Mon avis :
« Ce n’est pas une défaillance de votre livre. N’essayez donc pas de tourner la page. Nous maîtrisons, à présent, toute cette édition. Nous contrôlons les chapitres et les paragraphes. Nous pouvons vous noyer sous un millier de mots ou dilater une simple lettre jusqu'à lui donner la clarté du cristal, et même au-delà... Nous pouvons modeler votre vision et lui fournir tout ce que votre imagination peut concevoir. [Pendant l'heure qui vient,] nous contrôlerons tout ce que vous allez lire et ressentir. Nous partagerons les angoisses et les mystères qui gisent dans les plus profonds abysses... au-delà du réel. »
Comme vous l’aurez sans doute deviné, ceci est l’introduction de la série Au-delà du Réel que j’ai légèrement modifiée. Cette parodie très rapide illustre tout aussi parfaitement que le générique des Contes de la Crypte ce recueil. Comme vous pouvez le constater à la vue du sommaire, nous avons une compilation de nouvelles plus que fournie.
Dirty Henry, Escaliers pour nulle part, Joyeux anniversaire, La cave et La défaite s’enchaînent à toute vitesse et nous plongent bien vite dans un état d’angoisse, de mal-être, mais déjà l’envie malsaine de poursuivre la lecture nous assaillit. Imaginez des scènes des plus banales vous sauter au visage sous un tout nouvel angle.
La descente, La malédiction du suricate, La mare aux morts et La nuit dévorante prennent quant à elles leur temps pour installer une ambiance pesante, où le moindre bruit nous fait sursauter dans notre lit (si comme moi, vous lisez au lit). On est accroché à la plume de Frédéric Livyns, se rongeant les ongles alors que la chute vient nous glacer le sang ou pas.
On a également l’occasion de côtoyer la folie avec La voix ou Un jour ordinaire. Nous avons en effet différentes facettes de ce mal qui ronge les Hommes. La folie meurtrière avec ces dérives qui nous fait monter la bile au bord des lèvres. Le chagrin qui peut faire perdre la raison lorsque celui-ci s’avère très violent et inattendu. Celui-ci, on en ressent une profonde peine. Ce dérangement mental peut même se poursuivre après la mort, comme nous le montre Prédateurs. Quelle que soit cette folie qui nous est dévoilée au cours de ces textes, l’auteur trouve les mots justes pour nous conduire au fil des pages.
Les objets maudits ou possédés ont également leur part dans l’horreur qui peuple ce recueil. Des récits tels que Le bracelet, Post mortem, Poupée d’amour ou encore Promesse tenue illustrent ce thème assez récurrent, que ce soit dans le genre de l’épouvante ou dans bien d’autres de la SFFF. Bien souvent, ce sont des objets banals ou encore des bijoux qui ont traversé les âges pour accomplir la malédiction qui les habitent. Frédéric Livyns apporte donc sa touche à cet édifice, du moins à cet amoncellement de victimes en manœuvrant parfaitement l’intrigue de ces nouvelles.
La vengeance est un plat qui se mange froid comme le dit si bien le proverbe. Le sourire et Promesse tenue (oui, j’en parle deux fois ^^) en sont un brillant exemple. L’envie de se venger peut survivre par-delà la mort et se révéler des plus terrifiantes. Elle peut aussi prendre un aspect violent, primal et nous retourner les entrailles.
Les mythes et les légendes ainsi que les croyances populaires sont emplis d’histoires bien plus épouvantables que l’on pourrait l’imaginer. Les mange-chair ainsi que Lilu et Lilitu en sont une illustration que nous dresse l’auteur en nous offrant une part de ces folklores et de ces créatures démoniaques. Nous n’avons pas à faire aux histoires les plus sanglantes du recueil, mais leur contenu n’est qu’une preuve que l’horreur a toujours fait partie prenante de l’humanité.
Un clin d’œil à un très célèbre auteur s’est glissé dans cet ouvrage, reconnaitrez-vous de qui il s’agit avant la fin de Mémoires d’outre-temps et son récit que l’on trouverait plus orienté science-fiction que épouvante. Mais qui a dit que la science-fiction n’était pas effrayante ? Que cela ne pouvait pas nous hérisser les poils sur les bras, nous donner la chair de poule devant ce qui se déroule sous nos yeux.
La nouvelle qui donne son titre au recueil, Sutures semble tirer son essence des légendes urbaines qui hantent les métropoles ou les villes avec un passé mystérieux, effroyable. Une fois encore, nous avons l’occasion de découvrir que l’Homme n’a nul besoin de créatures surnaturelles, car il sait se montrer bien plus monstrueux que toutes réunies en certaines occasions.
Temps d’arrêt semble rendre hommage à un grand nom de la littérature d’épouvante avant de dérouler ses pages pour nous dévoiler une chute différente de ce que l’on attendait. On se trouve tout au long saisi par cette ambiance malsaine qui nous fait froid dans le dos.
Il est également possible d’être effrayé lorsque l’on est surpris même si rien de dangereux ne nous attend. Un bonbon ou un sort ! en est une preuve et l’on pourrait esquisser une larme lorsque se termine cette courte histoire.
Au fil des 23 récits qui composent ce recueil, nous avons grandement l’occasion de mettre à mal nos émotions. Celles-ci sont torturées par la plume efficace de Frédéric Livyns qui nous dévoile tout son talent. Il est vrai que son nom nous est inconnu de manière générale, mais il ne faut surtout par qu’il le reste. Vous devez absolument vous laisser maltraiter au fil des pages et vous verrez que vous aimerez ce que vous lirez sans pour autant en être des personnes malsaines. On ne se connait mieux soi-même que lorsque l’on affronte les ténèbres et les tréfonds de l’âme humaine. C’est donc armé de la volonté de se découvrir que l’on se plonge dans ces récits teintés d’effrois, digne de nos pires cauchemars.
Certains regretteront qu’il n’y en ait que 23 au sommaire de Sutures, mais les plaies que ces nouvelles ouvrent dans nos cœurs sont déjà bien assez nombreuses pour que nous voulions marquer à jamais nos esprits.
Que vous soyez Au-Delà du Réel ou dans les Contes de la Crypte, vous aurez à cœur meurtri de trembler d’effroi ou de peur sous la plume de Frédéric Livyns.