WINGFIELD Jenny : Les ailes de l'ange

Jenny Wingfield

Dans l'Arkansas des années cinquante, Swan Moses, fillette espiègle et malicieuse, mène une vie insouciante. Mais quand le petit Blade Ballanger, fils du violent et sadique voisin, vient trouver refuge auprès d'elle, Swan fait le serment de le protéger de la cruauté de son père. Une promesse téméraire qui sonne le glas de son innocente jeunesse...

Dans l'atmosphère languide du Sud profond américain, l'amour de deux enfants va s'élever contre la folie et l'indifférence du monde adulte.

Jenny Wingfield est la scénariste d’Un été en Louisiane (très beau film avec  Reese Witherspoon) et de The Outsider (L’homme qui venait de nulle part de Penelope Williamson), deux films que j’adore alors autant vous dire que j’attendais avec impatience et inquiétude aussi de découvrir son premier livre Les ailes de l’ange. C’est bien simple, j’ai adoré, lu d’une traite (une nuit sur mon canapé) et relu la semaine d’après tellement il est formidable.

Au cœur de l’Arkansas des années 50 vivent les Moses, un clan familial soudé et haut en couleurs. Calla, la grand-mère, tient une épicerie et John, le patriarche, s’occupe du Never Closes, un bar ouvert toute la nuit où discussions interminables, alcool et cigares font bon ménage. Le roman débute avec la grande réunion du clan au mois de juillet et la mort plutôt surprenante de John. C’est le décès de son père et l’absence de poste pour son pasteur de mari qui pousse Willadee à revenir avec ses trois enfants dans la maison de son enfance. Elle ne sait pas alors que cette simple décision va bouleverser le cours de l’existence de tous les Moses. Toy, le grand frère, colosse au cœur d’argile, mal-marié à la belle mais perturbée Bernice, Samuel, l’idéaliste pasteur en déroute, Calla, matriarche au grand cœur et surtout Swan, petite fille espiègle, effrontée et audacieuse qui prendra tous les risques pour sauver le jeune Blade de son bourreau de père,…  tous vont devoir faire des choix difficiles, faire preuve de courage et affronter l’horreur sans ciller.

Contrairement à ce que son titre laisse supposer,  il n’y a rien d’angélique, de rose bonbon ou de tiède dans ce livre. Non, Les ailes de l’ange trouve sa place dans le drame, le vrai drame américain, vous savez, ces livres bouleversants aussi horribles qu’ils sont magnifiques, qui nous emplissent la tête d’images tantôt monstrueuses, tantôt pleines d’espoir et d’humanité. Chez Jenny Wingfield, les monstres ont un visage humain, celui de Ras Ballanger, bourreau de sa femme et de son fils, l’adorable Blade. Certaines scènes sont insoutenables et il en faut du temps pour tout bien digérer, pour aller au-delà. Mais, heureusement, pour contrebalancer cela, il y a la Foi de Samuel et l’innocence de Swan. Ces deux-là sont habités par l’espoir, par la lumière, ils avancent pour dissiper les ténèbres, courageux, optimistes, animés par une volonté sans faille. Mais le personnage le plus attachant (il entre direct dans mon top ten des Grands Personnages), c’est Toy, l‘oncle taciturne au passé trouble et violent. Du début à la fin, il donnera ces lettres de noblesse au terme de Héros, si souvent galvaudé. Samuel et Toy, deux personnages opposés dans leurs caractères, leurs réactions et pourtant si semblables dans leur amour des autres. J’ai beaucoup pleuré pendant ma lecture, j’ai frémi, j’ai eu peur mais j’ai aimé, ô oui, j’ai aimé cette histoire plus que tout. Jenny Wingfiel a l’âme et le talent des grands auteurs dramatiques à l’image d’un Pat Conroy, d’un Steinbeck ou d’un Faulkner.

Il est rare que je termine en sanglots avec un livre et c’est le cas avec Les ailes de l’ange. Jenny Wingfield maintient son lecteur sur la corde raide entre émotion et effroi, le pousse à tourner les pages sans s’arrêter et lui donne, la dernière page tournée, le sentiment d’avoir vraiment rencontré des personnages, d’avoir vécu (et non pas simplement lu) une histoire. Une histoire forte, intense, douloureuse et pleine d’Espérance. Un grand roman en somme.