Mon avis :
Il m’a fallu un moment avant d’analyser vraiment ce que j'ai pensé de The Secret (The Tall Man en version originale, bien plus pertinent que le titre "français") tellement il est surprenant par rapport à nos attentes. Au final, je dirais que j’ai vraiment bien aimé, essentiellement grâce à la performance de son actrice principale, Jessica Biel, et au ton donné au film.
Le problème principal vient de la bande annonce qui nous dirige dans une fausse direction et donne de faux espoirs. On s’attend à un vrai thriller psychologique, angoissant, avec des scènes dignes d’un film d’horreur, et au final, ce n’est pas vraiment ça. C'est certes glauque et oppressant, mais d'une autre manière. La phrase de marketing placée sur l’affiche faisant référence au 6e Sens est également trompeuse : il n’y a vraiment aucun point commun entre les deux scénarios, si ce n’est un twist (mais tellement différent que ça ne donne pas du tout le même effet).
Enfin bref, pour vraiment apprécier ce film, il vous faudra avant tout oublier tout ce que vous avez vu ou entendu à son sujet. Et là seulement, vous pourrez passer sans doute un excellent moment. La mise en scène est en effet très réussie, donnant des images de grande beauté, magnifiées par une bande son particulièrement bien adaptée.
Il est très difficile de parler de l’histoire sans révéler l’intrigue. Il faut juste savoir que le film se situe dans un village sinistré du Nord-Ouest des États-Unis, un village dans lequel le chômage et la misère n’ont fait que progresser depuis la fermeture de la mine. Julia (Jessicia Biel) incarne une infirmière qui met tout en œuvre pour le bien de la communauté. Mais une nuit, son fils est enlevé par le mystérieux Tall Man, celui-là même qui a déjà enlevé ces dernières années des dizaines d’enfants du village sans que quiconque n’ait pu jamais les retrouver. Mais dès la moitié du film, on comprend que la vérité est ailleurs…. (pour poursuivre avec le clin d’œil, le film commence sur une scène avec l’acteur qui joue le fameux « homme à la cigarette » d’X files).
À partir de ce premier twist, le film change complètement de registre. On passe d’un film d’action haletant et angoissant à une dénonciation du Système avec un discours moralisateur extrême qui peut déranger. À la fin, on a également droit à un second twist qui rétablit toute la vérité. Pas de frustrations donc, juste des questionnements personnels sur le bien-fondé ou pas de leurs actions.
Pascal Laugier était présent à la projection presse et a pu s’expliquer. Tout son discours visait en fait à répondre aux mauvaises critiques que le film a pu recevoir jusqu’à présent, et à s’expliquer, voire se justifier.
ATTENTION SPOILERS !
Cela fait plusieurs années déjà que Pascal Laugier travaillait sur le script qui a subi de très nombreux remaniements (Il est né même avant celui de Martyrs). Il a dès le début songé à cette structure en trois actes et au fait que l’agressé devienne l’agresseur et vice-versa. C’est cependant pour le ton, l’ambiance, qu’il a beaucoup peiné. C’est alors que lui est venue l’idée de lui donner une atmosphère à la Stephen King particulièrement palpable. Il fallait aussi faire en sorte de faire passer le message idéologique de la meilleure manière possible. C’est tout à la fin qu’il a ainsi songé à la voix off de Jodelle Ferland, une voix très triste, pour accentuer le côté dramatique quel que soit le côté où on se place.
Le tournage s’est déroulé par commodité au Canada où il a fallu jongler avec de lourdes procédures, très différentes des françaises. Ça rajoutait au stress de tourner un film en anglais, de tourner à l’américaine. Et, manque de chance, ils ont dû aussi faire face à une tempête de neige dans les premiers jours du tournage qui a abîmé tout le décor. Pour résoudre les problèmes financiers, Jessica Biel a aussitôt proposé d’entrer en co-production. Elle avait d’ailleurs été très enthousiasmée par le script et son rôle qu’elle a accepté en 3 jours. Jessica Biel a dont énormément soutenu le projet, de même que la SND.
Au début, Pascal Laugier avait proposé son film à la Warner qui avait adoré l’idée de départ, mais détesté la fin. Ils ne comprenaient pas qu’on puisse donner à une grande star un rôle aussi négatif, voire maléfique. Ils ont donc demandé à ce que la fin soit changée et que le film devienne plus classique. Il n'en était pas question. Il a donc patienté jusqu’à ce que « la compréhension vienne de la France, de mon pays », de la SND.
Ce qui a été surtout reproché à Pascal Laugier, c’est la tournure idéologique qu’il a donnée à son film. La presse américaine n’a ainsi pas du tout apprécié l’ambivalence des personnages et a qualifié le film de « trop européen » (Pour Pascal Laugier, c’est parce qu’il ne serait pas assez dans l’action et trop dans l’idéologie). Or, pour lui, « ce n’est pas un film idéologique, c’est un film qui suit une personne idéologique, une personne qui est une sorte de terroriste, de révolutionnaire. » En cours d’écriture du scénario, il a été discuté avec de nombreux humanitaires et a été choqué par leurs idées radicales. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils préconisent pour changer leur monde, ils préconisent « des choses à glacer le sang». C’était aussi contemporain de l’affaire de l’Arche de Zoé et au final, les deux histoires ont beaucoup de similitudes. Et Pascal Laugier a souligné ce fait plusieurs fois : « J’affirme absolument que ce film n’est pas du tout idéologique mais qu’on ne fait que suivre une personne idéologique, avec comme idée directrice que le quart monde occidental est comparable au Sud. » Il rajoute : « non, elle n’a pas raison de faire ce qu’elle fait, mais qu’on peut malgré tout la comprendre car la misère et les situations qu’elle a pu observer lui sont devenues insupportables et elle a choisi de changer les choses de cette manière. Toute la question maintenant est : En tirant un enfant de sa misère en le volant à ses parents et en lui offrant une meilleure vie, est-ce qu’on le sauve ou pas ? J’ai parfaitement conscience que ça peut rendre le film antipathique et inconfortable et c’est quelque chose que j’assume complètement ! Cette ambivalence, qui peut être désagréable, a été voulue dès le départ. Le film ne donne d’ailleurs pas qu’une version des faits, il confronte les raisons de chacun, les différents points de vue où ils expliquent leur actes. Pour lui, un film ne doit pas proposer une solution mais faire en sorte que le spectateur puisse trouver sa propre solution, son propre choix. Et au final, dans la dernière image, un des personnages principaux fixe la caméra, regarde donc le spectateur, l’air de lui demander : et vous qu’est-ce que vous en pensez ? »
Difficile de répondre à cette dernière question tellement le sujet est délicat, mais une chose est sûre, ça fait réfléchir...
Ce qui est certain en tout cas, j'ai davantage apprécié le film que le discours de son réalisateur après coup (heureusement qu'il n'est pas venu nous parler avant !). Il n'a fait que se justifier par rapport aux mauvaises critiques en se mettant d'emblée sur la défensive, avant même que l'on ne dise quoi que ce soit. Personnellement, je n'avais pas lu les critiques qui avaient pu lui être faites (ça m'évite d'être influencée) mais en les mettant tout de suite sur le tapis, il a fait un focus dessus, et c'est vraiment dommage. Il a aussi beau se défendre de la tournure idéologique de son film, elle est quand même très présente. Mais là où il a raison, c'est que le film présente effectivement plusieurs points de vue. À chacun de se faire sa propre opinion...