Ce premier volet du dyptique
Les épées de glace est la réédition du roman paru sous le titre
Le Boucher, personnage éponyme du récit. Cette édition s’accompagne d’une superbe couverture signée Magali Villeneuve.
Nous sommes dans un Empire qui, après des guerres sanglantes face aux Koushites, a installé un climat prospère où les nobliaux comme les petites gens ne manquent de rien. Du moins en apparence. La politique de Marcus Ier basée sur l’éducation et la modernisation de Musheim – la capitale – par le licenciement de nombreux soldats a propagée une vague d’opposition.
Le jeune garde Malhin va s’en rendre compte bien assez tôt. Un mois après sa rencontre avec Deria, une fille de noble, celle-ci est retrouvée morte dans un caniveau de la Basse-Ville. Lui qui était avec la servante Shani le plus proche de Deria au sein du palais, il n’a pas le temps de s’effondrer que Semos, son supérieur et capitaine de la garde, lui demande de se taire. La belle, l’intelligente, l’intrépide Deria, douée au maniement de l’épée et à la langue bien pendue, a été assassinée. Malhin en est persuadé.
Avec Shani, il entreprend un long et périlleux voyage jusqu’à la baronnie Froideval, le palais le plus au nord de l’Empire. Shani est effrayée, mais la timide servante est bien déterminée à délivrer la vérité auprès du baron, le père de Deria. Son service personnel auprès de la jeune noble a créé une amitié sincère.
On va s’attacher très vite à ce duo, qui au-delà de la recherche d’une justice, se retrouve dans une aventure où complots et argent font la loi. Shani y voit aussi une occasion de se rapprocher de Malhin, qui l’a toujours considérée comme une amie sympathique. Son borné, son fier garde, n’a eu d’yeux que pour Deria. C’est au tour de Rekk, le père de Deria, de leur imposer le respect à présent, légende vivante, craint dans tout l’Empire par sa réputation d’ancien capitaine de la garde impérieux et sans pitié.
- Citation :
- « On m’a donné de nombreux noms. Le Faiseur de veuves. L’Epée de glace. Le Danseur rouge. Je suis Rekk. Le Boucher. »
Sous la plume harmonieuse et rythmée d’Olivier Gay, Rekk le Boucher prend vie au sein des terres hostiles du nord et des dangereux couloirs du Palais impérial. Rekk est un protagoniste fascinant, à la fois redouté et vénéré. Sa maîtrise du combat rapproché, son sens aiguisé de l’observation et de la survie, ont fait les frais du temps. A présent, ce n’est plus un combattant de l’arène, ni le capitaine de la garde de Musheim, mais un homme âgé dont le corps porte le poids des guerres. Même quand il ne fait pas d’apparitions, son souvenir a laissé une marque indélébile au palais : pour le riche et manipulateur duc Mandonius, ainsi que pour le rancunier duc Gundron – taillé pour faire face à Rekk.
Oliver Gay a tissé un récit foisonnant, porté par un baron privé d’une certaine moralité, doté parfois d’humour mais souvent naïf. Ici, aucun élément paranormal à proprement parlé, mais des codes de combats, des personnalités bien dessinées avec une question qui restera en suspens jusqu’à la dernière page : qui est le meurtrier de Deria ? Evidemment, nous avons quelques indices, mais les complots contre Rekk et ses compagnons ne donnent plus guère le temps de se pencher dessus. On alterne plusieurs lieux sans voir le temps passer, et chaque chapitre entretient un mystère jamais dissipé avant le final. J’étais ravie d’avoir le second tome sous la main vu cette fin !
J’ai donc passé un excellent moment, même si parfois j’ai eu envie de secouer Malhin et son ego d’ado fougueux en quête de reconnaissance.
Extrait ci-dessous : chez dame Dareen, la contrebandière alliée de Rekk
- Citation :
- « Shani s’empara de l’épée au sol. Elle essuya ses mains moites sur ses habits déchirés et se mit en position vaguement offensive.
— Plus jamais. Plus jamais une victime, grimaça-t-elle.
Eleon se redressa avec la souplesse d’un chat : sa rapière miaula en sortant du fourreau. Il lécha le sang qui coulait de sa lèvre fendu, et sourit.
— Je crois que vous méritez une leçon, les mômes. »