ZUSAK Markus - La Voleuse de Livres

La Voleuse de Livres
Markus Zusak

Pocket Jeunesse

1939, en Allemagne nazie.
Le pays retient son souffle.
La Mort n'a jamais été aussi occupée.
Et jamais elle ne le sera autant.

Un roman où il est question :
d'une fillette
de mots
d'un accordéoniste
de fanatiques
d'un boxeur juif
d'un certain nombre de vols...

C'est la Mort elle-même qui raconte cette histoire. Dotée d'un humour noir, sarcastique, mais compatissant, elle est témoin de la folie des hommes. Tout semble perdu d'avance, sauf quand se distinguent des enfants rebelles et des Allemands qui n'obéissent pas aux règles....

Quand La Mort vous raconte une histoire, vous avez tout intérêt à l'écouter !

Un roman brillant, original, d’une incroyable justesse, poignant, qui nous apporte une vision originale de cette période de l’histoire. Il est si rare d’aborder la période nazie à partir de points de vue d’Allemands qui ont refusé Hitler et son cortège de haine et de malheur, qui ont tout fait pour survivre. Et en même temps, tout est replacé dans son contexte, tout est relativisé en montrant qu’il existait malgré tout des souffrances plus grandes, pour d'autres catégories de personnes, ou dans d'autres parties du monde. Markus Zusak nous relate avec un génie incroyable l’histoire de la Voleuse de Livres que La Mort a eu la chance de croiser bien avant que son heure arrive, fascinée par la combinaison de ces éléments :
- Une fillette
- Des mots
- Un accordéoniste
- Des Allemands fanatiques
- Un boxeur juif
- Un certain nombre de vols.
C’est l’essentiel, mais il y a tellement plus encore…

Nous sommes à Molching, non loin de Munich en Bavière, à proximité du camp de Dachau, en 1939. Alors que la guerre éclate, la petite Liesel, 10 ans, est menée vers une famille d’accueil, les Hubermann. Elle vient de perdre son petit frère et on comprend que ses parents, communistes, ont dû se séparer d’eux pour assurer leur protection. L’arrivée dans sa nouvelle famille est brutale et Liesel a du mal à se faire à sa nouvelle existence. Elle cauchemarde et s’accroche de façon obsessionnelle au livre qu’elle a volé durant l’enterrement de son frère à proximité du train qui les menait vers Munich, un manuel de fossoyeurs. Petit à petit, elle s’attache à son nouveau père, Hans, qui chaque nuit, vient la consoler et lit avec elle un extrait du manuel. Elle s’éprend même à sa façon de sa nouvelle mère, Rosa, colérique et plutôt brutale. Mais elle fait surtout la connaissance de Rudy, un jeune garçon qui deviendra son meilleur ami.
Alors que l’Allemagne est de plus en plus nazifiée et sacrifiée au service de l’effort de guerre, le quotidien de plus en plus difficile de Liesel et de son entourage nous est conté : enrôlement dans les Jeunesses Hitlériennes, importance du parti, culte de la personnalité autour d’Hitler, endoctrinement, fanatisme, autodafés, pénurie et rationnement, terreur, bombardements... Jusqu’à ce que son père remplisse une ancienne promesse et accueille dans sa cave un juif, Max.

L’incroyable génie de ce livre vient avant tout de son narrateur, La Mort, qui a rencontré la petite Liesel trois fois en allant recueillir les morts autour d’elle et qui, fascinée par son destin, et grâce aux écrits qu’elle a laissé, entreprend de nous raconter son histoire. Une narration originale, loin d’être linéaire, remplie de digressions, de retour en arrière, d’annonces concernant l'intrigue à venir, de citations, de définitions, de présentations sommaires des personnages. Nous connaissons donc la fin – tragique – dès les premières pages. Mais c’est la guerre et on se doute bien qu’on est loin d’un conte de fée. Pour autant, à la lecture des premières pages on ne prend pas encore la mesure de la tristesse que l’on va ressentir, de l’intensité de notre émotion. Car ce sont tous encore des inconnus. Puis on apprend à les connaître, à les aimer, et l’histoire prend un tour dramatique, non pas à cause des faits, mais de notre plus grande implication.

La Voleuse de Livres, c’est avant tout une incroyable histoire d’amour et d’amitié. Entre Liesel et Hans tout d’abord, son père adoptif qui va le devenir vraiment de toutes les manières possibles et on est touché comme jamais par l’intensité de l’affection et de la compréhension qui les unit. Entre Liesel et Rudy aussi. Ce petit garçon fasciné, depuis les Jeux Olympiques de 1936, par Jesse Owens et qui s’était même peinturluré en noir avant d’aller courir dans la ville. Se nouent entre eux une amitié solide, un amour de plus en plus fort au fur et à mesure qu’ils grandissent. Entre Liesel et Max enfin, qui dans sa captivité et avec ses faibles moyens, va lui ouvrir de nouvelles perspectives et lui faire prendre conscience de qui elle est vraiment.
Ce qui frappe surtout, c’est la force des mots et la justesse du ton. En quelques phrases courtes, La Mort sait comment toucher le lecteur de leur impact. Comment peut-il en être autrement en même temps dans un récit où l’héroïne est une voleuse de livres qui va tomber amoureuse des mots et qui va comprendre leur importance ? Dans un pays dirigé d’une poigne de fer par un homme qui est parvenu à asservir toute une nation, puis l’Europe entière, en se jouant des mots ? J’ai été tout particulière touchée – et fascinée par le génie qui s’en dégage – par les deux récits illustrés que Max offre à Liesel et que La Mort nous retrace ici dans leur intégralité.

C’est un roman classé jeunesse, et pourtant extrêmement complexe. Impossible de le lire d’une traite. Il demande énormément d’effort et de concentration, surtout au début, pour prendre la mesure de chaque personnage et des faits passés, présents et futurs qui s’offrent à nous. C’est aussi un roman qui se lit lentement, pour bien prendre la mesure de chaque mot, de chaque phrase, de chaque digression.
Un pur chef d’œuvre !