Messages : 12159 Date d'inscription : 10/07/2011 Age : 45 Localisation : Paris
Sujet: JAENADA Philippe - Sulak Ven 23 Aoû - 8:38
Sulak Philippe Jaenada
Julliard Sortie le 22 août 2013
Quatrième de couverture :
Il était jeune, il était beau, il s’appelait Bruno Sulak, et fut, au début des années 80, l’homme le plus recherché de France. Gentleman braqueur, il défraya la chronique judiciaire et séduisit tous ceux qui l’approchèrent, jusqu’au célèbre policier qui mit fin à cinq années de cavale effrénée. De sa vie tourmentée, Philippe Jaenada a fait un roman biographique captivant.
Comme le dira plus tard le commissaire Georges Moréas, en d’autres circonstances, Bruno Sulak aurait pu devenir un des meilleurs flics de France. Mais le hasard a fait de lui un braqueur, sans doute le plus audacieux et le plus fascinant de son époque. Après avoir grandi à Marseille et brièvement fréquenté quelques voyous, Bruno intègre l’armée. Doté d’une mémoire prodigieuse, doué dans toutes les disciplines, il est rattrapé par un vol de motocyclette commis à l’adolescence. On le chasse sans le moindre égard. Il rejoint alors la Légion, comme son père. Sportif émérite, il s’entraîne au parachutisme, et bat le record de chute libre. Mais on lui refuse l’homologation de son exploit, à moins de s’engager pour 5 ans de plus. Une injustice qui le pousse à faire le mur pour aller passer le week-end en famille. Pendant son absence, l’ordre est donné à son régiment d’embarquer pour le Zaïre et ce qui n’était qu’une escapade devient une désertion. Il ne peut plus rentrer et bascule alors dans la délinquance. Avec son fidèle complice Drago, il se lance alors dans le braquage de supermarchés, rencontre la belle Thalie, une jeune fille de bonne famille qui va participer à certains vols à mains armée, au volant de la Simca que Bruno utilise comme une signature à chacun de ses hold-up. Incarcéré une première fois, il étudie l’anglais et le droit, puis s’évade au nez et à la barbe des gardiens. Il s’attaque à des bijouteries, se présente chez Cartier en tenue de tennisman, une raquette à la main, profite d’une visite officielle d’Helmut Khol pour aller cambrioler un joailler parisien dans un quartier truffé de policiers… Adepte de la non-violence, il n’a jamais blessé personne, avait toujours deux balles à blanc dans son revolver au cas où on le forcerait à tirer. Généreux, épris de liberté, révolté par l’injustice, il se tint jusqu’au bout à son code d’honneur et ne dénonça jamais ses complices. Mais sa dernière incarcération à Fleury-Mérogis lui fut fatale : son ultime tentative d’évasion tourna à la tragédie et suscite encore la polémique.
Il fallait toute l’ironie et le second degré de Philippe Jaenada pour trouver la bonne distance vis-à-vis de ce personnage magnifique. Construit sous forme d’anecdotes croisées, son récit nous permet de suivre en simultané l’évolution des personnages clefs qui vont s’associer à Sulak. Avec son humour pince-sans-rire et son style inimitable (usage immodéré des parenthèses, digressions en chaîne…), Jaenada imagine ce que la vie de Sulak aurait pu être si tel ou tel événement ne s’était produit, montrant par là les hasards qui président au destin d’un homme. D’une grande tendresse à l’égard de son personnage, il dresse le portrait d’un homme intègre et retrace avec nostalgie cette époque où les gangsters avaient encore du panache.
Dernière édition par Karen le Ven 23 Aoû - 9:02, édité 2 fois
Karen Admin
Messages : 12159 Date d'inscription : 10/07/2011 Age : 45 Localisation : Paris
Sujet: Re: JAENADA Philippe - Sulak Ven 23 Aoû - 8:42
Avec un talent fou, Philippe Jaenada nous dresse ici plus que le portrait de Bruno Sulak, ce gangster au destin exceptionnel qui prônait la non-violence. Il nous retrace avec une minutie affolante de réalisme les événements qui l’ont amené au « casse du siècle » et à sa mort dans la nuit du 28 au 29 mars 1985, à l’âge de 29 ans, dans des circonstances pas tout à fait éclaircies encore. Son vécu et son ressenti sont retranscrits de telle sorte qu’on referme le livre en ayant l’impression de l’avoir connu intimement, de l’avoir compris, d’avoir subi une lourde perte.
Quitte à retracer la vie de Sulak, autant remonter jusqu’aux origines, au parcours de son père Stanislas Sulak, polonais, qui n’a pas supporté que son père se contente, comme tout étranger, d’une « carrière » d’ouvrier agricole. Engagé dans la légion d’honneur, il combat en Indochine puis en Algérie où il rencontre Marcelle Amoyel. C’est là, à Sidi Bel-Abbès que le petit Bruno Sulak voit le jour. Suivront trois autres enfants. En pleine guerre d’Algérie, Stanislas et Marcelle décident de partir en France et emménagent dans le Sud. Petit délinquant à Marseille dès 15 ans, Sulak finit par s’engager dans l’armée puis dans la Légion Etrangère, comme son père, sous le nom de Bernard Suchon. En parallèle, nous suivons les vies de Novika Sivkovic, dit Steve le Grand, ou encore de Thalie, qui deviendront ses complices. Même la vie de Georges Moréas, le flic qui le poursuivait et l’a arrêté, nous est contée. C’est en 1980 qu’il s’allie avec Steve et commence à multiplier les braquages : des supermarchés, la bijouterie Van Gold à Paris, Cartier avenue Montaigne, puis enfin Cartier toujours sur la Croisette à Cannes, en tenue de tennis. Bruno écrira plus tard : « Je suis entré en tennisman du dimanche, et je suis ressorti avec la fortune de Björn Borg. » Mais il est arrêté en février 1984 à la frontière espagnole et en prend pour neuf ans de prison. Son ami Steve essaye de le faire évader, mais avant même de mettre son plan à exécution, il est tué par la police. « Son ami, son frère, a été assassiné. Abattu. Bruno se sent dégringoler, mourir lui aussi. Eux qui ont toujours eu pour règle de ne tirer sur personne, jamais. Steve n’existe plus. En quelques secondes, la comédie, le jeu, se sont transformés en tragédie, nauséabonde. Maintenant, plus rien n’est drôle. » Dans la nuit du 17 au 18 mars 1985, à Fleury-Mérogis où il est incarcéré, Sulak en tentant de s’évader aurait sauter du deuxième étage. Il mourra dix jours plus tard sans qu’on sache vraiment ce qu’il s’est passé.
Philippe Jeanada écrit son histoire en s’adressant de façon directe au lecteur, et en le prenant même parfois à partie en l’interrogeant ou en insérant l’air de rien des anecdotes sur sa propre vie. C’est ainsi qu’on apprend que : « le 25 mai 1964, je nais, à Saint-Germain-en-Laye. Mais en l’occurrence, on s’en fout un peu ». Sa plume est vive, alerte, truffée de réflexions drôles et incisives, de digressions qui nous font voyager dans les méandres de son esprit. Mais ce qui marque le plus c’est qu’on ressent avec acuité sa passion, son envie d’en savoir toujours plus, la volonté de mettre en avant la manière dont le destin a fait se rencontrer tous ces individus d’exception. On ressent au final sa tendresse et son admiration pour le personnage et on ne peut que les faire nôtres au bout d’un moment. Les événements nous sont retranscrits avec une chronologie très précise, et en y insérant les personnages au fur et à mesure qu’ils naissent ou qu'il y ait un changement significatif dans leur vie. Et ce pour tous les personnages qui graviteront à un moment ou un autre autour de Bruno Sulak. On ne peut être qu’époustouflé par l’énorme travail de recherches de l’auteur, de l’étude des archives à d’innombrables enquêtes sur le terrain à la recherche de témoignages. Cependant, trop de détails noient l’essentiel et font parfois ressembler cet ouvrage davantage à un compte-rendu de recherches qu’une biographie romancée sur un personnage. C’est très dense, impossible de le lire d’une traite. Il gagne au contraire à ce qu’on s’interrompt assez souvent le temps d’emmagasiner les informations, de les traiter, pour repartir de plus belle.
Philippe Jaenada clôt son roman en nous donnant des nouvelles de ceux qui sont encore vivants aujourd’hui, et nous sommes heureux, comme si nous recevions des nouvelles sur des amis ou de la famille perdus de vue depuis longtemps.
« Après le temps que j’ai passé dans sa vie, ou du moins sur les traces qu’il en reste, dans ses écrits, près de ses proches, j’ai le sentiment de connaître un peu Bruno. » Sentiment qui transparaît à chaque page, forgeant encore davantage la légende de Sulak.