LENORMAND Frédéric : Crimes et Condiments

Crimes et Condiments
Frédéric Lenormand

Sortie le 03 février 2014

Prenez un philosophe bien à point, faites-le mariner, lardez quelques victimes, laissez mijoter les suspects, assaisonnez de quelques scandales, pimentez l’intrigue, salez les rebondissements, saupoudrez de dialogues croustillants, enrobez dans un style onctueux et servez chaud.

En pleine révolution culinaire, Voltaire enquête sur les traces d’un assassin qui sème derrière lui tartes au cyanure et ragoûts à l’arsenic. L’aide de la brillante marquise du Châtelet, experte en recherches scientifiques, et de l’abbé Linant, fin gourmet, ne sera pas de trop pour rendre l’appétit aux gastronomes !
Après La baronne meurt à cinq heures, prix Historia, prix Arsène-Lupin et prix de Montmorillon, Meurtre dans le boudoir et Le diable s’habille en Voltaire, Frédéric Lenormand nous offre une nouvelle aventure truffée d’humour, savoureusement rehaussée de précisions historiques, nappée de bons mots ; un délice, un régal, une friandise.

Mon avis sur Crimes et Condiments, de Frédéric Lenormand:

L'éditeur nous promettait "un délice, un régal, une friandise", le contrat est parfaitement rempli! J'ai été conquise par l'intelligence, l'humour et le style si élégant de l'auteur, que je découvre bien qu'il s'agisse déjà du quatrième volet des aventures de Voltaire.

Pourtant, moi qui suis friande de ce genre "historico-policier", je m'attendais à autre chose. La série des Nicolas Le Floch de Jean François Parot, et avant elle l'excellentissime saga Fortune de France par Robert Merle m'avait préparée aux enquêtes en costumes et en perruques, où les destinées particulières se mêlent aux intérêts du royaume et où l'auteur, sous couvert de petites histoires, nous conte en réalité l'Histoire avec un grand H de la façon vivante que n'égalera jamais le meilleur manuel qui soit.

Dans Crimes et Condiments, j'ai retrouvé ce souci d'un parler en lien avec l'époque, cette documentation pointue et érudite, mais aussi, plus curieusement, un goût certain pour les arts de la Table qui parle évidemment à la gourmande que je suis. En effet, dans tous les livres que je viens de citer, les auteurs ont eu à cœur de nous faire découvrir le bien manger de nos aïeux, à grand renfort de scènes de tavernes ou de banquet dans lesquelles le maître queux vient invariablement livrer sa recette, parfois sur plusieurs pages.

Le titre bien sûr annonçait cette coloration culinaire, et d'ailleurs l'auteur va faire rencontrer à Voltaire un mystérieux cuisinier, à la pointe de l'innovation de son temps, et responsable de la création d'une spécialité que nous dégustons toujours aujourd'hui - je vous laisse découvrir laquelle en lisant cet excellent roman.

En revanche, le côté enquête policière semble plus un prétexte, l'occasion pour l'auteur de faire évoluer ses personnages drolatiques, qu'un réel enjeu. Certes, il y a vol, et même plusieurs homicides, mais traités de façon si légère que jamais l'angoisse ne nous étreint quant à l'identité du meurtrier.
En outre, quand Nicolas Le Floch ou Pierre De Siorac enquêtent sur des faits criminels qui mettent en péril le Royaume, Voltaire le subversif, à rebours, ne démasque l'assassin que dans son intérêt propre, en étant lui même poursuivi par le gouvernement.

Cependant, ce livre est pour moi la preuve que si une mauvaise plume peut nuire à la meilleure histoire, un style délié, élégant et surtout drôle comble aisément la quasi absence d'intrigue policière.
Sans pédantisme mais avec de belles références, l'auteur réussit cet exercice si difficile de faire rire sans grosses ficelles et sans gags, par un comique de situation décalé qui tient sur une galerie de personnages parfaitement dépeints, et surtout sur son héros, Voltaire, philosophe peureux et précieux (un peu chochotte, diront certains), mégalomane et avare, naïf et excessif.

Je crois avoir souri d'un bout à l'autre de cet exquis petit roman, et je suis sûre d'avoir relu plusieurs fois les passages les plus amusants. Ce qui me plaît particulièrement dans ce genre d'écriture, c'est son humilité: l'auteur n'a d'autre prétention que de nous divertir, il n'y a ni morale ni grandiloquence, et moi, ça me donne envie de dire merci, et bon boulot!