Le samedi midi a eu lieu une conférence sur la romance érotique, animée par Muirèle Roos (directrice de rédaction de Femme Majuscule). Étaient invités : Stéphane Marsan (co-fondateur de Bragelonne) ; Sylvia Day (auteur de la série
Crossfire et de plusieurs romances érotiques) ; Sylvie Gand (du site Blue Moon et professeur d'histoire) et Ghislaine Paris (sexologue et auteur de
Faire l'amour pour éviter la guerre en couple).
Cela a permis d'aborder le phénomène du roman érotique relancé par
Cinquante nuances de Grey sous différentes visions très intéressantes !
La conférence a débuté avec Sylvia Day qui nous a parlé de sa série.
Première découverte : la manière dont on prononce Gideon. C'est "Guidéone" et non pas "guydone", un mythe s'effondre
Eva et Gideon sont des personnages très forts et typés. Sylvia Day explique que s'ils sont aussi caractérisés, c'est dû aux abus sexuels et aux traumatismes qu'ils ont subis durant leur enfance. Sous leur apparence physique irréprochable, ils sont donc profondément marqués, et elle a voulu explorer autant l'extérieur que l'intérieur, gratter ce vernis. Pour elle, il y a plusieurs degrés de fantasme, et pas un fantasme lecteur en particulier. Elle montre dans
Crossfire une relation qui va plus loin que ce que l'on pourrait vivre au quotidien. Ses personnages ne sont pas dénués de défauts, pour qu'on puisse s'identifier à eux et les aimer.
Ses livres sont écrits du point de vue d'Eva et
Dévoile-moi est sa sixième romance érotique. Elle avait toujours écrit du point de vue de l'homme et de temps en temps sous celui de la femme, et c'est ce qu'elle a voulu continuer de faire en donnant la parole à Gideon. Mais elle n'y ait pas du tout parvenu. C'était beaucoup trop difficile tellement Gideon est un personnage ambigu et secret. Impossible de rentrer complètement dans sa peau. Au final, elle a découvert Gideon au même rythme qu'Eva et le lecteur.
Dans
80 notes de jaunes, on alterne avec les deux points de vue.
D'après Ghislaine Paris, l'un n'est pas plus intéressant que l'autre. Un bon mode narratif fait appel au double axe du réel et de l'imaginaire, qui fait appel au plaisir et au désir.
Dans le schéma typique de romance américaine, on est face à l'archétype masculin, forcément fantasmatique, sexy, beau, qui incarne le rêve, l'évasion. Il y a même une amplification de la figure masculine : il est toujours plus extraordinaire, désirable. Avec
80 notes de jaune, on garde ce principe, mais en se basant sur des faits beaucoup plus réels et vrais (Stéphane Marsan souligne que les auteurs sont Anglais et non Américains ce qui en pourrait être une cause). Summer n'est ni vierge, ni cruche, ni une enfant dans un corps de femme. Elle fait elle-même les choix de sa vie et donne une image de la femme beaucoup plus accessible.
La mode du Mommy Porn, littéralement "porno pour ménagères", traite dans les livres d'une sexualité dissociée de la vie des femmes au travail etc. Pour Ghislaine Paris, c'est un terme à rayer car très mal utilisé, un terme d'une condescendance rare à l'égard des femmes qui en a choqué plus d'une. Elle parlerait plutôt d'imaginaire féminin.
Sylvie Gand affirme que
Cinquante nuances de Grey n'est pas la première romance érotique du genre et qu'elle n'est pas du tout porno.
Crossfire tient plus du Romantica et
80 notes de jaune de l'Erotica. Stéphane Marsan confirme la différence marquante entre le porno et la romance érotique. Là où on a pu voir une évolution, c'est avec cette croisée des chemins entre la romance et l'érotisme. On est passé du porno type avec "La patron et la secrétaire" et autre "seigneur noble et sa servante" à des ouvrages où le sexe fait partie intégrante des histoires d'amour. La romance est une sorte de victoire sur l'érotisme, même si ce n'est pas reconnu intellectuellement. L’érotisme représente 2% du marché de la romance aux Etats-Unis avec 1 million de dollars de chiffre d'affaire. C'est aussi un secteur qui comprend une organisation de 10 000 membres (La Romance Writers of America).
Ces auteurs qui ont de l'expérience comme Sylvia Day sont des femmes qui écrivent avec des femmes pour personnages principaux et nous parlent de la société en fonction des fantasmes. Il y a une véritable diversité littéraire très intéressante à découvrir selon les auteurs.
Sylvia Day nous donne donc sa vision des trois genres :
- le porno a pour but d’exciter et n'a aucun scénario ;
- l'erotica est une histoire entre deux personnages avec une interaction sexuelle, une découverte passionnée entre eux et ne déboule pas forcément sur une histoire d'amour. D'ailleurs souvent un personnage prend le pas sur l'autre ;
- et le romantica ou romance érotique est l'histoire d'un couple qui se découvre à travers le sexe, qui leur permet de communiquer, de se connaitre et de s'aimer.
Pour qui la romance érotique ? Tout le monde. On peut parfaitement lire du Proust et les romans de Sylvia Day sans problème. On n'y trouvera effectivement pas la même chose, il faut juste savoir ce que l'on cherche... On s'identifie aux personnages féminins et si on ne retrouve pas à répétition les mêmes "mannequins" de la littérature, hommes ou femmes, tout le monde s'y reconnait.
Pourquoi plait-elle ? C'est un support des fantasmes féminins, qui a réconcilié le sexuel et le sentimental, ce qui est un grand progrès par rapport aux romances des années 80. Stéphane Marsan, faisant partie de la minorité masculine qui lit de la romance érotique, se souvient de quelqu'un de Pocket-SF qui disait : "des hommes lisent pour des raisons féminines et ne le savent pas". Et puis c'est aussi souvent de la simple curiosité pour comprendre les femmes... Avant, on pouvait séparer le marché entre une littérature de haut vol et le porno et aujourd'hui, le romance érotique est un gamme littéraire entre les deux, avec des personnages profonds, et des styles variés.
Pour le petit côté sympa, Sylvia Day nous a fait part de son Gideon et de sa Eva idéals si le roman était adapté au cinéma. C'est assez difficile de donner un visage à Gideon car c'est il est jeune mais la plupart des hommes qui pourraient l'incarner sont plus âgés. Elle a tout de même une nette préférence pour Henry Cavill et ce n'est pas nous qui dirons le contraire...
Pour Eva, elle pense à Scarlett Johansson qui rappelle la beauté, la force et la vulnérabilité de la jeune femme.