Mon avis : « Lâcher la part de toi qui m'étrangle, me paralyse, m'immobilise.
Je garderai le meilleur de toi.
Et de nous.
Je me suis souvent demandé ces derniers mois : J'ai quoi à la place du coeur ?
A la place du coeur, j'ai toi.
Qui a tout pris.
Pardon : ta mort a tout pris.
Alors. Non.
Promets-moi : tu ne m'en veux pas.
Je vais revenir à la vie. »
Et ce deuxième volet nous narre ce retour à la vie. Un processus lent, long et douloureux, à la fois pour Caumes mais aussi pour son entourage, qui subit de plein fouet sa propre douleur et la sienne.
Le tout nous est narré en trois parties, trois cahiers, par trois voix différentes.
Dans le cahier vert, c'est Niels qui nous raconte. L'été est là et avec lui les retrouvailles habituelles avec Caumes. Un Niels qui se fait une joie de revoir son cousin jusqu'à ce que ses parents – surprotecteurs – lui apprennent les événements survenus l'année passée. Il nous décrit un Caumes dévasté, froid, apathique et qui, chaque soir, s'oublie dans l'alcool et les filles.
Dans le cahier bleu, Esther prend à son tour la parole. Elle nous résume tout ce qu'il s'est passé entre janvier et août, à partir de ce moment funeste où ils ont appris la mort d'Hakim lors de la marche républicaine. Puis vient septembre et leur présence à tous deux à Paris pour leurs études, chacun chez leur frère respectif. A tous trois même, puisque Niels est là aussi. Et Esther est tout aussi dévastée que Caumes et ne parvient pas à faire le deuil de cet amour qui n'a eu le temps que de naître pour lui être aussitôt retiré et qui pourtant, n'a jamais été aussi fort.
Dans le cahier jaune enfin, Caumes reprend la parole. Et nous sommes à Paris en Novembre 2015...
Le récit est donc chronologique. Ce sont trois périodes qui forment trois étapes dans le processus de reconstruction de Caumes. Une vérité qui s'impose à nous de façon encore plus brutale après une révélation qui chamboule pas mal de choses et fait naître tout un tas de questions.
Ce second volet est donc complètement différent parce qu'on le découvre à travers des voix différentes qui ont chacune leur tonalité propre. Pour autant, nous retrouvons la même intensité, la même profondeur, le même réalisme, le même tourbillon de réflexions, d'émotions qui nous prennent aux tripes dès la première page pour ne plus jamais nous lâcher.
On les observe se débattre avec eux-mêmes, essayer de trouver du sens à ce qu'ils ont vécu, parce qu'il doit y avoir un sens et que ça les désespère de voir que beaucoup autour ont déjà oublié.
« Alors ça me désespère : les mémoires qui se délestent inexorablement, effacent à tout va. Moi, je pensais qu'après tout ça quelque chose de plus fondamental allait changer… Comment suis-je fabriquée ? »
Et sans oublier, il faut réapprendre à s'amuser, à vivre...
« Un jour, il sera trop tard. Et personne ne sait quel jour ça tombera. »
« Amandine m'a fait remarquer l'autre soir que le contraire de la tristesse, c'est la gaieté ; mais le chagrin lui n'a pas de contraire et je suis resté tout étourdi par cette découverte. Elle a raison : on ne peut pas renverser le chagrin et lui substituer son contraire ; il faut lui ajouter quelque chose. Inutile de faire comme s'il n'existait pas ; plutôt : le garder près de soi, comme un voisin pénible, et lui parler de temps en temps, lui consacrer quelques minutes par-ci par-là, un peu plus si nécessaire. S'il t'empoigne, laisse-le faire, il se lassera avant toi : le chagrin veut juste se rappeler à ton existence, pas tant te la gâcher, il exige que tu ne l'oublies pas, alors prends-le en considération et tu réussiras à cohabiter avec lui. Et toi, pendant ce temps-là ? La vie, mon pote ! »
Ce titre, toujours aussi parfait et évocateur...
« Au fond de lui, il m'aime ! C'est juste qu'il n'a pas du tout de place pour moi en ce moment. »
Des réflexions qui trouvent tellement d'échos en nous, parce que tout simplement elles sont nôtres également…
« Avant je n'avais jamais peur. Nulle part. C'est consternant : me voilà désormais à mater le moindre Parisien monté dans la rame du métro, à jauger la taille des sacs, à chercher nerveusement le renflement de la ceinture d'explosifs sous les vêtements… […] C'est très pénible (la peur nous fait dépenser une énergie de dingue) ; qui plus est, ça me dégoûte parce que ça revient inévitablement à faire du délit de sale gueule. »
« - Mais y a un truc dont je ne sais pas quoi faire.
- Quoi ?
- Ma haine. J'en fais quoi ?! Personne n'a rien à répondre à ça ! »
Enorme coup de coeur donc encore pour cette suite qui remplit toutes ses promesses et plus encore, qui réussit le tour de force de nous offrir quelque chose de complètement différent tout en étant similaire. Cette série est définitivement un bijou de la littérature contemporaine.
Vivement la Saison 3...
« Il va donc nous falloir vivre avec ça, encore et toujours. Toujours. Toujours. Toujours. »