West est dorénavant une accomplie. Elle a survécu à l'activation et a réussi à tuer son Alt avant qu'elle ne le fasse. Baer, le maître d'armes l'a même embauchée comme assistante et Chord et elle se voient régulièrement pour roucouler. Tout paraît donc pour le mieux, si ce n'est que, les nuits, des cauchemars la hantent. Chaque nuit ou presque elle revit la traque qui a précédé l'exécution de son Alt. C'est pourquoi elle voit chaque semaine une psy. L'avantage du secret professionnel fait qu'elle a pu évoquer avec elle son ancien travail de chasseuse. Maintenant reste à déchiffrer ses cauchemars et à devenir apte pour accomplir chaque année son service sur l'Enceinte, cette grande muraille de fer qui les protège des attaques extérieures et doit donc être protégée et surveillée.
Pourtant tout change le jour où, à sa sortie de chez la psy, un Opérateur du Conseil l'attend. Et la proposition que va lui faire le Conseil, et plus précisément un Opérateur de rang 1, qui peut changer son avenir et celui de ses proches, est tellement surprenante et en même temps tentante que nous sommes alors happés par le roman.
L'attente du lecteur devant cette proposition mais surtout la réponse que va donner West est stressante. Même si je me suis dit que pour qu'il y ait un livre elle n'allait pas pouvoir faire autre chose que d'accepter, j'ai espéré un instant que je me trompais et que justement le roman allait se faire sur son refus et sa lutte pour son intégrité.
Hélas lutter contre le Conseil et refuser une proposition de sa part ne semble pas une solution envisageable pour un futur serein même pour une Accomplie. Car il faut dire que cette proposition est choquante et en même temps compréhensible. Les parents, qu'ils soient du conseil ou d'ailleurs restent des parents. Et sauver son enfant en lui donnant les meilleures chances qui soient pour vaincre son Alt et devenir un Accompli est le rôle que tous sont prêts à endosser. Même au détriment de la logique, de l'honnêteté ou de la vie.
Dès le chapitre 4 donc, les bases du roman sont plantées et que nous sommes ferrés pour en savoir plus. Notre seul avantage sur West est notre chance de ne pas à avoir à choisir l'une ou l'autre des solutions qui lui viennent à l'esprit.
Une chose que j'ai trouvé vraiment intéressante dans ce tome c'est de revenir en arrière et découvrir les débuts de Kersh, les origines de leur cité et des décisions qui ont fini par être prises pour en arriver à cette histoire d'Alter ego. Cela nous permet de voir un peu mieux le contexte général et d'appréhender différemment la situation comparé au premier tome.
Kersh a un mode de vie créé de toute pièce par ses fondateurs en fonction de la situation à l'époque. Ils devaient lutter contre l'extérieur et se protéger sans augmenter trop la population du fait de l'espace restreint de la cité. Pourtant je suis persuadée qu'en cherchant bien il y aurait peut être pu y avoir des solutions différentes à mettre en place.
Vivre avec le meurtre de son jumeau sur la conscience n'est pas évident et l'on comprend en tant que lecteur que les Alt accomplis aient besoin pour certains de l'aide de psy pour essayer de faire l'impasse sur ce traumatisme. Faire l'impasse ou en tout cas trouver une raison personnelle de ne plus s'en vouloir d'être en vie.
C'est donc pour moi une lecture très introspective qui est faite ici. Car une fois les pages fermées que ce soit à n'importe quel moment du livre je n'ai pu rester sans me poser des questions sur ce que j'aurais fait ou ne pas fait dans ce monde.
Tout comme dans le premier tome, West intellectualise beaucoup de choses. Elle s'interroge toujours énormément sur les conséquences de la survie d'un Alt plutôt que l'autre. Et la décision que va lui demander de prendre l'Operateur de rang 1 va remettre d'actualité ces questions personnelles. Certains Alts ont-ils plus le droit que d'autres à la vie de par leur fonction dans le système ou leurs compétences ? D'autant que cette fois sa décision ne va pas impacter qu'elle-même mais aussi son avenir et celui de ses éventuels enfants. Du coup, malgré le fait que West nous a habitué à ses introspections, il arrive des moments où nous la trouvons un peu trop compliquée pour son bien. Ses décisions semblent de primes abords réfléchies mais après un avis extérieur plus adulte, elles s'avèrent complètement immatures ou égoïstes. West l'Accomplie est un peu perdue et paradoxalement West la Chasseuse est toujours aussi rapide ou prompte au combat.
Les quelques mois de "retraite" n'ont en rien émoussé ses talents et pourtant ce qui risque de la perdre va être encore et toujours ses décisions irréfléchies. Car à force de vouloir protéger ceux qu'elle aime, elle va risquer de les perdre ou de les entraîner avec elle vers la galère.
Rien de ce qu'elle attend ne va se passer réellement comme elle l'espère. Et qui sait si sa seule façon de se sauver et de sauver les autres ne sera pas d'être la meilleure menteuse et la meilleure chasseuse que le ciel ait pu un jour créée sur Kersh.
C'est donc un tome particulièrement sombre et stressant que nous avons l'occasion de découvrir cette fois-ci. Les situations, les décisions à prendre ou même les découvertes énoncées ne sont pas là pour nous bercer dans la guimauve. Au contraire tout semble vouloir nous pousser dans un océan de noirceur et de doute. Ce que nous sommes amenés à apprendre sur Kersh, ses origines et certaines décisions arbitraires de Conseil efface toute idée d'un monde acceptable pour l'humain extérieur que je suis. Nous ne pouvons rester insensibles devant ces inégalités, ces disparités ou simplement devant les raisons qui ont amené les fondateurs à ces idées plutôt extrémistes. De même notre image du pouvoir en place apparaît très négétive du fait, hélas, des exactions de certains hauts placés qui pour le rester vont faire preuve de duplicité et de traîtrise.
Kersh est en fait une bonne image du pire et bien peu du meilleur de l'homme. Et West par sa naïveté et son besoin d'espoir est une victime toute trouvée du système.
Malgré tout cela il m'a tout de même manqué un petit quelque chose pour me sentir vraiment investie par l'histoire. J'ai dû faire plusieurs pauses dans le roman et contrairement à d'autres livres que je n'aurais posé qu'à regret ce ne fut pas le cas ici. Mais j'avoue aussi qu'à chaque reprise je me suis remise très rapidement dans le bain grâce au style de l'auteur. Et aussi grâce au partage de mon ressenti avec ma binôme Émilie. L'une comme l'autre avons trouvé ce tome plus sombre et plus malsain que le premier. Car ce que l'on y découvre de Kersh trouble notre vision de la communauté et de la vie en général.
Les personnages nous entraînent dans une image déformée d'une vie telle que nous la connaissons. Et lorsque la dernière page tournée nous restons bouche bée sur cette bombe lâchée par l'auteure, une seule question vient à nos lèvres : Y-aura-t-il un troisième tome ? Il le faut pour développer cette ultime découverte...