
Jackson : Tout cela rend tout simplement les personnages plus crédibles, plus attachants car plus réels. Notre roman n’est absolument pas un conte de fée. Ils sont imparfaits et font donc des erreurs, car tout le monde en fait. Et ce n’est que dans le 3e roman que nous nous sommes dit qu’il était temps de les récompenser et de leur donner leur fin heureuse.
Et est-ce qu’il y a ce même réalisme et ce même souci des détails réalistes pour le milieu BDSM que vous décrivez? Rires.
Jackson : Oui. Il existe de tels milieux et dans le même genre. Nous connaissons des gens qui en font partie. Le « marché aux esclaves » sur internet existe aussi bel et bien…
Puis se tournant vers Vina. Tu as quelque chose à rajouter.
Vina : Non
(tout en riant…)Un spoiler demandé par l’une de nos lectrices : est-ce que Dominik va mettre une raclée à Viktor ? Vina : Oh oui !
Jackson : En fait, du coup avec cette question je reviens sur ce que j’ai dit tout à l’heure sur l’absence d’ingérence de la part de notre éditeur. Oui il y en a eu une et bizarrement non pas à propos de sexe mais sur la violence. Au départ Dominik se bat violemment contre Viktor et lui casse le nez. Notre éditeur nous a demandé de limiter les dégâts et il ne s’en sort au final qu’avec quelques contusions.
(Zut !) Et ce alors même que parfois notre éditeur nous disait pour certaines scènes « plus sexy, plus sexy ».
Dernière question. Nous avons lu dans une précédente interview que vous adorez le film Shame de Steve McQueen. C’est au sujet d’un homme qui a une addiction sexuelle et qui en a honte, qui a honte de ce que ça lui impose au quotidien. Or dans Eighty Days, on voit un milieu BDSM qui s’assume complètement, conscient de ses désirs, de son addiction, et qui trouve normal de l’assouvir...Vina : Justement il existe encore trop de monde encore aujourd’hui qui ont honte de leurs envies. Et on voit trop souvent encore dans les romans actuels, du style Fifty Shades, des héroïnes complètement ingénues, vierges, et qui font tourner toute leur vie sexuelle autour de l’amour. Et ça m’ennuie vraiment. Je tenais donc vraiment à écrire sur une femme qui a une vie sexuelle, qui ne se juge pas et qui ne jugent pas les autres. Au contraire, elle explore ses envies, même si cela l’amène plus loin qu’elle ne le pensait.
Jackson : Et en ce qui concerne Dominik, c’est moins tranché. Il découvre seulement dans le premier tome ses envies de dominants et a tendance au départ à les cacher, à en avoir honte. Il est très ambivalent vis-à-vis de ses désirs. Parce que tout simplement tout n’est pas noir ou blanc.
Un très grand merci aux auteurs pour cet excellent moment passé en leur compagnie, ainsi qu'aux éditions Milady, et tout particulièrement à Aurélia et Leslie pour avoir organisé la rencontre. Merci !
Et maintenant, la seule chose que l'on peut dire c'est : Vivement le tome 2 !!!