Nous avons eu la chance de partager quelques heures avec
Marc Levy autour d’un petit déjeuner entre blogueurs au Café des Éditeurs à l'occasion de la sortie de son dernier livre,
Une autre idée du bonheur. Deux heures qui sont passées à la vitesse grand V tant l’écrivain est passionnant !
Pratiquement tout le monde est d’accord pour le dire,
Une autre idée du bonheur est non seulement excellent (pour moi, c’est son meilleur roman) mais assez différent de ses autres ouvrages. En fait, Marc Levy n’a tout simplement pas envie de «
resservir la même soupe à ses lecteurs chaque année ». Il doit oser, prendre des risques, aller vers quelques chose de différent même si cela signifie perdre des lecteurs en route car ce n’est plus un 100% Marc Levy. Mais, même si l’angle d’attaque du roman est différent, il y a tout de même un lien entre tous les romans, ne serait-ce que par l’écriture, le style, le « toucher » de l’écrivain. Si un chanteur change de registre (Florent Pagny qui passe de la variété aux airs d’opéra), sa voix reste la sienne, reconnaissable. Pour un romancier, sa voix, c’est celle de ses personnages.
En somme, être romancier, c’est un peu être un funambule, toujours sur le fil, libre qui ne raconte pas la même chose ni de la même façon ! Et pour lui, ce qui prime vraiment, c’est l’histoire, celle qui est conduite par les personnages. C’est pour cela qu’il n’aime pas spécialement les effets spéciaux dans les livres (ou alors à la juste dose), il vaut mieux réserver cela aux films ou aux séries, laisser l’imagination des lecteurs au pouvoir dans les romans.
Quand il écrit, l’une des questions qu’il se pose souvent, c’est qu’est-ce que raconte mon histoire, qu’est-ce qu’elle va apporter, qu’est-ce qu’il va en rester à la fin ? Écrire un roman, c’est bien mais il faut que cela ne soit pas pour rien. C’est le cas par exemple pour
Un destin d'exception de Richard Yates, un livre qui l’a profondément marqué ( et nous ici
http://www.auboudoirecarlate.com/t7820-yates-richard-un-destin-d-exception ! ) et dans le registre cinématographique avec
9 mois ferme ou encore
Les garçons et Guillaume, à table !, deux films auxquels on pense longtemps après être sortis de la séance.
Nous avons aussi parlé de la critique, des critiques. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Marc Levy n’a pas vraiment été épargné, cela a même parfois été particulièrement virulent. A titre personnel, j’ai souvent trouvé cela choquant et profondément irrespectueux pour son lectorat, dont je suis ( en même temps, c’est l’éternel débat autour des lecteurs/lectrices de romances, de la Grande Littérature et le reste, … en somme le serpent français qui se mord la queue).
L’une des scènes les plus complexes à écrire du livre, c’est l’une des dernières (attention, je vais essayer de ne pas spoiler). Il lui fallait résoudre une équation assez délicate : un père et une fille qui ne se connaissent pas, ne se sont jamais parlés sont dans une voiture, qu’est-ce qu’ils peuvent bien avoir à se dire ? Plutôt que de se glisser dans la peau du héros masculin, il a choisi de parler avec la voix de la jeune femme. Cela fonctionnait bien mieux, c’est d’ailleurs souvent le cas dans ses autres livres. Il est plus à l’aise lorsqu’il s’agit d’un personnage féminin, il y a un
rapport de séduction qui lui plait davantage.
Comment lui vient l’idée d’un roman ?Généralement, il a envie d’un thème, d’une idée générale. Parfois, c’est un roman d’aventures, d’un thriller, … Cette année, il avait envie d’un roman où il prenne beaucoup de plaisir à l’écrire.
Il est d’ailleurs assez proche de
ses personnages, de ses romans.
Il a beaucoup de tendresse pour
Et si c’était vrai ?. C’est son premier roman et à ce moment-là, l’écriture était un vrai remède à la pudeur, à sa pudeur. Daldry (
L'Étrange Voyage de Monsieur Daldry) et lui sont de vrais amis alors qu’Andrew Stilman est plus un pote, un bon copain.
Pour
Une autre idée du bonheur, il était énervé seul dans son coin contre l’ambiance pesante, négative qui règne à l’heure actuelle et le regard que l’on porte sur les gens qui ont envie de voir le verre à moitié plein et sont bien vite taxés de naïfs, de doux rêveurs. La démocratie n’est jamais acquise, la génération actuelle est née dedans et ne peut pas s’imaginer sans et pourtant ! Quand on voit le monde actuel, le résultat des dernières élections, le racisme, la peur de l’autre, les conflits de plus en plus violents, on ne peut qu’être inquiets.
Nous avons aussi parlé des nouvelles technologies. Pendant longtemps, il a été un vrai geek, portable toujours en main. Mais c’est de moins en moins le cas car cela phagocyte tout notre temps, toute notre attention. Et cela a un impact sur la lecture dans le monde. Il n’y a qu’à regarder dans les transports en commun. Avant, beaucoup de gens avait un livre en main, se laisser embarquer dans un roman, aujourd’hui, c’est portable en main pour jouer à
Candy Crush Saga. Au restaurant, combien de fois a-t-on vu un couple où plutôt que de se parler et de profiter de sa soirée, chacun regarde son portable, tape des sms, vérifie sa
timeline sur facebook … Un peu dommage tout cela !
Et enfin, petit scoop qui fait plaisir : Marc Levy travaille sur un
scénario de "
Si c'était à refaire" ! Croisons les doigts pour que l’on retrouve vite Andrew Stilman en chair et en os sur nos écrans !
Un grand Merci à Marc Levy pour sa gentillesse et sa disponibilité. L’humilité de cet homme et le respect qu’il a pour ses lecteurs sont vraiment touchants. Merci aussi aux
éditions Versilio et
Robert Laffont pour cette belle invitation !