Cindy_vw
Messages : 562 Date d'inscription : 02/09/2013 Age : 41 Localisation : Belgique
| Sujet: MIANO Léonora - La saison de l'ombre Mar 17 Déc - 17:20 | |
| La saison de l'ombreLéonora Miano Sortie en août 2013 Quatrième de couverture
« Si leurs fils ne sont jamais retrouvés, si le ngambi ne révèle pas ce qui leur est arrivé, on ne racontera pas le chagrin de ces mères. La communauté oubliera les dix jeunes initiés, les deux hommes d'âge mûr, évaporés dans l'air au cours du grand incendie. Du feu lui-même, on ne dira plus rien. Qui goûte le souvenir des défaites ? »
Nous sommes en Afrique sub-saharienne, quelque part à l'intérieur des terres, dans le clan Mulungo. Les fils aînés ont disparu, leurs mères sont regroupées à l'écart. Quel malheur vient de s'abattre sur le village ? Où sont les garçons ? Au cours d'une quête initiatique et périlleuse, les émissaire du clan, le chef Mukano, et trois mères courageuses, vont comprendre que leurs voisins, les BWele, les ont capturés et vendus aux étrangers venus du Nord par les eaux. Acheter sur Amazon | |
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Cindy_vw
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| Sujet: Re: MIANO Léonora - La saison de l'ombre Mar 17 Déc - 17:21 | |
| Mon avis
J’avais entendu parler de ce roman avant qu’il n’obtienne le prix Fémina par une amie bloggeuse. Le sujet de la traite esclavagiste en Afrique, le devoir de mémoire qui s’est retrouvé occulté et même nié pendant des années et les recherches socio-historiques qui voient le jour à ce propos m’avaient interpellée. Pour autant, je ne m’attendais pas à un aussi grand coup de cœur pour ce roman !
Nous nous trouvons en Afrique subsaharienne et si l’époque n’est pas précisée, nous devinons que les habitants de cette terre n’ont pas encore vu l’homme blanc. Le récit commence par un incendie et une disparition. Alors qu’une partie du village du clan Mulungo flambe, douze hommes, jeunes et moins jeunes, s’évanouissent dans les airs. Pour le reste du clan et surtout les mères, « celles dont on n’a pas revu les fils » comme les décrit l’auteur, commence la saison de l’ombre. Celle des questions – où sont passés les disparus ? Que leur est-il arrivé ? – des doutes, des soupçons, comme ceux qui s’exerceront injustement envers les mères, et enfin de la découverte du complot dont les Mulungo sont victimes.
Le génie de l’auteur, c’est d’explorer dans ce roman le point de vue des rescapés, de ceux qui ignorent tout de ce qui se passe en-dehors du village. Nous, lecteurs, connaissons les réponses (ou du moins la plupart d’entre elles) aux questions que le clan se pose. S’il n’existe donc pas vraiment de suspense à ce sujet, notre empathie en revanche se voit sollicitée, touchée au cœur par le parcours de ces hommes et femmes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive.
J’ai eu la gorge nouée devant bon nombre de passages, devant le portrait de ces femmes – même si les hommes sont bel et bien présents dans ce roman, j’ai trouvé qu’une place toute spéciale avait été réservée aux femmes, à commencer par les mères – à la fois fortes et fragiles, qui réagissent chacune à leur manière face à la catastrophe qui les frappe. Ce que j’ai aussi aimé dans ce roman, c’est la diversité de portraits qui nous est proposée. Ici, pas de héros, pas de personnage mis en valeur, mais un roman choral, comme si l’auteur voulait nous transmettre par leurs yeux l’histoire de tout un peuple.
Diversité des réactions aussi : alors que certains se retranchent dans leur chagrin, d’autres se lancent dans l’inconnu, au-delà des frontières de leur univers, afin de trouver des réponses. Vers cet océan traître et qui les terrifie tant. D’autres encore empruntent des sentiers d’ombre et en paient le prix. Si j’ai un regret d’ailleurs à ce sujet, c’est le destin d’une partie des personnages (pas trop de précisions, sinon je vais vous spoiler !), qui est un peu vite réglé à mon goût.
Enfin, cette chronique ne serait pas complète si je n’évoquais pas le style puissant de l’auteur, le portrait tracé à vif de la société Mulungo (de quoi mettre à bas bien des conceptions qu’on pourrait avoir à ce sujet d’ailleurs !) et l’extraordinaire richesse des descriptions, en particulier dans les émotions des personnages. L’immersion est si bien menée, tellement réussie que je n’ai eu presque aucun souci avec les termes de la langue douala parsemant ce roman. Cependant, je vous rassure, il existe un glossaire à la fin du roman. A noter que les touches fantastiques, que l’on retrouve ci et là dans ce récit, ajoutent un réel plus à cette intrigue. En conclusion, vous l’aurez compris, c’est un gros coup de cœur pour ce roman envoûtant, que je vous invite à découvrir de toute urgence. Et je vous quitte sur cette magnifique dédicace :
« Aux résidents de l’ombre, Que recouvre le suaire atlantique. A ceux qui les aimaient. »
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