Mon avis :
Une héritière à marier, de June Francis, nous transporte en Angleterre en 1520, sous le règne d’Henri VIII. Beth vit à Londres. Elle est la fille de Maître Llewellyn, le propriétaire d’un atelier d’imprimerie et d’une librairie. Passionnée par le métier de son père, elle en maîtrise tous les aspects, à la fois techniques et commerciaux. Mieux, elle en entrevoit tout le potentiel : alors que son père n’imprime que des textes religieux, elle comprend que les gens alphabétisés, toujours plus nombreux, ont soif d’autres choses. Cette certitude la pousse à imprimer en cachette une gazette, distribuée dans tout Londres, qui diffuse ses propres écrits. Intelligente, visionnaire, Beth espère donc, après la mort suspecte de son frère et l’assassinat de son père, reprendre les rênes de l’affaire familiale. Mais c’est sans compter sur son époque et la place qu’elle réserve aux femmes… Elle se retrouve au contraire contrainte d’obéir au tuteur désigné par son père, Sir Gawain, qui a désormais tout pouvoir sur elle et sur l’imprimerie et est bien décidé à lui trouver un époux.
À partir de là, deux intrigues vont s’entremêler pour donner une histoire riche en évènements et en rebondissements, racontée successivement du point de vue de Beth et de Sir Gawain.
La première intrigue, c’est bien sûr le développement de la romance entre la jeune fille et son tuteur. Elle suit un schéma on ne peut plus classique. Les deux protagonistes sont d’abord mis en présence dans une situation qui leur est a priori défavorable et qui ne peut que provoquer des étincelles : elle est éprise d’indépendance et refuse catégoriquement de se marier, il est chargé de lui trouver un mari pour gérer en son nom et place l’affaire de son père. Pourtant, et malgré leurs nombreux désaccords, les deux héros se retrouvent rapidement attirés l’un par l’autre. Pour accéder au bonheur, ils doivent cependant triompher d’un certain nombre d’obstacles, le principal étant Mary, la femme légitime de Sir Gawain (le problème sera d’ailleurs réglé d’une manière plus que définitive, je n’en reviens toujours pas !). Une romance sans originalité, donc, mais que j’ai quand même appréciée : les personnages, leurs disputes, l’attirance physique qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, l’évolution de leurs sentiments… j’ai trouvé que tout était bien dosé, crédible et équilibré, ni trop niais, ni trop soudain. Et le personnage de Beth, passionnée par les livres, intelligente, et qui même amoureuse ne tombe jamais dans la caricature, m’est éminemment sympathique.
La deuxième intrigue tourne autour des meurtres du frère et du père de Beth. Tout au long du roman, les deux héros enquêtent et cherchent à découvrir la vérité. Les nombreux indices (une dague ensanglantée, une étrange femme vêtue de rouge…) éveillent notre curiosité, les révélations qui jalonnent le roman nous questionnent (S’agit-il d’un crime religieux ? passionnel ?), les suppositions des héros nous interpellent… Bref, l’intrigue est bien lancée. Mais sur le dernier quart du roman, c’est la catastrophe ! Le dénouement est complètement bâclé : d’un coup, les évènements s’enchaînent rapidement jusqu’à une scène finale où les motivations du tueur sont à peine esquissées... Je sais, il s’agit d’une romance historique, et la priorité de l’auteure n’était sans doute pas l’intrigue policière, secondaire. Mais quand même ! Quel gâchis ! L’idée de base et le début étaient très bons, et plus soigné, plus développé, le dénouement aurait permis de donner une toute autre ampleur à ce roman.
D’autant plus que, autre point positif, l’auteure maîtrise extrêmement bien son sujet et son époque. Le contexte historique, très développé, s’intègre parfaitement à l’histoire. C'est ainsi que nos héros assistent à des événements historiques comme le camp du Drap d’Or, la célèbre rencontre diplomatique organisée par le cardinal Wosley entre Henri VIII d’Angleterre et le roi de France, François Ier. Mais plus globalement, c’est toute la Renaissance qui sert de toile de fond au roman. June Francis a en effet choisi une époque de grands bouleversements : le développement de l’imprimerie et du savoir, la diffusion des écrits de Luther et le début de la Réforme protestante, les voyages vers le Nouveau Monde… tous ces faits historiques influencent la personnalité des personnages et s’imbriquent parfaitement avec les événements qu’ils vivent.
Au final, je dirai donc que j’ai trouvé ce roman intéressant, essentiellement grâce au personnage de Beth et à la qualité des références historiques. Dommage que la fin, bâclée, gâche un peu le tout !