Mon avis :
Je suis folle de J.Courtney Sullivan (elle vient au Festival America, youhou) et c’est avec une vraie impatience que j‘attendais de dévorer son nouvel opus… et comme à chaque fois, la magie a opéré, j’ai adoré Maine. C’est grinçant, touchant, dérangeant parfois, en un mot : Parfait !
Comme pour Les Débutantes, nous avons quatre personnages principaux, quatre héroïnes qui s’expriment à tour de rôle en alternant les chapitres. Ces femmes nous livrent leurs pensées, leurs doutes et espoirs et nous livrent une réflexion sur le rôle de femme/mère/enfant le temps d’un été dans leur maison de famille à Cape Neddick dans le Maine.
Il y a d’abord la grand-mère, Alice. Pas vraiment une mamie gâteaux aimante et câline. A 80 ans, Alice est encore une belle femme qui aime séduire et charmer. Plus jeune, elle rêvait d’aventures, de liberté, de partir à paris pour devenir un grand peintre. Mais la mort de sa sœur Mary (et la culpabilité qui l’accompagne) va la pousser à renoncer à ses envies et à se marier avec Daniel. Peu aimante avec ses enfants, c’est une femme dure, critique, jalouse, très pieuse aussi qui se réfugie dans l’alcool pour oublier le temps qui passe.
On fait ensuite connaissance avec Maggie, la petite-fille d’Alice qui vit à New-York et aimerait emménager avec Gabe son petit ami. Alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte, Gabe lui annonce qu’il préfère en rester là et se séparer d’elle. Elle espère que son été dans la Maine, près de sa famille et de sa mère, lui permettra de se reconstruire et d’aller de l’avant. Vient ensuite Kathleen, la fille un peu bohème d’Alice et mère de Maggie. Après des années d’errance, elle est parvenue à se sortir de l’enfer de l’alcoolisme et elle élève des vers de terre en Californie avec son nouveau compagnon. Elle s’en sort bien, aussi financièrement que sentimentalement mais depuis le décès de son père, elle se tient à distance de sa famille qu’elle juge toxique et contre laquelle elle garde une vive rancœur. Autant dire que les rapports avec sa mère sont tendus, d’autant plus qu’Alice l’estime plus ou moins responsable de la mort de Daniel.
Enfin, c’est le tour d’Ann Marie (unique Ann Marie), belle-fille d’Alice, que l’on pourrait surnommer Miss Perfection, Fée du Logis, Mère de l’année, Belle-fille parfaite… Toute sa vie et son foyer semblent parfaits mais ce n’est qu’une apparence, en réalité, Ann Marie s’ennuie dans sa vie, dans son couple et nourrie des sentiments coupables pour l’un de ses amis. Et comme si cela ne suffisait pas dans le genre cinglée /obsédée, Anne Marie a une passion dévorante : les maisons de poupée ! Elle dépense une fortune là-dedans et y consacre tout son temps libre, participant même à des concours.
Le temps d’un été dans le Maine, le dernier mais cela à part Alice, personne ne le sait, ces femmes vont se découvrir, s’affronter, se déchirer pour mieux se reconstruire. Comme toujours avec J.Courtney Sullivan, les sujets abordés sont douloureux, intenses, complexes mais abordés avec une certaine légèreté et beaucoup de mordant. Il faut gratter derrière les apparences pour comprendre que quelque chose cloche dans cette famille et que cela va mal, très mal. Mais attention, avec cet auteur, rien n’est rose bonbon et ultra positif genre « L’amour sauve et change tout », non, elle prend plaisir à appuyer là où cela fait mal. On se plait à haïr Alice et sa froideur, sa méchanceté, on se moque allégrement de la parfaite mais cinglée Ann Marie et finalement, on ne s’attache vraiment qu’aux brebis égarées de la famille, Kathleen et sa fille.
Un roman dense, complexe qui se lit avec bonheur et nous pousse à réfléchir sur les liens familiaux et les rapports mère/famille, une réussite !