LES IMAGINALES 2012 : LA CONVIVIALITE AU RENDEZ-VOUS
Un an ! Un an qu’on attendait cet évènement, qu’on en parlait, qu’on l’organisait, qu’on ressassait les souvenirs de la dernière fois…. Et voilà c’est passé et nous en sommes plus qu’enchantés. Ça a été un véritable plaisir que de côtoyer des auteurs dans un cadre intimiste, de participer à des conférences aux thèmes classiques mais très intéressants, et surtout de retrouver nos amis de la blogosphère pour des moments de partage et de connivence.
Onirik, FantasyGate, ABFA et Eien Blog ça a été génial de participer à ces Imaginales avec vous. Nous avons aussi adoré discuter dans ce cadre informel avec les représentants des maisons d’édition que l’on apprécie tout particulièrement : Florence de Darklight (J’ai Lu), Isabelle et Leslie de Milady-Bragelonne, Audrey d’Orbit France. Merci à vous pour votre accueil chaleureux.
L’édition des Imaginales 2012 s’est déroulée du 30 mai au 3 juin, toujours à Epinal dans les Vosges. C’était incontestablement The place to be pour les amoureux de la Bit-Lit que nous sommes puisque c’était le thème à l’honneur cette année. Nous y étions du vendredi après-midi au dimanche et ces trois jours sont passés à une vitesse incroyable, comme un rêve.
Des auteurs d’exception ont été invités : MaryJanice Davidson, Jaye Wells, Marika Gallman, Cassandra O’donnell ou Mercedes Lackey. Elles se sont montrées chaleureuses, à l’écoute de leurs lecteurs, souriantes… en un mot adorables. Et il y a aussi celle sans qui les Imaginales ne seraient pas les Imaginales, à savoir Carina Rozenfeld, auteure prolifique qu’on adore et qui sortira en septembre le très attendu Phaenix dans la Collection R. Et pleins d’autres encore que nous ne pouvons pas tous citer mais que avons été ravies de rencontrer ou de revoir.
Tous les auteurs sont concentrés dans « la bulle », une grande tente blanche sise dans un magnifique parc au bord de la Meuse. Cela permettait de varier les plaisirs, entre déambulations, séances de dédicaces, conférences, pique-nique, détente, voire pour certains… pêche.
Dédicaces d'auteurs...Dans un cadre enchanté et enchanteur... En dehors des tables rondes et des petits déjeuners avec les auteurs, nous avons pu participer à des conférences sur des thèmes qui nous intéressaient tout particulièrement.
La principale avait pour objet « La Bit-lit, une nouvelle frontière pour l’imaginaire »,avec Sophie Dabat, MaryJanice Davidson, Marika Gallman, Cassandra O’Donnell et Jaye Wells (oui je sais ça laisse rêveur !).
En se présentant, la plupart des auteurs présents ont avant tout précisé qu’elles se considéraient comme des auteurs de Fantasy Urbaine et non de Bit-lit, dénomination qui n’existe qu’en France. Et toutes ont bien précisé que la Romance n’était en aucun cas un thème prédominant dans leurs romans. Du coup, elles ont à la fois des lecteurs féminins et masculins. MaryJanice Davidson a raconté qu’un lecteur lui a précisé que la seule fois où il refusera de lire un de ses romans ce sera en fonction d’une couverture rose.
Il leur a été demandé ensuite pourquoi les héroïnes sont toujours des femmes.
Jaye Wells a d’abord tenu à préciser que ce n’est pas toujours le cas, avant de citer en guide d’exemple les Dossiers Dresden de Jim Butcher. Elle considère en fait que la Fantasy urbaine est le « dark side de la chick lit », son côté sombre. On n’y trouve pas seulement des héroïnes qui vouent un culte aux escarpins et qui boivent des cocktails (Huées de MaryJanice Davidson !). Elles sont de vraies guerrières, capables des pires choses, comme de tuer leurs amis (elle a évidemment ici en tête la première scène de Sabina Kane). La seule chose qui diffère des héros masculins, c’est qu’on est davantage dans l’émotionnel, et du coup, en tant qu’auteur c’est encore plus intéressant à écrire.
Cassandra O’Donnell a rajouté que traditionnellement c’était toujours les héros masculins qui étaient mis à l’honneur, des héros à la Bruce Willis, beaux, musclés, qui enchainent les exploits extraordinaires et qui sauvent en prime la fille qui n’est là qu’en tant que décor, pour faire joli. Aujourd’hui, on a de vraies héroïnes féminines qui pensent, qui agissent, qui peuvent être violentes et tuer. Il ne faut pas s’en cacher : les auteures féminines écrivent de la telle fantasy urbaine car elles en avaient assez de « ces mecs qui prenaient toute la place ».
Marika Gallman a été dans le même sens et affirmé à son tour que c’était cette vision de la femme qu’elle voulait promouvoir. Ça leur permet aussi en quelque sorte de s’affirmer alors que dans la vraie vie ce n’est pas toujours le cas. Dans leurs romans, les femmes peuvent tout gérer : la famille, le boulot, les amis, leurs kilos, les hommes qu’elles séduisent… et tout ça en combattant les démons !
Quant à MaryJanice Davidson, elle a rajouté qu’elle est avant tout une lectrice. Elle choisit ses romans en fonction de la quatrième de couverture dans laquelle elle fait surtout attention à l’intrigue et non au sexe des héros.
Jaye Wells a embrayé en disant que c’était aussi un phénomène de génération. Les auteures féminines de fantasy urbaine ont toutes à peu près le même âge et font partie de ce qu’on appelle la génération X, celle de filles élevées pour devenir des femmes indépendantes aptes à combiner famille et boulot. Ces femmes veulent qu’on leur propose des choses qui leur parlent, en adéquation avec leurs vies. C’est un peu ce qu’on avait dans la série Buffy contre les vampires et c’est en partie ce qui explique son succès.
Tous leurs romans évoquent des créatures surnaturelles dont elles ont changé les codes habituels. Leurs vampires par exemple peuvent aller au soleil, manger, boire… et ne sont plus des objets de peur mais de désir.
Marika Gallman a expliqué qu’il s’agissait à son avis pour elle aussi d’un phénomène de génération. Les vampires traditionnels possédaient tous les attributs qui en faisaient des ennemis de la religion. On était alors dans des sociétés profondément pieuses. Les vampires d’aujourd’hui ne visent pas les interdits religieux mais d’autres interdits en phase avec les temps présents comme les désirs sexuels enfouis, des désirs parfois noirs et sombres.
Jaye Wells a complété en disant qu’elle a participé il y a peu à une conférence avec Gail Carriger et elle avait adoré la manière dont cette dernière avait répondu à la question. Avant les vampires étaient terrifiants mais ce sont des créatures qu’on a apprivoisées. Aujourd’hui ils ont été remplacés par d’autres créatures de peur comme les Zombies. En fait, les monstres reflètent l’état d’une société à un moment donné et ses valeurs. Les vampires symbolisaient le chaos et les peurs religieuses. Mais ces peurs n’ont plus cours aujourd’hui. Un des concepts à la mode en ce moment aux Etats Unis est celui d’Eros et Thanatos, le Sexe et la Mort. Et ce sont ces deux thèmes que les auteurs introduisent aujourd’hui à profusion dans leurs romans.
Pour Sophie Dabat, les vampires représentent désormais les préoccupations superficielles de nos sociétés, comme la peur de vieillir, le désir de rester éternellement beaux, minces et jeunes. Ce sont aussi des êtres qui n’ont aucun besoin de manger dans nos sociétés obnubilées par les régimes.
MaryJanice Davidson a affirmé à son tour que ce qu’elle aime particulièrement dans la Romance Paranormale c’est que l’auteure peut étendre à l’infini les frontières de son imagination. Et ça tombe bien parce qu’elle est très paresseuse et ça lui évite de faire des recherches. Du coup, les créatures dont elle parle sont ce qu’elle en a voulu en faire sans coïncider obligatoirement avec l’imaginaire collectif. Tant que l’auteure ne déroge pas avec les lignes qu’elle s’est fixé au départ et que ça reste cohérent d’un bout à l’autre, les lecteurs la suivront toujours, même si ses vampires se gargarisent à l’eau bénite.
Jaye Wells a aussi affirmé que les lecteurs actuels sont plus exigeants car ils cherchent – et c’est naturel- de la nouveauté. Ils veulent du changement par rapport aux codes habituels, de l’originalité.
Du coup, comme l’a dit Cassandra O’Donnell, les auteurs doivent partir des bases connues avant de se les approprier et de créer des créatures aux caractéristiques qui les identifiera tout de suite aux yeux des lecteurs.
Les romans de fantasy urbaine regroupent toujours les mêmes thèmes ; ce sont des histoires d’amour, de haine, de pouvoir et de vengeance. Après à chacun d’y apporter sa marque, avec ses créatures et son intrigue.
La conférence a fini sur les couvertures des romans. D’un côté, on vient d’entendre que les romans présentaient un nouveau visage de la femme, forte et maîtresse de son destin. Mais de l’autre, les couvertures montrent souvent des femmes sexy, en partie dénudées, dans des poses suggestives. Pour les auteures, ce n’est en rien antinomique. Leurs héroïnes sont des femmes fortes qui assument leur sexualité. Et les couvertures sont à la fois destinées aux hommes et aux femmes. Pour les femmes, elles représentent leurs fantasmes, ce qu’elles veulent être, l’idéal féminin auquel elles aspirent. Pour les hommes, ce sont des objets de désirs. MaryJanice Davidson a eu les parfaits mots de fin : « les femmes voudraient être comme ça et les hommes voudraient la baiser ! »
C'est aussi dans une ambiance détendu que Fabien Clavel, Sophie Dabat, MarieJanice Davidson, Jeanne Faivre D'Arcier et Marika Gallman, ont répondu aux questions d'une autre conférence portant sur le thème « Les enfants de Dracula....Vampires un jour, vampires toujours! »
Il leur a été tout d’abord demandé comment ils avaient conçus leurs personnages en tant qu’enfant de Dracula.
Pour MarieJanice, à chaque fois qu'elle entendait parler de vampires il était toujours question d'un homme d'environ 800 ans, britannique et qui reste dans l'ombre. Ce n'était pas ce qu'elle voulait, elle cherchait un vampire qui pouvait être plombier, qui avait besoin d'électricité, "qui vivait une vie relativement normale". L'auteur s'est posé la question de savoir ce qu'un vampire ferait après sa mort (celle où il se transforme) et elle s'est dit qu'à sa place elle chercherait sa mère. D'où Queen Betsy qui, malgré son état de vampire, veut continuer de vivre comme si tout était normal.
Fabien Clavel qui n'a jamais lu Dracula, voulait quelque chose qui l'intéresse, plus tourné sur la fantasy ou la science fiction. Il voit plus dans le vampire quelque chose qui peut contribuer à la science.
Jeanne Faivre D'Arcier a eu une approche plus classique du vampire de Bram Stoker. Elle en a fait un mélange avec un mythe hindouiste et une période historique comme la révolution française dans "Le dernier vampire". Elle s'est dit que le vampire est un être immortel et a donc beaucoup de mémoire pour restituer l’Histoire.
Marika Gallman n'a fait quant à elle aucunes comparaisons avec d'autres vampires. Elle n'aime pas les clichés. Maeve, son héroïne dans "Rage de dent" n'est qu'en partie vampire et il y a plus une sorte de malédiction qui pèse sur elle.
Pour Sophie Dabat, la caractéristique principale actuellement est que l'on retrouve un héros par tome et souvent un homme qui rencontre une femme normale qui va le séduire, elle a fait référence entre autre à la Confrérie de la Dague Noire, à la série Minuit ou encore aux Gardiens de l'éternité où l'on retrouve de gros "machos" et ça ne leur réussi pas puisqu'ils se font séduire par des femmes. Pour l'auteur, dans la Bit-Lit, genre qui l’intéresse davantage à la Romance Paranormale, les femmes sont les vraies héroïnes. Il y a aussi un côté positif, les vampires veulent vivre, ils ne restent pas à trainer dans les cimetières, ou à se morfondre sur leur sort. Dans la Bit-lit, on en retire un portrait féministe de la femme. Il y a deux versants, celui de Buffy, qui se bat et celui de Twilight avec la jeune femme qui n'a pas de pouvoirs et qui veut dompter le vampire, et bien sûr le côté qu'on retient le plus est celui de Buffy ! Il faut aussi savoir qu'en Bit-lit, il y a plus de femmes qui écrivent sur des femmes pour un lectorat féminin. Et l’on sait par exemple Robin Hobbs, à ses début, avait pris un pseudo masculin.
Pour Fabien Clavel, ça ne change pas trop dans l'écriture de changer le sexe du héros. Il parvient sans problème à se mettre dans la peau d'une fille.
Et le sexe dans tout ça ? Les vampires sont très sexuels et sensuels, ce qui fait partie des premiers tabous liés à la mythologie vampirique. C’est le parfum d’interdit qui attire et qui fait peur. Marika Gallman a ainsi récupéré cette caractéristique propre aux vampires pour son personnage de Maeve Regan. Du coup, elle est moins perçue comme une « salope ».
Ce côté sexe du vampire est donc aussi très lié à la religion, fruit de la période où il est né. Et on peut encore trouver des réminiscences de cette idée. Dans Twilight par exemple, Bella veut coucher avec Edward mais lui veut se marier avant.
Autre apport de la religion : les vampires pour vivre boivent du sang, dans la religion on retrouve le vin de messe considéré comme le sang du Christ ; ou encore au moment de leurs règles les femmes sont considérées comme impures dans certaines religions.
Si on remonte bien plus loin, Lilith qui aurait été la première femme d'Adam, pratique une sexualité masculine, elle aime être au-dessus et ne veut pas se reproduire, elle est stérile et donc doit courir après des nourrissons d'où les vampires. Pour ceux qui ont regardé Buffy, dans la dernière saison, le méchant a les traits d'un prêtre.
Nos vampires ont bien évolué. Ils n'ont plus besoin de se repentir et dans certaines séries les vampires ne se cachent pas, ils ont dévoilé leur existence.
Et voilà, les Imaginales sont finies. Il nous reste encore un an à rêver à celles de l’année prochaine en espérant qu’elles soient aussi bien que celles de cette année !
À l’année prochaine !