C’est dans le cadre enchanteur du Café Livre à Paris que nous avons eu la chance de rencontrer vendredi dernier Samantha Bailly. Durant deux heures, nous avons pu papoter, discuter et décortiquer l’histoire et les personnages de
Ce qui nous lie, son dernier roman. Une rencontre vraiment très sympathique et instructive !
Samantha nous a tout d’abord dit à quel point elle est émue de l’accueil positive du public, avec notamment des chroniques qui, pour la plupart, sont vraiment positives, et elle est heureuse de voir ainsi son roman « aller de l’ombre vers la lumière ».
Il a été question en premier lieu du label Milady Grande Romance. Une précision fut ainsi apportée à ce choix de collection : à sa création, il était important de garder le label Milady pour une simple raison de repérage. La « romance » donne un sens à la collection puisque au final, c’est une littérature de genre qui est proposé. Grande Romance désigne plutôt un choix plus vaste de romans où il y a évidemment de la romance mais plus généralement de la littérature féminine et ici avec
Ce qui nous lie, un parcours de femme. C’est plutôt une histoire relationnelle, une perspective sur les relations qu’une romance. Samantha Bailly a voulu travailler sur le rapport aux autres, dans un chassé-croisé entre les personnages, qui montre leur évolution.
Il lui a ensuite été demandé comment l’idée lui est venue de passer de la Fantasy à la littérature féminine. C’est une question qu’on lui pose souvent et elle répond invariablement qu’elle ne pense jamais en termes de genre. C’est une histoire qui lui vient à l’esprit sans que cela soit catalogué dès le départ (une obsession très française). L’idée de
Ce qui nous lie lui est venue en 2010 lorsqu’elle a commencé à travailler en entreprise dans un open-space. Elle a été fascinée par l’ambiance assez étrange de ces dizaines de personnes qui se côtoient près de dix heures par jour sans avoir obligatoirement beaucoup de choses en commun. Et elle s’est dit d’emblée qu’il serait intéressant d’en faire une cartographie relationnelle parce qu’obligatoirement à force de passer autant de temps avec des gens des relations se nouent. Et en discutant de cela avec un copain lors de leur pause-café, elle s’est dit que oui elle tenait définitivement une idée intéressante à exploiter. Elle a commencé à écrire les deux premiers chapitres avant d’arrêter pour se mettre à fond dans
Oraisons. Puis l’année dernière elle a eu vraiment envie d’y revenir et d’utiliser pour la première fois le « je » pour vraiment exploiter le personnage d’Alice. On est sur un « je » très fort mais qui est celui d’un parcours intime, d’une ouverture vers autrui. Car Alice est quelqu’un de très fermé et qui va s’ouvrir grâce à son don. La problématique essentielle est vraiment comment on se reconstruit grâce aux autres, ou seul. C’est ainsi qu’est né
Ce qui nous lie, qui devait s’appeler au départ
Toile.
Aujourd’hui Samantha ne travaille plus en entreprise et a la chance de pouvoir vivre de sa plume, surtout depuis qu’elle a intégré l’équipe de Bragelonne à partir d’août 2012 (tout a commencé avec une rencontre avec Stéphane Marsan aux Imaginales 2012. Donc tout a été très rapide !).
Nous avons ensuite parlé des personnages. En commençant par celui de Sébastien, celui qui a fait l’unanimité autour de la table. Avec lui, on sait où on met les pieds. Il annonce tout de suite la couleur d’un homme qui ne cherche aucune attache et qui ne souhaite que papillonner de femme en femme. Mais là où nous avons tous été scotchés c’est que Samantha Bailly le voit en fait en gay refoulé et que son absence d’attaches n’est que le fruit du mauvais sexe de ses partenaires… Personne n’y avait pensé…
Romain est un personnage aussi qui a énormément plus, un « joyeux boulet, un peu maladroit », incapable de séduire une fille alors qu’il n’est pas mal du tout. Jusqu’à ce que Sebastien lui explique la vie… C’est le type de personnage qui te propose un McDo quand tu es bouleversé par un chagrin d’amour…
Raphaël incarne l’anti-héros typique, vraiment pas glamour aux dires de certaines lectrices. Il lui fait penser aux personnages du manga
Death Note : il a un pouvoir mais Alice ne peut pas le percevoir, comme lui ne peux percevoir celui d’Alice, tout simplement parce que quand ils sont ensemble, leurs pouvoirs s’annulent. Il y a le même effet avec Raphël et Alice puisque un rapport de force s’installe avec une notion d’équilibre. Samantha voulait vraiment qu’ils aient cette opacité mutuelle. Raphaël est une personne sympathique mais il ne parvient pas à gérer ses excès. C’est d’ailleurs sans doute son mot à lui, tout comme Sonia. En découle alors une rencontre électrique, intense, mais pas forcément bénéfique pour Alice. C’est un personnage assez « toxique » en fait, car il ne sait pas quoi faire de sa vie. Alice reste celle qui est la plus saine de l’histoire car elle est la plus solide, même si elle fait des fautes répétées comme n’importe qui d’entre nous. La fin révèle son choix définitif à propos de Raphaël. C’est le type de personne qu’on adore détester et aimer, mais qu’il faut savoir refuser et se dire « je n’en ai pas besoin, je préfère passer à autre chose pour avancer ». Pour montrer ainsi que parfois on a une vraie résonance avec des personnages mais qu’ils ne sont pas pour autant bons pour nous.
Dans le roman, elle voulait montrer comment poser ses limites envers les autres. C’est ce que fait Alice avec Raphaël quand elle se rend compte qu’il ne faut pas accepter son côté malsain, car lui-même n’accepte pas sa faiblesse. Le roman se présente du coup comme un jeu sur la vérité et le mensonge. Alice devient honnête avec elle-même afin de l’être avec les autres.
Au niveau de son travail d’écriture, Samantha est plutôt structurée et organisée dans son histoire. Elle a en tête toute l’histoire, notamment le début et la fin, ainsi que les retournements dans l’intrigue. Elle fait aussi un plan par chapitre. C’est l’habitude qu’elle a acquise en écrivant de la fantasy. C’est obligatoire quand on écrit de grandes fresques présentant une infinité de personnages et de tableaux.
Le roman mêle le présent, le passé et le futur et c’était voulu dès le départ. Samantha aime beaucoup les flash-back de la série
Lost qui dynamise le récit car on voit les personnages à des moments différents de leur vie, et on voit ainsi l’impact sur leur évolution. Elle se souvient d’un professeur en études de lettres qui lui disait de prendre énormément d’éléments et de les classer ensuite pour que ça ait du sens.
Samantha lit peu de romances, elle préfère les voir en films. C’est une lectrice hétéroclite, qui aime bien les jeux vidéo et le divertissement. Sa lecture la plus marquante a été la trilogie
A la croisée des mondes de Philip Pullman.
Elle écrit depuis 10 ans. Ses tout premiers écrits furent la trilogie
Oraisons à l’âge de 17 ans. Elle a été retravaillée pour sa publication 2 ans plus tard et fut sortie à 2000 exemplaires dans la micro-édition. Ça lui fait donc tout bizarre d’être à présent chez un grand éditeur comme Bragelonne ! Et si elle devait donner un conseil aux jeunes écrivains, ce serait simplement : écrire, se lancer !
Avec la fantasy, il y a tout un monde à créer, avec sa mythologie et son histoire. Il faut construire un référentiel, savoir poser l’univers par touche sans alourdir le récit et c’est ce qui reste le plus dur. Elle n’a pas vraiment de préférence d’écriture entre
Oraisons et
Ce qui nous lie car ils sont très différents. Dans
Oraisons, il y a plus de facilité avec la troisième personne car ça induit un certain détachement qu’il n’y a pas dans
Ce qui nous lie, qui au contraire, joue sur les perspectives multiples.
La fantasy est aussi une sorte de défi, elle montre que non, ce n’est pas forcément une affaire de mec… C’est très français de mettre dans des cases et Samantha espère bien contre la stigmatisation. Elle envisage de créer un jeu de tarot s’inspirant de l’encyclopédie d’Oraisons.
Ses projets :
- Un Thriller YA chez Rageot,
Pile ou Face, qui devrait être édité en septembre.
- En septembre toujours, un Spin off d’
Oraisons,
Métamorphose. Ce nouveau cycle est intéressant à plus d’un titre vu qu’il peut se lire de manière indépendante mais qu’il apporte aussi un twist narratif sur le cycle principal.
- Elle a actuellement en cours une série contemporaine assez légère, tirant sur la comédie. Elle s’intitule
Les stagiaires et raconte la vie de 6 stagiaires dans une entreprise. Un tome équivaudra à 6 mois de stage.
Cette rencontre nous a fait passer un très bon moment en la présence d’une auteure charmante et passionnée, une auteure à suivre sans aucun doute !
Un énorme merci à Aurélia de Milady pour l'évènement et l'invitation, ainsi qu'à Samantha pour sa gentillesse et sa disponibilité.