Voilà un roman un peu déroutant de prime abord, tant il mêle et mélange les genres. Du réalisme dur, du romantique, du sexy, du fantastique, du polar, le tout dans le contexte d'un quotidien familial, social et juridique australien dont il faut bien dire que nous autres, lecteurs français, ne connaissons strictement rien, ce qui accentue cette impression de décalage, parfois jusqu'au malaise... jusqu'à ce que l'on écoute vraiment ce que l'auteur veut nous raconter, au lieu d'essayer de faire rentrer l'histoire dans un cadre convenu qui ne lui va pas.
Et ce que Justin South nous raconte, avec une plume précise, littéraire, ciselée, et merveilleusement traduite, c'est un conte de fée. Un vrai, façon conte de Perrault ou de Grimm, loin des Bisounours ou du pays de Candy. Un conte de fée, ça commence toujours par une tragédie: la perte brutale du cocon familial et de la douceur de l'enfance - que les parents meurent (Bambi, Cendrillon), ou vous rejette (Petit Poucet) - qui vous propulse nu et désarmé dans un monde hostile, empli de dragons prêts à vous dévorer, de chasseurs voulant prendre votre cœur, de méchantes belle-mères sorcières. Et le propre du conte, c'est de transcender cette chose effrayante et noire qu'est parfois la vie, pour vous faire croire qu'avec du courage, mais surtout de l'amour, et des amis (pampan, les nains ou le prince charmant), vous vous en sortirez, trouverez la chaumière ou le royaume où vous pourrez vivre en paix, tandis que les méchants seront punis.
Et c'est très exactement ce que l'on a dans cette histoire teintée de fantastique. Des garçons perdus qui vendent ou donne leur corps pour quelques billets, un peu de plaisir, une dose de drogue ou juste pour avoir un contact humain. Et des prédateurs, ceux qui les utilisent comme des morceaux de viande, et parfois les violent et les tuent. Le jeune Paul, chassé de chez lui encore mineur parce qu'il est gay, fait parti du premier groupe. Guidé par sa marraine fée personnelle, il va retrouver le garçon dont il rêve depuis 2 ans, Sam. Et dont il a sauvé le cousin et ami, Adam. Ainsi va-il gagner une famille, un amant, des amis et un avenir. La romance est douce, belle, extrêmement romantique. Mais le roman ne s'arrête pas là. Car les retrouvailles de Paul et de celui dont il a autrefois sauvé la vie vont les mettre sur la piste des prédateurs, et à l'issue d'une traque minutieuse ou l'union fait la force, permettre à la justice d'être rendue, et aux mânes du gentil fantôme assassiné de reposer en paix, sauvant au passage un autre enfant perdu.
Alors oui, il y a des choses sans doute un peu irréalistes indépendamment de l'aspect fantastique: un amour qui s'exprime un peu naïvement après quelques jours de retrouvailles (ils auront quand même soupiré dans le vide pendant 2 ans avant cela); des coïncidences qui n'en sont pas (mais c'est le propre du Destin), une famille si adorable qu'on y croit pas (il en existe pourtant, des gens extraordinaires prêts à ouvrir pas seulement leur porte monnaie, mais surtout leur cœur et la porte de leur maison... non ?), un détective super habile, un bon avocat , un procureur qui fait son job, et une justice qui puni les coupables... Bien sûr que c'est trop beau pour être vrai ! Dans la réalité, le meurtre serait resté impuni, les coupables auraient continué leurs petites vies tranquilles, Sam se serait peut-être suicidé, Chris et Adam seraient restés solitaires et malheureux et très probablement, Paul aurait terminé sa courte vie une seringue dans le bras, couvert de vomi dans un squat sordide, ou égorgé pour quelques dollars. Alors à tout prendre... je préfère un conte de fée avec happy end, et au diable le réalisme !!
N'hésitez pas à découvrir ce conte MM à la fois moderne et poétique, noir et utopique.