SHUSTERMAN Neal - LA TRILOGIE DES ILLUMIERES - Tome 3 : La cité des âmes

Neal Shusterman

Sortie le 8 janvier 2014

Tout a changé dans l’Éternéant. Mary, ancienne reine du lieu à la tête d’une armée d’enfants perdus appelés les Illumières, repose maintenant dans un cercueil de verre, impuissante. Quant à Allie-la-sans-caste, la rebelle, elle a été capturée et attachée à l’avant du train qui transporte Mary et les quelques fidèles qui lui restent. Fidèles qui ne manquent pas d’intéresser un certain roi maya aux émissaires surprenants. Jix ne ressemble à rien de ce que vous auriez vu dans l’Éternéant. Capable d’investir les corps des vivants, comme Allie, il a choisi d’habiter les grands félins: jaguars, panthères et tigres font son bonheur. Il commence même à leur ressembler, ce attise bientôt l’intérêt d’un autre rival, le chef de l’armée Fluo.

Neal Shusterman livre une conclusion magnifique à sa saga, mêlant aventures trépidantes à la poésie si particulière qui habite ses livres. En filigrane, il pose la question de l’emprise du pouvoir et de la mémoire et nous invite à réfléchir sur la question éternelle de la vie.

Et voilà, c’est fini ! Dernier tome de l’excellente Trilogie des Illumières, La cité des âmes clôt avec brio cette série du magicien Shusterman. Les deux précédents opus étaient très bons, celui-ci est brillant. Rarement auteur de young adult n’aura poussé aussi loin sa réflexion sur le Bien, le Mal et l’Au-Delà, sur la capacité à faire des choix, à lutter, à s’engager, le tout, sans jamais céder à la facilité ou le convenu. Oui, brillant, tout simplement brillant !

Après la fin que l’on connaît, l’Eternéant est plus que jamais en proie à des luttes de pouvoir, de domination entre les différents groupes d’Illumières. Milos, à la tête de ses troupes et de son train, tente de calmer le jeu et d’amener ses ouailles vers de nouveaux territoires, ceux choisis par Mary Tourcéleste, l’ancienne Reine de l’Eternéant dont ils attendent avec impatience le retour (plus que quelques mois à patienter). En secret, Milos poursuit aussi le grand rêve de Mary, créer une véritable armée d’âmes perdues pour anéantir le monde des vivants en le faisant basculer dans l’Eternéant ! Et il ne recule devant rien pour gagner un plus d’âmes chaque jour… En figure de proue de la locomotive, rien de moins qu’Allie La Sans-Caste, la plus célèbre des corpsbrioleurs, retenue contre son gré, ficelée, humiliée et terriblement seule à lutter contre Mary depuis la « mort » de Nick, l’Ogre en chocolat. Mais surprise des surprises, Nick n’a pas disparu, il est de retour mais sous une forme plutôt étrange et sans avoir gardé le souvenir de celui qu’il était. Cette renaissance, il la doit à Mickey, l'ancien monstre en pleine rédemption qui a tout risqué pour le ramener, le recréer. Mais les ennemis de toujours vont devoir compter avec un nouvel arrivant et pas n’importe qui : le roi de la Cité des âmes et ses disciples. Et avec lui, on ne joue pas, on ne plaisante pas, … on avance ou l’on disparaît !     

Et nous voilà une toute dernière fois plongés au cœur de cet Eternéant imaginé par un Neal Shusterman toujours aussi doué. Pour notre plus grand plaisir, tous les personnages marquants de la trilogie sont bien là : Mary, Nick, Mickey, Allie, Speedo, Milos… On les retrouve tous. Mary est fidèle à elle-même pour notre plus grand déplaisir (même mourir deux fois ne la change pas), elle poursuit son but, son rêve ultime sans crainte ni doute, sûre d’elle, ne servant toujours autant des autres (scrupules ? un mot qu’elle ne connaît certainement pas !). J’ai tremblé pour Nick et je suis ravie de le retrouver. C’est un personnage unique, tellement attachant. Dans ce dernier opus, il n’est plus vraiment lui et pourtant, son essence profonde est restée la même. Il est en lutte, en perdition, il se cherche, se raccroche à chaque petits bout de lui et cela ne le rend que plus émouvant. Mention spéciale à notre Mc Gill préféré. Quels changements depuis le premier tome ! De monstre sans cœur ni âme, il est passé à un héros amoureux et courageux. Mais surtout, il ne se bat plus seulement par amour, mais aussi simplement parce qu’il a une conscience, une perception du Bien et du Mal, il est redevenu « humain » en somme. De nouveaux personnages sont aussi présents, Jix, Illumière très féline et émissaire du roi de la Cité des âmes, notamment. Avec Jill, ils forment un duo assez déroutant mais aussi très drôle, leurs dialogues apportent un peu de légèreté dans un récit plutôt sombre, angoissant, limite anxiogène par moments. A aucun moment, Shusterman ne cède aux sirènes de la facilité, de l’évidence. Loin d’un livre léger, sitôt lu sitôt oublié, il offre un livre très dense, très fort et qui invite à la réflexion. Les choix que font ses héros ont toujours des conséquences (bonnes ou mauvaises d’ailleurs, rien n’est tout blanc ou tout noir avec lui) et surtout, ils doivent être assumés (plus facile à dire qu’à faire). Il tient aussi son récit d’une main de maître, amenant son lecteur là où il le souhaite sans que celui-ci ne comprenne vraiment le pourquoi du comment avant les nombreuses révélations du récit. On est véritablement captifs des pages, quand on commence, il faut du temps car on ne peut pas lâcher le roman avant la fin, impossible de ne pas savoir, de ne pas arriver à la fin. Une fin parfaite d’ailleurs, qui correspond bien à l’esprit de la trilogie. Ce n’est pas le happy end convenu, attendu dans la plupart des livres. Non, c’est bien plus que cela, bien plus profond et légitime. Le monde de Shusterman n’est pas le pays des bisounours, la fin de ses héros, de son Eternéant non plus !Tant mieux, j’aurais été déçue autrement.

Une conclusion brillante pour une série qui l’est tout autant. Avec La Trilogie des Illumières et Les Fragmentés, Neal Shusterman s’impose véritablement comme l’un des grands de la littérature young Adult. A découvrir très vite, si ce n’est pas déjà fait ! Enthousiasmant et fascinant, tout simplement  prodigieux…