MALLOCK Amédée - Les larmes de Pancrace

Les larmes de Pancrace
Mallock

sortie le 13 février 2013

Jean de Renom, propriétaire d’un grand cru classé, est sauvagement assassiné dans son château du Bordelais. A la stupéfaction de tous, son épouse, la douce et aimante Camille, est accusée puis incarcérée. Le scandale est d’autant plus retentissant que cette dernière n’est autre que la fille de Sophie Corneille, candidate favorite à la prochaine élection présidentielle.
Au-delà des conflits d’intérêts et des luttes de pouvoir, le fameux commissaire Mallock découvre que d’autres drames entachent l’histoire de cette famille. Plus il creuse, plus les énigmes et les crimes remontent à la surface. Noyades, empoissonnements, meurtres, les racines du mal sont bien plus profondes qu’il n’aurait pu l’imaginer. Depuis sept siècles, depuis qu’un certain Pancrace a fait couler le sang, que la peste a ravagé la région, une malédiction semble avoir envahi le château et ses occupants...

Tout démarre par une belle journée d’été, Jean de Renom rentre à la maison, impatient, amoureux, heureux tout simplement. Et puis, une fois les marches gravies, un bruit de pas légers et le drame, le bruit, la fureur d’une arme dans une main de femme, la mort enfin. Jean de Renom n’est plus !
Quelques jours plus tard, Andernos-les-Bains. Amédée Mallock, commissaire à Paris, est enfin en vacances. A lui la campagne Bordelaise, son calme, sa nature agréable et sereine exempte du stress et de la folie de la ville.
Son répit n'est cependant que de courte durée. Un appel de Gilles, inspecteur à Bordeaux, va tout bouleverser. Gilles, responsable de l’enquête et cependant trop impliqué, lui demande son aide.
A eux deux, et aussi avec l'aide des coéquipiers parisiens d’Amédée, ils vont déterrer de nombreux secrets et mystères tout d’abord contemporains, puis remonter  dans le temps afin de découvrir si vraiment malédiction il y a sur le château d’Armuth ou s’il ne s’agit que d’une sombre machination qui a mal tourné.

Je découvre cet auteur que je ne connaissais pas avec curiosité et un peu d’appréhension. Le thriller est un style à part entière et il peut plaire comme déplaire aussi vite sur la seule foi de quelques lignes parfois.
Ici, le style est parfois familier avec de nombreuses expressions d’argot ou imagées. Et en même temps on y retrouve aussi un mélange de poésie et de réalité. J’ai tout de suite accroché.

Par exemple, quelques citations :
« Et même la canicule qui sévissait ne pourrait en réchauffer les âmes pleureuses, abasourdies par la cruauté de leurs destinées »

ou encore:
« Il n’allait pas avouer qu’il rêvait à l’accouchement gracieux des éoliennes et aux mignons ventilateurs à leurs pieds, se mettant lentement à battre des ailes en regardant leur maman aux longs cils. On a sa fierté, quand même ! »

Et plus familier :
« T’as vraiment le chic pour tomber sur des emmerdes.
- Je tombe sur rien du tout. Ce sont les autres qui me poussent.
- Faut dire que tu te mets toujours sur le bord des falaises, forcément, c’est tentant ! »

Il y a une part d’humour dans ces dialogues qui souvent ont amené un sourire sur mes lèvres et la curiosité de mes voisins concernant ma lecture.
Ces citations ne sont que de brefs exemples de lyrisme et de réalité disséminés dans ce livre.
Les personnages ont de la gouaille et de l’expérience de terrain comme de bureau. Leurs dialogues font souvent sourire, même si parfois le sujet porte peu à rire. Les expressions d’argot ou purement policières donnent un cachet d’authenticité au jeune commissaire de province et à son implication dans le système policier.
Autant les personnages sont hauts en couleur et attachants, autant les descriptions des lieux sont telles des peintures, douces et colorées, remplies du climat bordelais et de son accent.
Et, autre spécialité bordelaise et de sa région, le vin est à lui seul un personnage entier. Nous découvrons au travers de l’amour du maître de vignes, le travail minutieux et les étapes complexes de son développement. Une recherche pointue a été effectuée sur le sujet, ce qui rend le livre encore plus intéressant.

Les passages plus anciens sur l’histoire du chai au temps du premier viticulteur, le vicomte Pancrace d’Armuth, ainsi que les faits qui se seraient déroulés à la même période, sont instructifs et narrés de façon à nous rendre impatient d’en découvrir l’implication dans ce mystère plus actuel.

Nous suivons donc les méandres du cerveau de notre commissaire, ses interrogations et parfois ses rêves avec enchantement et impatience. Les conversations entre Docteur Amédée ou Amédée le romantique et Mister Mallock ou Mallock le cynique sont des plus surprenants. Que dire d’un commissaire qui se parle à lui-même ? Ou qui dans la moiteur de la nuit va faire des rêves, non pas prémonitoires, mais comme sortis d’une transe hallucinogène?

Et pourtant, tel Sherlock Holmes, son attention se porte sur des faits ou des éléments que le commun des mortels n’aurait même pas su voir. Ses observations pointues, et les déductions qui en découlent nous interpellent. Et nous l’aurions-nous vu ?
C’est un des rares auteurs de thriller qui me donne envie de m’inclure à l’enquête en cherchant aussi par moi-même. Comment cela ? En posant mon livre quelques minutes et en essayant de résumer les faits et d’en trouver un élément probant ou tout simplement une idée de la suite qui va être donnée par l’auteur.
Ce n’est pas un livre dont vous êtes le héros et pourtant, vous en avez quand même l’impression tant vous vous impliquez dans cette histoire.

Je suis définitivement fan et j’ai décidé de le faire connaître à un autre accro de policier familial, mon papa. Amédée Mallock est digne de son intérêt et devrait fortement lui plaire car Mallock, l’auteur est pour tous les âges.
De plus pour avoir un peu conversé avec l’auteur, j’apprécie aussi l’homme qui est à l’origine de cet ouvrage. Il est simple et facile d’accès. Et sa simplicité se ressent dans sa manière d’écrire accessible à tous.
C’est une lecture que je recommande aux afficionados de thriller et aux autres pour la découverte.

Mon avis

En aimant les livres policiers, les personnages atypiques, les grandes histoires qui tournent et retournent dans tous les sens, on se demande comment j'ai pu passer aussi longtemps sans connaître Mallock !

L'auteur qui fusionne complètement avec le commissaire est déjà un point de curiosité. Les pages défilent et on est pris dans un tourbillon qui se termine à la page 463.

Amédée Mallock est en vacances à Andernos près du bassin d'Arcachon dans sa maison de campagne, il s'y ressource tous les ans. Mais cette année, son ami et ancien collègue Gilles Guédrout le dérange dans son repos. Pris dans une enquête où il a besoin d'un œil neuf, il lui demande son aide. Trop proche de la victime et de la principale "suspecte", il souhaite secrètement que Mallock trouve une autre alternative à la culpabilité de la femme de son ami d'enfance, le défunt Jean de Renom.
Tout accuse pourtant Camille de Renom qui n'avoue pas, mais ne réfute aucune accusation. Elle ne se souvient pas du meurtre de son mari, endormie et seule au moment du drame. Elle ne peut se résoudre à avouer son geste, mais ne comprend pas comment il pourrait en être autrement.
Gilles voudrait croire qu'il y a une autre solution à cette tragédie, tous ses souvenirs d'enfance remontent à la surface à chaque fois qu'il pénètre sur le sol du château Corneille de Renom, lieu qui a une place immense dans l'histoire. Son passé est très important dans la compréhension de l'intrigue, la légende et la malédiction du templier Gil Gaelian du Gar est un fil rouge tout au long du livre, et trouve tout son sens lors de la conclusion de l'enquête.

Ce que j'ai trouvé très intéressant dans cette histoire de drame familial, c'est la construction de l'intrigue amenée doucement par un jeu de dominos en ce qui concerne les faits, s'empilant les uns après les autres et bien sûr, l'intuition de Mallock.
Il n'est pas magicien comme pourrait le croire son ami Gilles, mais il sait parfaitement s'entourer des bonnes personnes au bon moment, son ami Léon, l'ancien déporté des camps de concentration qui a tout vu de l'horreur dont les gens sont capables et qui ne juge jamais les interrogations de Mallock, au même titre que les fidèles collaborateurs du commissaire, ces cinq doigts de la main. Je me suis dit d'ailleurs qu'il faut que je lise leurs aventures précédentes, il y a eu du changement dans son équipe, cela aiguise la curiosité du lecteur qui découvre ici le commissaire !
Ils ont tous leur importance à un moment ou à un autre de l'histoire, Léon lui fournit les archives dont il a besoin, et son équipe du soutien technique, des analyses génétiques, l'emploi du temps des protagonistes etc... Que se soit Ken, Jo, Jules, Julie ou Wik, on n'a qu'une seule envie : tous les découvrir. Pour cela, il faudra découvrir les autres aventures de Mallock. Ne sont développés ici que certains membres de l'équipe du commissaire, on peut voir notamment le couple Jules et Julie venir dans sa tannière à Andernos.

On pourrait croire que "l'ours" Mallock est un solitaire en amour, et pourtant il a sa Margot, amante qui reste mariée, mais amoureuse d'Amédée et qui ferait n'importe quoi pour lui, comme fouiner dans le passé un peu trouble des gens. Son métier de journaliste lui permet certaines choses que ses collaborateurs de la force de l'ordre ne peuvent pas.

Les livres au nombre de trois séparent consciencieusement les parties les plus importantes de l'histoire. Tout n'est pas déballé de prime abord, on avance un peu à l'aveuglette dans le déroulement de l'intrigue comme dans les rêves de Mallock qui l'aident à résoudre l'énigme, mais quel plaisir de suivre tout cela!
Il y a des passages absolument géniaux dans les descriptions des lieux, j'ai eu l'impression que le château Corneille de Renom ou la Villa Ignota étaient des personnages à part entière. Le vignoble respire tellement fort qu'on entend presque son cœur battre et l'amour que certains personnages peuvent ressentir pour lui semblent presque légitime. Même au point de tuer ?

Et puis il y a la grande Sophie, la "maman" de Camille, ce maman qui sonne si faux, cette femme puissante et autoritaire, cette députée que rien ne peut ébranler. Elle sait jouer avec les médias, elle sait corrompre l'opinion publique, une adversaire ou finalement une alliée pour Mallock, de par son arrogance. Beaucoup d'éléments sont centrés sur elle dans le livre trois, mais tout est terriblement bien ficelé pour l'acte final.

Dans ce livre, on peut aussi à certains moments voir l'auteur nous faire des paragraphes absolument splendides sur les légendes des templiers, sur les vins de Bordeaux, et sur la justice, comme ici avec cette tirade d'Amédée :

"La vérité était morte depuis déjà pas mal d'années. Personne n'était venu réclamer son corps et aucun commissariat n'avait été chargé de l'enquête. Inutile le cadavre n'était plus identifiable. Les idéologues lui avait arraché les yeux, les oreilles et la langue. La pensée unique l'avait tabassée. Avant de lui donner le coup de grâce, un groupe d'indignés l'avait violée pour lui apprendre la vertu. La vérité, enterrée de nuit dans la fosse commune, reposait avec la droiture et l'honnêteté, mortes toutes les deux sans héritiers."

Il n'y a aucun temps mort, on est emporté dans ce récit, dans l'énigme du meurtre de Jean de Renom et dans les histoires parallèles de la même manière, j'ai tout aimé dans ce livre. La fluidité du texte, l'intrigue en elle-même, le caractère de Mallock et son excentricité, son équipe que j'ai hâte de découvrir dans les autres tomes et puis la tournure finale du livre, le coup de grâce dans le dernier acte qu'on ne peut lire que d'une traite, tout est absolument génial. Il n'y a rien à jeter, c'est une vraie découverte pour moi, j'ai envie de lire encore du Mallock, je crois que je suis tombée sous le charme de cet "ours" d'Amédée!

Mon avis :

Les larmes de Pancrace de Mallock, à paraître le 11 février 2016, est une « réédition complète et complétée » d’un thriller déjà paru en février 2014. Il s’agit également du quatrième opus de la série Les Chroniques barbares, présentée par l’auteur comme une « septologie de littérature policière… conçue et planifiée, dès le départ, comme un tout » et dont à ce jour 5 tomes sont parus. L’auteur précise néanmoins que chaque histoire, parfaitement originale, peut se lire indépendamment des autres.

Fort heureusement car en ce qui me concerne, je n’avais pas lu la première version du roman ni aucun des quatre autres tomes de la série – lacune que je m’empresserai de combler dans les semaines à venir, en espérant qu’ils soient à la hauteur de celui-ci. Car quelle histoire ! Quel suspens ! Quelle imagination ! J’ai tout simplement été happée par une lecture qui a su me tenir en haleine et me captiver jusqu’au bout.

Il faut dire que l’auteur a su réunir tous les bons ingrédients d’un thriller réussi. Et en premier lieu le personnage principal, complexe et torturé comme on les aime. Le commissaire Mallock est un homme charismatique, respecté de tous ses pairs. Sa rare intelligence, son sens de l’observation et ses intuitions fulgurantes, venues d’on ne sait où, lui permettent de mener ses enquêtes d’une façon peu orthodoxe, certes, mais avec des résultats indéniables. Mais c’est aussi un homme à la folie douce, plein de névroses, cassé par la vie, qui tente en vain de lui redonner un sens depuis la mort brutale de son fils… Les drogues et l'alcool dans lesquels il aime à s'abîmer ne sont qu'un des aspects de son profond mal-être.

Face à ce personnage clair-obscur, ce redoutable enquêteur, les énigmes et les mystères se devaient donc d’être à la hauteur. Et c’est le cas ! Tout commence avec l’assassinat de Jean de Renom, le propriétaire d’un vignoble bordelais. Sa femme, Camille Corneille, qui est aussi la fille d’une puissante politicienne, est la principale suspecte. Alors que tout l’accuse, Gilles Guédrout, commissaire à Bordeaux et ami de la famille, a cependant du mal à croire en sa culpabilité. Il demande donc l’aide de Mallock qui très vite, en plongeant dans les secrets des deux familles, fait remonter à la surface et ajoute à ce premier mystère d’anciens crimes oubliés, d’autres victimes à innocenter. Pour cela, il devra résoudre de nombreuses énigmes, véritables casse-têtes type « Le mystère de la chambre jaune » dont les solutions, inimaginables au début du roman, prennent peu à peu corps au fil de la lecture, mêlant pour notre plus grand plaisir et notre plus grande stupéfaction souterrains, frondes, doubles de clef, yatagan et champignons vénéneux…

Car toutes ses énigmes sont l’œuvre d’un génie du mal, LE grand méchant de l’histoire. Et là encore, quel méchant ! Un ennemi puissant et mortel, machiavélique et combattant, un véritable monstre dissimulé sous une apparence humaine… Le combat qui l’opposera à Mallock sera donc sans merci. Et pourtant, et c’est là aussi l’une des forces du roman, l’auteur nous donnera les clefs pour comprendre l’origine du mal. Lors d’une confrontation finale mémorable, pleine de tensions et d’émotions, l’ennemi révélera ses failles, ses blessures, et nous comprendrons en partie sa folie.  

Enfin, et j’ai adoré cette touche historique très bien documentée, dans ce roman, les événements du présent sont intrinsèquement liés à ceux qui se sont déroulés dans le passé, il y a plus de sept siècles, en plein cœur du Moyen-Âge. C’est en effet à cette époque que le fondateur du vignoble, Pancrace d’Armuth, commet un crime épouvantable. Les répercussions s’en feront sentir à travers les siècles... Au fur et à mesure que Mallock progresse dans son enquête, nous suivons donc en parallèle cette tragique histoire d’amour et de trahison, de templiers et de trésor caché, le tout sur fond de peste noire. Les deux récits se font échos, tissant leurs liens à travers le temps.  

En conclusion, je ne pourrais donc que vous recommander l’ouvrage de ce thriller captivant pour ses énigmes insolubles, son ancrage historique et sa magistrale mise en scène de la folie humaine. Vous ne pourrez pas le lâcher.