CAREY Jacqueline - KUSHIEL - Tome 1 : La Marque

La marque
Jacqueline Carey

Bragelonne éditions reliée et brochée - 29 mai 2009
réédition chez Milady le 24 janvier 2014

Phèdre nó Delaunay a été vendue par sa mère alors qu’elle n’était qu’une enfant.
Habitant désormais la demeure d’un haut personnage de la noblesse, pour le moins énigmatique, elle y apprend l’histoire, la théologie, la politique et les langues étrangères, mais surtout… les arts du plaisir. Car elle possède un don unique, cruel et magnifique, faisant d’elle une espionne précieuse et la plus convoitée des courtisanes.
Rien ne paraît pourtant lui promettre un destin héroïque. Or, lorsqu’elle découvre par hasard le complot qui pèse sur sa patrie, Terre d’Ange, elle n’a d’autre choix que de passer à l’action. Commence alors pour elle une aventure épique et déchirante, semée d’embûches, qu’il lui faudra mener jusqu’au bout pour sauver son peuple.
Récit plein de grandeur, de luxuriance, de sacrifice, de trahison, d’insondables infamies et de conspirations machiavéliques, La Marque dévoile un monde de poètes vénéneux, de courtisans assassins, de monarques trahis et assiégés, de seigneurs de guerre barbares, de traîtres grandioses… vu par les yeux d’une héroïne comme vous n’en avez jamais rencontré et que vous n’oublierez jamais.

Citation :

Ses magnifiques sourcils se froncèrent une fraction de seconde, puis Melisande inclina la tête sur le côté.
- La digne élève de Delaunay, dit-elle en faisant cascader son rire. Je répondrai si tu me dit tout ce que tu sais sur Waldemar Selig.
Je ne répondis rien. Melisande rit de nouveau et se pencha pour me déposer un baiser sur la joue.
- Salue ton maître Delaunay pour moi, dit-elle. (Elle se redressa et me caressa les cheveux en une geste plein d'affection.) Nous nous reverrons ma petite anguissette. Et peut-être alors n'y aura-t-il pas de prince entre nous.
Et sur ces mots, elle sortit.

C'est « un roman historique contant une histoire qui n’a jamais eu lieu » selon l'auteure et c'est pour moi une fresque historique et épique, dans un monde inconnu, conté par l'héroïne la plus intelligente qu'il m'est été donné de rencontrer.

Tour à tour noble putain, espionne, esclave, traductrice et ambassadrice de la reine, Phèdre a une destin bien particulier. Vouée au service de Naamah depuis son enfance, elle devient Phèdre nó Delaunay quand elle rentre dans la maison d'Anafiel où elle parfait son rôle d'anguissette frappée par le signe de Kushiel - elle n'éprouve alors que le plaisir dans la douleur.

Avec un style fleuri et enlevé, propre à ce monde de courtisans, guerriers, Tsingani, Cassilins, nobles trahis et complotant, on découvre à travers elle l'histoire de son peuple d'Angelins en Terre d'Ange (Non, pas d'anges là dedans!).
Je l'admets, c'est une lecture longue, qu'on apprécie mieux si on n'est pas dérangé et qu'on assimile vite les très nombreux noms des personnages. Le monde dense et précis qu'a imaginé Jacqueline Carey est époustouflant et ce qui est le plus marquant est cette mythologie, ces croyances autour d'Elua le béni et ses compagnons qui fait toute cette épopée.
Au début, il est souvent fait mention de comtes, maisons, contrés qu'on n'a pas rencontré ; manigances auxquelles ont n'a pas assistées, mais il faut passer outre le détachement face au roman que ça peut poser et plutôt s'attacher aux réflexions de Phèdre sur son apprentissage. Sa perspicacité face à l'étude des langues - skaldique, pictii, cruithne - des poèmes, des chants, des histoire d'anciennes batailles ; sa loyauté envers Anafiel Delaunay ; sa jalousie puis son admiration pour Alcuin ; son amitié avec Hyacinthe, Tsingano et Prince des voyageurs ; son aventure en compagnie de Joscelin Verreuil, de la fraternité Cassiline ; son mépris face à Melisande Sharihzai et enfin son dévouement pour son peuple....tout ceci fait d'elle un personnage troublant et unique.

Citation :

"Aime comme tu l'entends et Elua guidera tes pas"

Plus j'ai avancé dans cette histoire et plus l'imagination de Jacqueline Carey m'a ébloui. Le final est superbe et laisse évidement plein de doutes quant aux agissements de certains protagonistes... Ah, la maligne ! Elle nous donne envie de mettre le nez dans la suite !

Citation :

- Gunter m'a dit que tes dieux t'ont fait le don d'être satisfaite par tous les hommes, dit-il. C'est ce que dit le signe dans ton œil.
J'aurais pu lui mentir, mais une étincelle de méfiance me poussa à dire la vérité.
- Le signe que les dieux m'ont donné dit que je jouis dans la souffrance, répondis-je d'une voix sourde. Ça, et rien d'autre.