BOLTON Sharon, Sous Emprises

Sous Emprises
Sharon Bolton

sortie le 8 janvier 2015

Tout carnivore est à la fois proie et prédateur. Seul, au sommet de la chaîne, l’homme se croit invulnérable. Il est pourtant le gibier favori du plus dangereux des rapaces : lui-même.

À l’université de Cambridge, Evi Oliver, la psychiatre responsable des services de soutien psychologique, contacte Scotland Yard : une vague de suicides inquiétante frappe les étudiantes. Lacey Flint, jeune et jolie policière, est alors envoyée infiltrer les bancs de l’université. Une mission qu’elle compte remplir au plus vite : jouer les fragiles jouvencelles ne lui correspond guère.

Mais, petit à petit, l’enquêtrice sûre d’elle et inébranlable vacille. D’étranges rêves peuplent ses nuits. D’ailleurs, s’agit-il bien de chimères ? Alors que les frontières de la réalité se brouillent et que le doute l’assaille, les griffes de l’angoisse l’étreignent et la portent au bord du gouffre.

À croire que, dans l’ombre de son sommeil, quelqu’un joue de ses peurs pour mieux étendre son emprise sur elle…

Mon avis:

Alors là, j’ai tellement aimé que les mots me manquent… Dévorées en quelques heures, les 500 pages de cet excellent thriller m’ont laissée toute désolée d’avoir déjà fini, à lire et relire la quatrième de couverture, les remerciements et même les notes de l’auteur pour ne pas avoir à les lâcher…

L’action est concentrée sur une quinzaine de jours, et l’intrigue est menée tambour battant, sur un rythme ramassé, effréné, sans temps mort. On peut regretter que ce choix, qui rend la lecture si palpitante, ne permette pas – ou peu – d’analyse sur les motivations du coupable, malgré quelques flash-back bienvenus. En privilégiant une cadence soutenue, qui entretient d’autant mieux le suspense que la scène d’ouverture laisse craindre la mort de l’héroïne avant de revenir sur les événements qui y ont conduit, on n’a pas le temps de dessiner vraiment le parcours du coupable, en tous cas de s’y attarder. Dommage, d’une part parce que le personnage se prête bien à une découverte progressive, et d’autre part parce que les quelques tentatives allant dans ce sens sont très réussies, et donnent vraiment envie de comprendre son profil. Fort heureusement la qualité de l’ensemble comble totalement cette mini-frustration !

L’enquête en elle-même est menée de façon originale, puisque l’héroïne est envoyée en mission d’infiltration au sein de l’université de Cambridge, où ont lieu de trop nombreux suicides depuis environ 5 ans. Adieu donc analyses ADN et accès aux fichiers de la police, il s’agit véritablement d’un thriller psychologique, d’autant plus qu’elle est aidée dans sa tâche par la thérapeute qui a donné l’alerte. Un parti prix bienvenu, à notre époque où les avancées technologiques permettent trop souvent aux auteurs ou aux scénaristes des raccourcis faciles : « Chef, j’ai retrouvé une trace de pneu sur les lieux du crime !
– Je vois, il s’agit d’un modèle 2004, une Audi verte, pneu gauche, avec un caillou dans la rainure.
– Ah ben ça tombe bien, on n’en a vendu qu’un seul modèle ces dix dernières années, à un certain M. Cémoi.
– Attendez, je lance une recherche GPS de localisation de son téléphone, on y va les gars ! »

Le personnage principal, enfin, est très bien écrit. J’ai parfois un peu de mal avec les personnages féminins dans les polars, car leur présence dans un milieu traditionnellement masculin donne souvent lieu à des clichés intenables : des créatures sublimes qui soit nient totalement leur féminité avant qu’un beau mâle ne la leur révèle, soit qui assument totalement le port de talons aiguilles tout en maîtrisant parfaitement le démontage/remontage du bazooka. Ici, à mon sens, le personnage est réaliste, et surtout très attachant. C’est une jeune femme compétente mais aussi faillible, qui a visiblement un passé assez lourd mais sur lequel l’auteure ne s’attarde pas lourdement, ni excessivement courageuse ni trop fragile. Les dialogues et les situations sont parfois très drôles ; en somme, tellement de justesse dans l’écriture que l’auteure a même réussi à ne pas me faire lever les yeux au ciel lors des passages sentimentaux, heureusement assez rares pour moi, mais aussi assez intenses pour satisfaire les amateurs.

Bref, j’en veux encore, et je me maudis d’avoir dévoré si vite Sous Emprises, que je vous invite à déguster sans délai !