En cette rentrée, nous avons eu la chance de retrouver Emmanuelle de Boysson pour discuter autour de sa trilogie
Le temps des femmes, mais aussi de ses goûts et de son projet. Il a été très enrichissant et intéressant d'en apprendre plus sur l'écriture de ses romans historiques. Nous la remercions chaleureusement pour sa disponibilité et ses réponses attentionnées, où elle nous prouve un peu plus son amour des mots.
Il a été en premier lieu question de son choix pour le roman historique.
C'est son éditeur qui lui a proposé d'écrire une série ; idée qui lui a beaucoup plus car c'était une nouveauté pour elle. Les salons de femmes l'ont toujours fascinée et donner vie à des personnages par leurs gestes dans un contexte historique l'a particulièrement attirée. Elle affectionne par dessus tout se sentir proche des personnages et nous confie avoir mis un peu d'elle dans Emilie et sa fille Blanche. Elle s'est vraiment attachée à Emilie, tout comme nous lecteurs.
La création des éléments et de la chronologie ont été une véritable découverte, et les recherches sur le XVIIe siècle se sont révélées toujours plus passionnantes ! L'écriture s'est finalement faite d'elle-même même si elle ne s'empêchait pas de revenir de temps en temps sur des passages.
La revanche de Blanche, la suite du
Salon d'Emilie, va dans la continuité directe de l'histoire après la fin malheureuse du roman d'Emilie. Emmanuelle aime beaucoup l'héroïne du troisième tome, Marquise, et on hâte de découvrir pourquoi...
La romancière, mais aussi journaliste et critique littéraire, s'est beaucoup amusée à narrer les jeux de salons. Tout tenait dans l’exercice de style, l'importance de savoir placer une plaisanterie qui fait rire, une bonne parole, quelques remarques légères pour être bien vue de la société féminine. Ça plaisait beaucoup de faire le plaisantin, jusqu'à un certain point, s'il l'on était mesuré dans ses propos et un habile lettré. Il fallait être invitée puis posséder son propre salon ou boudoir afin de devenir celle qui se fait le plus remarquer. Ces pédantes et dames de salons étaient en fait des féministes de la première heure, celles qui par leurs badinages avait une place dans le monde - aujourd'hui badinage n'étant plus utilisé de la même manière est plus péjoratif. Ce sont pourtant elles qui ont par leurs réunions dans les boudoirs influencé la société. On les reconnaissait en effet par leurs écrits, leurs poèmes, qui étaient leurs marques de reconnaissance, d'identité - auprès de la mondanité mais aussi des hommes qui les courtisaient. Les roturiers - M.Voiture ou Ronan, l'amant d'Emilie, dans le livre - ont également une place importante : ils animent les soirées et font rire l'assistance.
En écrivant, Emmanuelle s'imaginait les petits salons, la
ruelle (espace entre le mur et le lit dans la chambre), les femmes parées, arrangées, poudrées, coiffées... Leur expressions quand elle parlaient de leurs jupons répondant au noms de
Ma fidèle ou encore
Gorgibus, quand elles utilisaient des manières de politesse : "Prenez place parmi notre compagnie" pour dire "Veuillez-vous asseoir". Et à la lecture, on s'y croirait !
Si Emilie parvient à se faire une place parmi ces femmes, c'est parce qu'elle est l'une des rares Bretonnes de son époque à avoir eu accès à des écrits tels
Les Essais de Montaigne, qu'elle hérite de son père.
On se doute aussi que ce qui se disait des
Précieuses n'était pas toujours rose. Molière leur a ainsi placé au centre d'une satire tellement il les trouvait ridicules !
Emmanuelle aime énormément les grands romans. Ceux remplis de passions qui emportent le lecteur... et on ne peut qu'adhérer
Ses préférés sont ceux du Russe Tolstoï,
Le Rouge et le Noir dont on peut voir une adaptation théâtrale,
Les Anglaises d'Edith Warton, l'Irlandais Colum McCann, l'Américain Richard Ford. Elle a récemment eu des coups de coeur pour
Viviane Elizabeth Fauville de Julia Deck qui raconte le meurtre d'un psychanalyste par l'une de ses patientes ; et pour
Nue de Jean-Philippe Toussaint, le quatrième volet d'une créatrice de haute couture narré par son compagnon - tous deux parus chez Minuit.
Enfin, nous avons parlé de son roman en cours d'écriture, une comédie autour du bonheur :
Un intendant arrive chez un homme âgé, distingué et original. Ce Monsieur invite du monde chez lui, un entourage un peu fou qui est loin de s'entendre ensemble. Leur hôte leur propose alors un contrat à condition qu'ils soient heureux.
Voilà ce qui nous attend et on a déjà hâte !
Un grand merci aux éditions J'ai Lu ainsi qu'à la chaleureuse Emmanuelle de Boysson !
Retrouvez
ici notre précédent entretien avec Emmanuelle de Boysson.