A l'occasion de Livre Paris (ou anciennement Salon du Livre), nous avons rencontré lors d'un petit déjeuner Emelie Schepp et son mari Henrik. Il a été question de la naissance de la série
Jana Berzelius, véritable phénomène dans son pays la Suède, et de son travail d'écriture.
Emelie Schepp nous présente d'abord la série : celle-ci comptera au moins 6 tomes et non 3 comme annoncé. Chaque tome porte sur une enquête, basée sur des faits de société réalistes, avec pour fil rouge une héroïne, Jana (prononcé "Iana"), fille de Karl et Margaretha Berzelius. Emelie se donne alors à travers elle toute liberté. A 30 ans, Jana travaille pour le procureur général Torsten Granath au bureau de Norrköping (ville centrale du pays, traversée par le fleuve Motala).
La rencontre d'Emelie Schepp avec l'écriture est récente. Elle a officié pendant 10 ans dans l'entreprise de marketing de son mari en tant que chargée publicitaire. Par un désir de changement, elle a voulu écrire de façon bien plus étoffée que dans des articles. Emelie a donc suivi un programme de 2 jours intensifs à l'écriture de scénarios cinématographiques. On y apprenait à placer un environnement, y insérer des personnages et à les faire évoluer. Après la finalisation de deux scripts, et leur envoi à plusieurs producteurs, elle a au final changé de cap, le cinéma suédois étant très cher à financer. Pourquoi pas un roman s'est-elle dit ?
Travaillant encore à plein temps à ce stade, elle s'organisait une routine. En premier, les levées à 4 heures du matin, puis l'arrêt de la TV et du portable le soir, pour ensuite écrire plutôt après le coucher de ses enfants. 6 mois plus tard, elle présentait son 1er manuscrit à une maison d'édition. L'attente réglementaire en Suède, quel que soit l'éditeur est de 3 mois pour obtenir une réponse. 2 semaines seulement après, elle recevait une enveloppe d'une grande maison, mais après quelques instants d'espoir, la réponse était (effectivement) négative. Elle s'est petit à petit mise à creuser l'idée de l'auto-publication en attendant d'autres réponses.
Après le seuil des 3 mois, elle commence à appeler : aucun n'avait lu son manuscrit (5000 ébauches par an sont envoyées en Suède uniquement pour le thriller). 6 mois supplémentaires d'attente et toujours la même réponse. Emelie décide donc d'opter définitivement pour l'auto-édition et c'est le début d'un long travail, mais ô combien payant !
Elle engage un agent éditorial et un graphiste, et imprime son livre en couverture souple. Elle en vend quelqu'un aux lecteurs qui se présentent. Grâce à son bagage dans le marketing et l'aide de son mari, elle parvient à en vendre 40 000 exemplaires en 6 mois, en 2013 (pour comparaison, les écrivains de polar distribuent dans les 2 premiers mois, 16 000 exemplaires). Elle construit un solide réseau sur Facebook, Twitter et surtout, et toujours sur la route en Suède et ailleurs, pour présenter le livre en face-à-face. C'est le Harper Collins suédois qui après avoir repéré ce succès, a acheté les droits de la série Jana Berzelius.
Aujourd'hui, il en a été tiré plus d'un million d'exemplaires et traduit dans 29 pays.
L’histoire de Jana et ses origines proviennent du désir d’Emelie Schepp d’en faire un personnage complexe et assez étrange d’un premier abord pour le lecteur. Pour cela, elle savait qu’elle devait remonter à l’enfance de son héroïne.
- Spoiler:
Emelie avait vu aux actualités l’accident d’un camion contenant des familles sans papiers. Après des recherches, elle savait que Jana proviendrait d’une famille d’immigrés ayant traversé l’océan à bord d’un porte-container. A son arrivée en territoire suède alors qu’elle est enfant, elle est entraînée dans le but d’en faire un assassin. En se réveillant à 9 ans dans un hôpital, elle n’a aucun souvenir de son enfance. En grandissant, elle tente en vain de rassembler les vagues indices qu’elle a pour comprendre son passé. Mais c’est lors de l’enquête sur le meurtre de Hans Julhèn que tout remonte à la surface pour Jana, et elle enfreint la loi pour protéger son identité.
Si dans le premier tome,
Marquée à vie, Jana est à la recherche son passé (voir
notre avis), dans le second,
Marked for Revenge, elle cherchera à l’oublier. Aller de l’avant ne sera pourtant pas une mince affaire, car elle rencontrera sur son enquête un homme qui en connaît bien trop et qu’elle devra retrouver.
Le tome 3 traitera des infirmières en ambulances et des cas d’urgence extrêmes. Quant au 4è tome, dont la sortie est prévue pour août en Suède, il s’agira d’un enlèvement.
Emelie Schepp a ensuite répondu à quelques questions :
Comment arrivez-vous a si bien décrire le fonctionnement du bureau de police ? Deux de leurs amis à elle et son ami sont des policiers hauts placés qui l’ont aidé à corriger quand il le fallait, et ainsi à parler des bons protocoles.
Si elle devait choisir : l’écriture de dialogues ou de scènes descriptives ?Elle aime quand le roman a un certain rythme. Pour ce qui est des dialogues intérieurs des personnages et de leur conflictualité, elle ne se trouve ps très douée, et préfère donc les conversations de personne à personne.
Si on vous le propose, plutôt adaptation pour la TV ou le cinéma ?Elle adorerait voir Jana sous un format série, car ça lui donnerait la possibilité d’approfondir des personnages comme Mia ou Henrik. Mais elle aurait du mal à dire non à une adaptation au cinéma !
Les auteurs scandinaves ont souvent la réputation d’écrire d’excellent thrillers, mais néanmoins froids : manque d’attachements envers les personnages, trop mécanique. Ce n’est pas le cas ici. Pour Emelie, c’est simplement le fruit d’une grande diversité dans le roman noir: blood crime (policier), thriller (suspense), plus psychologique, plus action…
Quels sont ses auteurs favoris ?Lee Child (pour la série Jack Reacher), Lars Kepler (pseudonyme d’un couple d’écrivains) surtout. Elle a récemment découvert la série Ghostman de Roger Hobbs.
En séries TV, elle affectionne également la Suédoise Bron (The Bridge dans sa version américaine) et The Fall, avec Gillian Anderson.
Un énorme merci à Harper Collins et à Stéphanie pour ce moment à part. Emelie est totalement dévouée à son métier, et on était subjugués par son ses paroles. On n'a maintenant qu'une hâte, avoir le tome 2 entre les mains !