Castelmore inaugure l’arrivée d’auteurs français dans ses parutions par un roman profondément original et rafraîchissant. Ici point de vampires, de loups-garous, de zombies ou d’anges mais une histoire fantastique de cape et d’épée. Bordemarge est un vrai roman d’aventures, amusant et divertissant.
Violette est bibliothécaire à Allancourt et mène une vie triste et morne. Depuis sa rupture, tout lui paraît sans intérêt et elle est constamment irritée et déprimée. Jusqu’au jour où une jeune fille et des soldats étrangement vêtus lui tombent littéralement dessus après être sortis du tableau accroché derrière son bureau. Cette jeune fille c’est Roxane, la princesse de Bordemarge, un monde parallèle peuplé de personnages de romans. Le duc Silas voulant usurper son trône et la tuer, Roxane cherche donc par tous les moyens à lui échapper. Elle échange ses vêtements avec Violette qui se retrouve ainsi sans bien comprendre comment à Bordemarge, séquestrée par un infâme pirate à la solde de Silas, le capitaine Khaltournine. Elle qui menait une vie si terne va désormais être servie en aventures. Et quelles aventures !
Emmanuelle Nuncq a donné vie à tout un tas de personnages tous différents les uns des autres et qui représentent, d’une certaine manière, les diverses facettes de sa personnalité et de ses goûts. Les deux héroïnes par exemple ont des caractères complètement opposés. Roxane a un tempérament volcanique. Elle est vive, enjouée et excelle au combat. Violette par contre est très introvertie et n’a aucune confiance en elle. Il lui faudra vivre maintes aventures à Bordemarge et tomber sous le charme de Khaltournine pour, peu à peu, avoir conscience de sa valeur.
Il en est de même pour les personnages masculins. Angus (Khaltournine) apporte le côté épique, Christian les côtés réaliste, scientifique et pratique, l’Orfèvre et son Athanor une touche Steampunk et Silas l’atmosphère sombre et monstrueuse nécessaire à toute bonne histoire qui se respecte.
Ce que j’ai particulièrement apprécié c’est que l’histoire est appréhendée comme une satire des codes habituels présents dans les contes. A Bordemarge, les blonds sont les gentils, les bruns les méchants et les roux ont un caractère vif. Les fonctions élémentaires du corps n’ont pas cours : nulles faim ou soif, nul besoin d’aller aux toilettes, les personnages ne sont pas essoufflés malgré les efforts fournis sauf lors du duel final, entre le baiser de fin et la naissance de l’enfant il n’y a rien
, les personnages grandissent ou vieillissent d’un coup… C’est très drôle de voir les habitants de Bordemarge confrontés à ces contradictions par Violette ou Christian.
Pour bien accentuer les différences entre les personnages, plusieurs niveaux de langages ont été utilisés. Emmanuelle ou Christian parlent normalement, tandis que les membres de Bordemarge ont un style plus soutenu et fleuri, une manière très ampoulée de parler qui leur convient tout à fait. On s’imagine trop bien leurs discours grandiloquents. Et les moments où Yves-Marie, le prétendant brushingé de Roxane (une caricature de Prince Charmant), parle sont juste hilarants. C’est sans doute ici que l’on voit la réussite du roman : on les imagine parfaitement s’exprimer dans notre tête. Et pour accentuer ce côté « réel » et visuel, Emmanuelle Nuncq conclut son histoire avec un générique de fin, des bonus et un bêtisier extrêmement drôle. Le moment où Angus découvre la nécessité de se brosser les dents ou celui de la cascade ratée du corbeau sont excellents. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’on referme le livre avec un grand sourire aux lèvres.
En lisant les premiers chapitres, je m’étais fait la réflexion qu’il s’agissait davantage d’un roman jeunesse que d’un réel
Young Adult, mais au final je suis persuadée que cet humour décalé et pince-sans-rire ainsi que cette histoire originale peuvent plaire à tout le monde. En tout cas moi ça m’a vraiment plu !