PICOULT Jodi - Pardonne lui

Jodi Picoult
Pardonne lui

Michel Lafon
Sortie le 12 Septembre 2013

Quatrième de couverture:

Sage Singer est une solitaire. Elle dort le jour et travaille la nuit dans une boulangerie, où elle oublie les blessures de la vie en pétrissant le meilleur pain de la ville. Quand elle rencontre Josef Weber, un vieil homme insomniaque, Sage a enfin le sentiment d’avoir trouvé quelqu’un à qui se confier. Malgré leurs différences, chacun devine les cicatrices intimes de l’autre, et une amitié inattendue voit le jour.

Jusqu’au soir où Josef lui révèle le terrible secret qu’il cache depuis soixante ans et lui demande la plus incroyable des faveurs : le tuer. Confrontée à un choix moral impossible, Sage fouille dans l’histoire de sa famille pour tenter de résoudre son dilemme. Mais alors qu’elle plonge dans les horreurs de la Seconde Guerre mondiale à la recherche de la vérité, elle découvre que la frontière est parfois bien floue entre amour et trahison, justice et vengeance. Et elle devra répondre à la plus difficile des questions : certains actes sont-ils impardonnables ?

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Un roman juste sublime, incroyablement juste et posé, sur des événements poignants et déchirants vu autant du point de vue du bourreau que de la victime. L’écriture, le style, la tonalité, l’alternance des points de vue… tout est parfait. Un énorme coup de cœur !

Sage Singer est une jeune femme de 25 ans incroyablement seule. Défigurée à la suite d’un accident de voiture qui a tué sa mère et dont elle se sent responsable, elle se cache désormais du monde et même de sa famille. Son seul plaisir est sa passion pour la boulangerie dont elle a fait son métier, travaillant la nuit et dormant le jour. Une existence bien solitaire jusqu’à ce qu’elle sympathise avec Josef Weber, un homme de plus de 90 ans, très respecté dans le quartier et qui fait partie de son groupe de parole. C’est alors que Josef lui fait cette incroyable révélation : il a été nazi durant la guerre, a commis les pires crimes et n’aspire désormais qu’à mourir. Et il lui demande de l’aider à mourir. Mais Sage ne peut s’y résoudre et pour comprendre sa culpabilité, pour voir si elle est capable de lui pardonner ou pas, elle lui demande de lui raconter… D’autant que Sage se sent plus que concernée car sa grand-mère, Minka, rescapée d'Auschwitz, refuse catégoriquement de leur parler de ce qu’elle a vécu.

Jodi Picoult alterne les points de vue durant tout le roman. Sage bien sûr, est la pierre angulaire du roman, mais il y a aussi les révélations de Josef, le point de vue de Léo, un avocat spécialisé dans la condamnation des anciens nazis, le récit de Minka qui se résout enfin à relater son expérience, et enfin un conte vampirique dans l’Europe orientale ancienne dont on comprend après coup de quoi il s’agit.

En tant qu’historienne, je n’ai pu qu'être scotchée par l’incroyable réalisme de tous les détails qui nous sont relatés. C’est un roman, mais ça aurait pu être n’importe quel témoignage de nazi ou de rescapé de camps. Tout est tellement juste, chaque pensée, chaque geste est parfaitement replacé dans son contexte. On sent l’immense travail de recherches derrière mais Jodi Picoult ne tombe jamais dans l'inventaire, le manuel d’histoire, elle continue à nous raconter une histoire, ou plusieurs histoires, et on s’y croirait. C’est parfois insoutenable. On a la gorge nouée, les larmes aux yeux, d’autant qu’on sait que tout est vrai, que d’autres l’ont vécu. Et si pour les souvenirs de Josef (de son intégration dans les Jeunesses Hitlériennes dans lesquelles il a excellé à son arrivée à Auschwitz), elle nous épargne en l’interrompant par des retours au présent, pour les souvenirs de Minka il n’en est rien. De Lodz où elle va connaître les dures conditions du ghetto à son départ d'Auschwitz puis de Bergen Belsen, tout nous est dévoilé sans fard et d’un seul tenant. La crise économique en Allemagne, l’humiliation de la défaite, le refus de la République, le choix des Juifs comme seuls responsables, la dignité et la grandeur retrouvées grâce à Hitler, l’endoctrinement et l’embrigadement dans les mouvements de Jeunesse, l’action des commandos spéciaux de SS en Pologne et en Ukraine, les camps, les ghettos, les mesures discriminatoires et humiliantes, les privations, et enfin la tuerie de masse, le génocide, le crime contre l’humanité… Tout est dit, tout est parfaitement dit et pensé pour nous pousser à la réflexion, à nous interroger nous-mêmes sur ce que nous aurions fait. Peut-on pardonner l’impardonnable ? Est-ce à nous de juger, de condamner ? Dans un même contexte, qu’aurait-on été, bourreau ou victime ? Impossible de le savoir…

J'ai adoré la manière dont elle s'est servi de l'Histoire, la grande, pour pousser un être dans la détresse à se retrouver, à relativiser, à être heureux. Car au final, Sage et son droit au bonheur restent les vrais héros du roman et cela en est toute la force.

Un roman juste époustouflant, vibrant d’émotion et criant de vérité. Un roman à lire absolument !